Voici un groupe qui nous vient de Suisse, de Genève même. What’s Wrong With Us est un groupe original... qui cultive le bizarre, le non-sens jusqu’à la déraison. Leur pochette dérange, leurs paroles sidèrent et leur musique est telle qu’elle requiert d’étonnants instruments. Ainsi, la chanteuse Zoe Cappon se voit crédité des pleurs et de la ceinture, tandis que Julien Israelian paraît maître du vibromasseur et du presse-purée. Leur musique est ouverte au monde, ainsi invitent ils des gens extérieurs, tels JL Costes qui à l’honneur de participer à l’horrible Stupid Girl auquel il apporte la touche de trop, à savoir un torrent d’insulte déversé à la chanteuse ...

Zoe Cappon chante en anglais, avec un accent marqué, ce qui parfois la rapproche d’une Björk enragée. Ses acolytes pluri-instrumentaux jouent un fond qui, hélas ou heureusement, dépendant des goûts de chacun, touche plus à la musique franchement expérimental qu’au rock plus ou moins mainstream. Le bizarre, l’original est un noble but à rechercher. Mais si une fois atteint, on s’y replet, on risque, par la même occasion de perdre l’oreille du public, aussi consciencieux soit il.

What’s Wrong With Us ? Il serait facile de répondre « Everything » tant ce groupe peut descendre au fond des abysses de l’inaudible. Mais, le téméraire amateur de musique découvrira après quelques écoutes (admirez son courage), que tout, en effet n’est pas à jeter. Certains morceaux ressortent de ce long album. D’autres le plombent.

Les paroles connaissent des hauts et des bas elles aussi. Le mauvais goût est affiché, l’humour plus ou moins noir aussi. La mort, douloureuse et/ou longue, est présente partout ou le sexe ne l’est pas (les deux étant souvent liés).

Ce groupe vise le malsain, et y parvient à merveille. A l’encontre de ce qui ce fait et se pense aujourd’hui, les voilà qui dans amour parlent de leur appréciation du terrorisme, cette drôle petite chose :

I love big terrorism

I feel it’s funny when it happens

I love the Bombings

I love destruction

Les voilà qui s’attaquent à la pudeur, et aux prudes moeurs ambiants. Voici Slave et ses édifiantes paroles :

Hey mummy I love you mummy

I smell I lick I eat your pussy

Du côté négatif on retient donc la vulgarité, le caractère souvent inaudible des musiques et la débilité de pas mal des paroles. Du côté positif, entre le tiers et la moitié des chansons sont sinon merveilleuses, assez audibles voire agréables. Ainsi la sympathique ouverture au bizarre touchant Jim’s Funeral, premier et meilleur morceau de l’album, mais aussi le cinquième titre Paul Martin émergent. Sombrent inexorablement Stupid Girl et Slave.

Reste alors une question fondamentale ? Est-ce, malgré tout ça, un disque intéressant ? Voyons voir. L’écoute en est laborieuse ? Qu’à cela ne tienne, les meilleurs artistes sont rarement ceux que l’on apprécie au premier coup d’oreille. Ils cherchent par tout moyens à choquer, à remuer les frontières de l’acceptables ? Chaque société a besoin de rebelles, d’être dérangée, sans quoi elle ne se remettrait jamais en question. Ce disque dérange, et en cela est intéressant. Mais il dérange tellement que l’on ne peut jamais se sentir à l’aise avec, et que le caractère difficile et laborieux des écoutes ne s’estompe que très peu.

Ainsi tout les efforts fait pour dominer What’s Wrong With Us ? devront être long et acharnés, nécessitant au préalable un réapprentissage des notions d’agréable et d’audible. Et méritent-ils cet effort ? Ceci reste encore à prouver.