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par Fino le 26 juillet 2011
Sorti en salle le 4 juin 2003 ; DVD édité chez Naïve
Ou comment Steve Coogan a fait Madchester. "Je ne veux pas trop en dire, veux pas tout gâcher. Je dirai juste un mot : Icare. Si vous pigez, super. Sinon, c’est pas grave. Mais vous devriez probablement lire plus". Ainsi débute, face caméra, l’histoire de Tony Wilson, magnat un peu naïf de Factory Records, version Coogan-Winterbottom (voire Tournage Dans Un Jardin Anglais pour une autre illustration). Les conventions de la biographie romancée et des rumeurs rock sont détournées avec une finesse et un flegme imparables.
Tony Wilson donc, petit journaliste télé de Manchester spécialisé dans les reportages merdiques, veut quelque chose à la mesure de son diplôme de Cambridge. Il s’éprend de l’énergie de la scène punk et comprend avant tout le monde que quelque chose est en train de se produire. On est à la fin des années 70, et les Sex Pistols sont en train de tout casser, comme nous le rappellent quelques images d’archive.
Vont suivre l’ascension du Wilson producteur touche-à-tout qui, voulant laisser liberté totale aux artistes (il le signe de son propre sang), va se faire dépasser puis totalement ronger par un milieu taillé trop grand pour lui. La découverte de Joy Division, le malaise puis suicide de Ian Curtis, la lente remontée de pente de New Order, le carnage Happy Mondays (auteurs au passage de la chanson 24 Hour Party People à l’époque), tout défile devant l’oeil d’un Steve Coogan désabusé qui perd pied dans la folie psychotrope synthétique Madchester des années 1980. Et accessoirement devant le nôtre.
Qu’est-ce qui est vrai dans tout ça ? La trame de base. Le reste, légende, rumeur ou ajustements pour le scénario, on s’en fout, comme le résume Howard Devoto (Buzzcocks), s’adressant à la caméra alors qu’on vient de le voir coucher avec la femme de Wilson : "je ne me souviens carrément pas de ça". L’intérêt n’est pas là, mais dans le fait qu’avec le recul, on ne peut songer à meilleur moyen de capturer l’esprit. Wilson a voulu se fabriquer une légende (émission télé créatrice de hype, producteur cinglé aux platines, clubs titanesque avec dealers à l’entrée...), et a vite été dépassé par sa créature.
Michael Winterbottom a réalisé ce qui devrait rester comme une œuvre majeure du cinéma rock, dans le thème mais surtout dans l’attitude. C’est le plus gros truc de tous les temps. On s’en fout, passons à la suite. Il parvient à donner une idée de la dimension insaisissable du sujet, et a fortiori d’un Madchester complètement hors de tout contrôle, hors de celui des producteurs, des artistes, de la mafia. Il en est conscient, en rie. Le protagoniste n’est après tout, de son propre aveu, qu’un personnage mineur de sa propre histoire, de même que les Curtis, Shaun Ryder ou Martin Hannett. La légende a fait le reste, Winterbottom l’a filmée, Coogan la commente.
Article initialement paru le 23 octobre 2007.
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