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mercredi 15 avril 2015
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par Psymanu le 27 mars 2007
paru en novembre 2006 (Mercury)
De la pertinence d’une reformation. Ici, c’est pour réagir à l’actualité politique et sociale, parait-il. Reste le problème du créneau. Parce qu’un message fort doit trouver sa place pour être pertinent. Or, quelle est la place de Trust, en ces années 2000 ? Celle qu’on réserve aux vieux groupes dont l’intérêt principal se nomme "nostalgie", l’appel aux souvenirs de pogos et de bière, et l’envie de de révolte par le hard rock. Je ne dis pas, un artiste ou un combo peut toujours parvenir à se régénérer, question créativité, mais alors il lui faut souvent larguer les amares de ses acquis, ne point trop s’appuyer sur son vieux répertoire, ou bien le réinventer, le prendre par un autre bout, pour l’actualiser, le resynchroniser. Mais balancer la vieille bonne sauce comme si c’était du neuf, ça sonne "dinosaure", dans l’acception qui était celle des punks au moment où il était temps de renvoyer sur leurs marques les Zeppelins déclinants. Ringard, quoi. Et la ringardise, ça sappe même les meilleurs efforts, niveau communication et tentative de coup de pied dans la fourmilière. Ou comment changer le futur en avancant à reculons. Même les Bérus s’y sont pétés les dents.
Parce que d’entrée de jeu, il y a malaise sur Le Mitard. Hormis la jouissance d’un retour aux sources, quelle est l’utilité d’en revenir à cette ode à Mesrine ? La symbolique de ce personnage à contre-courant et à contre-lois, oui, d’accord. Mais on sent derrière tout ça une volonté d’en refaire une icone, ce dont il n’a tout d’abord nul besoin. Mais, surtout, ça n’a aucune pertinence, au contraire, lorsqu’on invite explicitement à s’exprimer par les urnes plus que par l’incendie de bagnoles en banlieues. Prôner le retour au système (électoral) en chantant le banditisme ? Il y a un problème. Bien évidemment qu’il ne faut pas faire une lecture aussi superficielle de cette chanson, mais il y a perte de clarté dans le discours, presqu’un paradoxe. Trust possède un répertoire (un peu) et aussi une aura (surtout) axée sur le clivage entre les classes, les profiteurs du système au cerveau pourri qui vivent dans l’ignorance des autres, ceux d’en bas qui galèrent, et on serait de mauvaise foi en disant que ça n’est plus d’actualité. Mais, encore une fois, le but de cette reformation est d’inviter à l’expression, et donc à la communication, via le vote, notamment. Dès lors, n’est-il pas risqué de souligner la division par le fric et le berceau sans rien proposer d’autre qu’un constat amer, simpliste et manichéen de la situation ? Attiser le ressentiment n’est-il pas le plus sûr moyen de retrancher chacun dans son camp ? C’est un choix, c’est celui de Trust, il n’y a pas à juger ça, mais encore une fois tout n’est pas clair dans l’histoire.
Heureusement, il y a Fatalité, par exemple. Un morceau plus en phase, dans sa forme, avec la réalité de la vie du dehors. Ça cause banlieues, refuge dans la délinquance, dès le jeune âge. On y est en plein. Police Milice, idem, le sujet est largement d’actualité et le public ne s’y trompe pas, lui qui reprend les refrains avec nos vieux briscards. Et puis il y a ce bon vieil Antisocial. Quoi qu’on en dise, ce titre reste l’un des piliers du rock hexagonal : un riff de tueur, des paroles bof bof mais faciles à retenir, lorsque c’est exécuté avec une telle verve, ça ne peut que bien passer, quand bien même on puisse se sentir en plein trip régressif.
Et les inédits ? Ils sont trois. Chaude Est La Foule est une tentative de rap quelque peu loupée avec, comble de l’horreur, des synthés cheap qui plombent tout l’impact qu’eut pu avoir le texte de Bernie. La Mort Rôde est manquée aussi. La faute à une voix trop en avant et à des couplets sur lesquels la tentative de groove du chanteur sied trop peu à la sensibilité du groupe. Ca ne sonne pas Trust, quoi. De toute façon, c’est sur Sarkoland (La France On L’Aime Ou On La Quitte) que tout avait été misé. Et en effet on sent bien que nos gars sont bien plus à l’aise dans ce registre énervé, c’est du gros rock qui tache partout par où il passe. Mais c’est suranné.
Musicalement, il y a peu à dire. Tout est strictement carré, exécuté dans un hard rock des plus classiques et des plus efficaces. La pêche est là, ils sont encore jeunes, finalement, capables comme à leur belle époque. Bernie est en pleine forme vocalement, intact ou presque. Les solos de Nono, pour réussis qu’ils soient, sont hélas exactement ce qui ne se fait plus vraiment, et qu’on n’a plus tellement envie d’entendre. Pas assez habités, trop branlage de manche, ça manque du blues d’un AC/CD, principale influence pourtant. Ce qui manque, finalement, c’est la passion. À l’écoute, ça manque de sueur, de spontanéité aussi. Trust est devenu un "gros combo du passé", et ça, c’est connoté "groupe de stades", "tournées lucratives", c’est connoté Rolling Stones mais sans le lustre des 60’s derrière.
Cet album live tombe à plat, dans son intention de réveiller les foules. Il est un excellent best-of, peut-être un bon moyen de faire découvrir les Trust, mais il n’est pas une Révolution, même pas un pavé dans la mare. Que son écoute soit très appréciable ne peut parvenir à nous faire oublier que tout cela est un peu vain.
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