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The Good, The Bad & The Queen

The Good, The Bad & The Queen

The Good, The Bad & The Queen

par Aurélien Noyer le 20 février 2007

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paru le 22 janvier 2007 (Parlophone / EMI)

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The Good, The Bad & The Queen, énième projet de Damon Albarn, déjà tête pensante de Blur et Gorillaz... Un individu assez étrange si on y réfléchit, puisqu’il est passé successivement d’un style à la limite du shoegazing avec le premier album de Blur pour triompher avec ses hymnes britpop avant de rebondir et d’enchaîner trois albums très différents (Blur, 13 et Think Tank), tout en ayant le temps de développer un projet fou de groupe complètement virtuel mixant rock, electro et hip-hop. Et comme rien ne semble résister au petit gars de Londres, Gorillaz fut bien sûr un énorme succès, tant public que critique...

Avec The Good, The Bad & The Queen (après les titres Clint Eastwood et Dirty Harry, encore une référence à son acteur fétiche ?), c’est un super-groupe à l’ancienne puisqu’il rassemble Simon Tong, ancien guitariste de The Verve, Paul Simonon, ancien bassiste de The Clash et Tony Allen, ancien batteur de Fela Kuti, et pour ne rien gâcher, Albarn embauche le DJ Danger Mouse, déjà responsable de la réalisation de Demon Days, à la production. D’un tel rassemblement, l’auditeur moyen ne peut que se demander ce qu’il va donner. Et si en plus cet auditeur est comme moi un fan de Damon Albarn [1], à ces interrogations se mélangent un soupçon d’impatience et d’appréhension.

Il faurait presque avoir honte de le dire mais la première écoute déçoit un peu. Oubliez les sautillements de Blur (Country House, Song 2), les hybrides de Gorillaz (19-2000, Clint Eastwood ou DARE), The Good, The Bad & The Queen ne ressemble pas vraiment aux productions précédentes d’Albarn, tout au plus pourrait-on le rapprocher de la superbe Out Of Time sur l’album Think Tank. Ainsi, le premier aperçu de l’album parut un peu plat, manquant de reliefs, de dynamique. Mais heureusement, deux ou trois écoutes suffirent à dévoiler cet album qui contient beaucoup plus qu’il n’y semble au premier abord. Ignorez vos voisins et vous y gagnerez les lignes de basses rondes et chaloupées de Simonon, les beats nonchalants et dansants de Tony Allen, sans compter les ambiances cool disséminées ça et là par Danger Mouse.

Car The Good, The Bad & The Queen, sans être aussi explosif qu’un Gorillaz, est bel et bien un album hybride. De façon diffuse, il mélange discrètement chanson pop, influences reggae et world avec des ambiances electro-soft. On retrouve d’ailleurs quelques éléments de Gorillaz, notamment les parties de guitares de Simon Tong, puisque ce dernier assurait déjà la six-cordes sur Demon Days. Même guitariste, même producteur et donc aucune surprise à ce que le son de guitare que l’on entend sur History Song ressemble fortement à ceux qu’on pouvait entendre sur El Manana ou Feel Good Inc.. Par contre, les lignes de basse de Simonon surprennent par leur présence, leur simplicité et leur efficacité. Sans être particulièrement rythmées, elles se posent en dehors de la mélodie pour créer avec l’aide de la batterie une seconde rythmique beaucoup plus fluide que le piano d’Albarn ou les arpèges de guitare de Simon Tong. C’est bien cette polyrythmie qui donne tout son charme à ce projet, mélange entre les structures carrées de la pop et les pulsations syncopées des musiques africaines et du reggae.

Et puis la voix magnifique de Damon Albarn qui avait rarement aussi bien chanté... Behind The Sun, 80’s Life ou Green Fields sont autant d’occasions pour lui d’émouvoir l’auditeur avec sa voix nasillarde de chanteur de music-hall désabusé. Il n’hésite d’ailleurs pas à en jouer puisque 80’s Life sonne comme une vieille ballade kitsch. Et ses mélodies toutes simples s’accordent parfaitement avec l’ambiance cool de la musique. Sans emphase, il se permet néanmoins quelques montagnes russes vocales, brouillant les pistes par un flegme tout britannique. Car si les chansons parlent de quelque chose, c’est bien de la Perfide Albion et de ce qu’elle est devenue. Inutile de chercher bien longtemps le sens des paroles de Kingdom Of Doom, Three Changes ou The Good, The Bad & The Queen, elles parlent des attentats dans le métro de Londres, des caméras de surveillance, du climat qui règnent en Grande Bretagne... Et si le moindre doute subsistait, la pochette et les dessins du livret lèvent toute interrogation.

Mais si le thème est grave, les chansons n’en sont que d’autant plus émouvantes. L’alchimie qui unit les musiciens sur des titres comme History Song ou The Bunting Song permet de lever toute inquiétude. Non, The Good, The Bad & The Queen ne souffre pas de cette juxtaposition d’ego qui gâche régulièrement ce genre de projet. Peut-être est-ce dûe au fait que cet album n’était sensé être qu’un projet éphémère [2] ou tout simplement à la qualité des chansons de Damon Albarn, mais on sent indéniablement que cet album est un véritable travail de groupe (groupe dans lequel il faudrait inclure le producteur Danger Mouse pour rendre justice à son excellent travail) et que chacun a pris énormément de plaisir à y participer, avant de conclure sur The Good, The Bad & The Queen, l’ultime morceau de l’album et la quintessence du groupe. En sept minutes, la montée en puissance du piano, du rythme auxquels viennent progressivement se greffer les autres instruments, une lente accélération vers un final dément et hystérique, dernier baroud d’honneur d’un groupe éphémère. Tout proportion gardée, il faudrait revenir au Sister Ray du Velvet underground pour trouver pareille apothéose.

Finalement, et bien que ces qualités ne soient pas évidentes à la première écoute, il s’inscrit d’ores et déjà parmi les albums favoris de 2007. Et quant à Damon Albarn, il en devient presque agaçant... Mais quand daignera-t-il enfin sortir un mauvais album ?



[1Et voilà comment réduire à néant la crédibilité de cette chronique.

[2Bien que depuis la sortie de l’album, un follow-up semble envisageable.

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Tracklisting :
 
1. History Song (3’05")
2. 80’s Life (3’28")
3. Northern Whale (3’54")
4. Kingdom Of Doom (2’42")
5. Herculean (3’59")
6. Behind The Sun (2’38")
7. The Bunting Song (3’47")
8. Nature Springs (3’10")
9. A Soldier’s Tale (2’30")
10. Three Changes (4’15")
11. Green Fields (2’26")
12. The Good, The Bad & The Queen (7’00")
 
Durée totale : 42’54"