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par Emmanuel Chirache le 27 janvier 2009
Sorti en novembre 2008
Imaginez que vous tombiez sur une pile de vieilles cassettes contenant des heures d’entretiens inédits entre, je ne sais pas, mettons Jimi Hendrix et son biographe. Vous vous diriez certainement que vous êtes un sacré veinard et que votre gloire est faite. Et vous auriez raison. Hé bien c’est exactement l’histoire de monsieur Schnack. Un jour, monsieur Schnack retrouve les bandes sur lesquelles Kurt Cobain répond aux questions de Michael Azerrad pour son livre Come As You Are : The Story of Nirvana. Les interviews ont été réalisées en 1993 sur le mode de la confession intime, pendant la nuit la plupart du temps. En elles-mêmes, ces bandes sont passionnantes. Oui mais voilà, monsieur Schnack ne peut pas les mettre dans le commerce comme ça, brutes de décoffrage. Il doit s’en servir. Alors monsieur Schnack trouve une bonne idée. Il va faire un film avec. La voix de Cobain fera office de commentaire et les images... hé bien les images, il ira les tourner sur les lieux de son enfance et de son adolescence, tiens. Ce seront les autres protagonistes du film. La classe ouvrière d’Aberdeen, les hippies d’Olympia, la foule de Seattle. Et la forêt. Beaucoup de forêt.
Une fois que le projet a pris forme, monsieur Schnack peut donc se payer un petit tour en hélico au-dessus de toute la région. Puis une petite virée dans les bleds du coin. Sur son chemin, le réalisateur croise des gens et leur demande de poser devant la caméra sans bouger, sorte de cliché (au sens propre) cinématographique devant lequel on est censé s’extasier. Un peu comme si Schnack nous disait : « Tenez, regardez un peu les gros beaufs que devait se farcir Kurt ! ça explique tout, hein ? » Il n’empêche, si on se ballade sur le net pour lire les critiques, tout le monde est d’accord : les paysages capturés par le cinéaste sont très beaux. C’est vrai. Mais ils sont aussi très chiants. Difficile de voir dans ce parti-pris pseudo artistique, que certains prennent pour de l’audace, autre chose qu’une paresse malvenue. D’aucuns s’imaginent que parler d’un homme sans que jamais le spectateur ne voie sa tronche ni entende ses proches relève de l’approche biographique la plus intime possible. Sauf que Schnack fait ainsi de Cobain son propre biographe, auquel il n’oppose aucune contradiction. C’est tout l’inverse d’une véritable biographie, qui se doit de confronter les points de vue entre eux, de mettre les événements et les discours en perspective. Cobain devient dans le film un démiurge auto-créateur qui seul porte la voix de la vérité. Dommage.
A partir d’une matière riche et inédite, les propos de Cobain, monsieur Schnack n’a effectué aucun effort de recherche ni aucune analyse. Il nous livre des archives brutes, qu’il a au mieux illustrées. Que dirait-on à un thésard qui se contenterait de reproduire dans son travail les documents qu’il devait étudier ? Même constat pour la musique, qui s’attarde sur les groupes que le chanteur de Nirvana écoutait. Choix certes original (encore que) mais pas forcément très pertinent pour l’auditeur. L’histoire regorge d’écrivains de génie qui s’enthousiasmaient pour des scribouillards retombés depuis dans un anonymat d’où ils n’auraient jamais dû sortir. Le documentaire aura au moins ce mérite : nous permettre d’entendre les confessions émouvantes d’un homme à la sensibilité exacerbée et à la lucidité parfois confondante.
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