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par Giom le 25 mai 2010
Paru en juin 2008 (EMI)
Pas facile de résumer la carrière de Radiohead, tant ce groupe a plusieurs visages, passant en l’espace d’une dizaine d’années du néo-grunge de Pablo Honey à l’electro-rock de Kid A et d’Amnesiac en passant par le rock épique de The Bends qui donnera naissance à Muse et les envolées lyriques sur fond parano-dépressif d’OK Computer ; le militant Hail To The Thief (2003), présentant alors, sans doute sans le vouloir, une synthèse de tout ça. Peu importe, EMI relève le défi dans le but à peine non avoué de se faire des ronds sur un de ses groupes phares qui lui a récemment échappé pour jouer les alters dans une version « pay what you want » de son dernier disque. La maison de disque avait dans un premier temps riposté à cet affront en rééditant tous les disques du groupe dans des versions remasterisées emballées dans un beau coffret – comme par hasard vers Noël, période bénite de la consommation pour tous, inflation ou pas - puis, maintenant, avec le coup du best of en version simple ou double, pour ceux qui voudraient un peu mieux connaître le groupe que les autres. Radiohead n’a pas vraiment réagi à cette nouvelle attaque commerciale, si ce n’est par l’intermédiaire de son deuxième guitariste Ed O’Brien égratignant l’artwork du produit, notamment les photos choisies pour le livret. Passons sur ces considérations merchandising…
EMI fait le choix d’une présentation non chronologique des morceaux, ce qui a le mérite de varier les ambiances et les styles mais peut aussi décontenancer profondément l’auditeur tant la progression musicale de Radiohead est, semble-t-il, à appréhender selon le bon vieux fil temporel, toujours une valeur sûr. Le passage sans transition sur le premier disque de Fake Plastic Trees, ballade sortie en single en 1995 à Idioteque, titre le plus electro de Kid A, a de quoi bouleverser en effet. Il en va de même à la fin du deuxième CD quand How To Disappear Completely succède à Anyone Can play Guitar, la richesse instrumentale du premier (l’intrusion des fameuses ondes Martenot jouées par Jonny Greenwood en contre-temps de la guitare acoustique) n’ayant rien à voir avec la rythmique on ne peut plus entraînante mais néanmoins plus sommaire du deuxième, l’un des premiers titres du groupe, encore sous forte influence Pixies. Un véritable fossé sépare également les deux textes des morceaux. Quand How To Disappear… explore une tentative de fuite de la condition humaine de façon imagée, Anyone Can Play Guitar lorgne vers une apologie de la rock’n’roll way of life la plus teenage time possible :
Grow my hair, grow my hair I am Jim MorrisonGrow my hair I wanna be wanna be wanna be Jim Morrison
Pas étonnant que le groupe ait depuis renié ses débuts un peu chaotiques. Il faut bien une genèse à tout me direz-vous.
Alors bien sûr, on retrouve sur cette compilation les « tubes » inévitables du groupe. Creep, l’hymne du mal être pour adolescent qui n’arrive pas à avoir de copine dans sa classe de 2nd, qui lança la formation et permis à MTV de se faire quelques choux gras ou Karma Police, la relecture d’Orwell où la guitare acoustique se marie si bien avec le piano que le morceau fait mouche à tous les coups, aussi bien en concert qu’en soirée entre amants cultureux, jusqu’à There There, aux percussions entêtantes et à la guitare sinueuse, synthèse, pour le coup, de la capacité de Radiohead à faire à la fois pointu et évident – ce qui n’est pas donné à tout le monde. Heureusement avec un tel groupe qui a su éviter le plus possible les autoroutes musicales à huit voies, on a le droit a quelques pépites moins radio friendly sinon EMI n’aurait pu remplir un double album à coups de singles platinisés (on est pas chez U2, hein !). On retrouve alors avec plaisir les merveilles de la période Kid A/ Amnesiac, époque miraculeuse où le groupe se réinventait en réinventant un genre. Everything In Its Right Place, The National Anthem, jusqu’ à I Might Be Wrong et son riff surpuissant qui réconcilie en quelques notes Robert Johnson et New Order (si, si !). Pas de In Limbo, Like Spinning Plates ou la plus récente The Gloaming néanmoins, preuve évidente qu’il vaut mieux écouter les albums pour prendre la pleine mesure du groupe tout de même. Sinon, bien sûr, aucun morceau d’In Rainbows (souvenez-vous, le plan alter « do it yourself with the web »).
Pour faire pointu et produit de qualité le tout finit par True Love Waits, morceau que soit les fans hardcore ou les adorateurs du EP live I Might Be Wrong, sorti en 2001, connaissent. Finalement, ce best of fait presque setlist de concert du groupe, les morceaux du premier album et Let Down - depuis renié par Thom Yorke - en plus (comme ça tombe bien puisqu’il est sorti en même temps que la dernière tournée du groupe, malin la com de la maison de disque encore une fois). On ne boudera pas son plaisir donc, tant la richesse du groupe parvient à ressortir malgré le côté patchwork de l’entreprise et la démarche bassement commerciale du produit qui nous force, par déontologie envers nos musiciens alter version vert foncé préférés à mettre une mauvaise note à l’ensemble. Jetez vous sur les albums donc !
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