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par Vyvy le 6 mai 2008
J’ai une furieuse tendance, à chacune de mes errances, à chaque fois que je découvre une ville ou un pays, à chercher un disquaire. Le disquaire est à l’amateur de musique ce qu’est la mer au marin débarqué : savoir où il/elle est, ça rassure tout de suite vachement. Le disquaire, c’est un lieu où on se sent bien, qu’il pleuve, qu’il vente, qu’on cherche un item fantasmagorique précis, où qu’on se laisse porter au gré de l’ordre alphabétique. Hors de question donc, de partir quelque part sans avoir une adresse, si possible griffonnée à la va-vite sur un ticket (de métro, de concert…), ça fait tout de suite plus classe.
Quelques jours après mon arrivée début août, me voilà donc errant dans le centre piétonnier d’une Aarhus, DK, (prononcer Oh ! Rousses !) au climat estival des plus changeants. J’aperçois un nom au croisement de deux ruelles, « BadstueRock ». Messieurs, mesdames, j’ai trouvé ma Mecque musicale temporaire : le charmant croisement de Badstuegade et de Borrgade et ses trois disquaires…
Ce n’est vraiment pas le plus bel endroit du centre. Dans la parallèle de Borrgade se trouve des magasins autrement plus attrayants où, si l’on arrive au bon moment de la journée, on peut goûter des fromages et charcuteries italiennes à vous mettre à genoux. À son bout, on aperçoit pourtant un glacier délicieux. Enfin, choisir de l’arpenter, c’est sortir des jolies rues pavées pour marcher dans une rue goudronnée et un peu couverte d’échafaudages. Non, ce n’est vraiment pas le plus bel endroit du centre, mais je m’en fous. On parle de disquaires là, et pas de n’importe lesquels.
Il y a tout d’abord BadstueRock, celui dont le nom m’avait attiré à grand pas, désespérée que j’étais de ne pas trouver d’autres sources de musique que des chaînes très décevantes, et une radio locale des plus affligeante (la mode musicale est au pire des années 90 par ici, et elle est tenace). Avec sa devanture un peu passée, et sa vitrine couverte d’affiches où s’amoncellent livres et disques, on ne résiste pas longtemps. Ce n’est pas bien grand, mais ça sent la collection, mise à jour constamment et avec passion, et enfin, vu que ça parle danois, on peut se permettre d’imaginer que les gars derrière le comptoir refont le monde musical à coup de top cinq délirants.
Mais BadstueRock n’est, au mieux, qu’un hors-d’œuvre. Car là où Aarhus, deuxième ville du pays, dotée de seulement 300 000 bonnes âmes, diffère de bon nombre de nos villes back home c’est dans sa proportion de Vinyl Freaks. Dans le centre, il y a ainsi au moins trois très bons vendeurs de vinyles, dont deux que je découvre en cet après-midi pluvieux d’août, côte à côte, dans cette rue Borrgade qui devient décidément de plus en plus charmante. Me voici enfin arrivée, devant Scavenger Records et Dandelion Records.
Je secoue mon imaginaire parapluie à l’entrée, avant de pénétrer, saucée et trépignante, dans Dandelion, Scavenger étant fermé (j’y retournerai le lendemain, évidemment… mais sans la même soif, mon envie de disquaire s’étant épanchée dans la boutique voisine). Dandelion Records, c’était le label de John Peel, qui de 69 à 72 se fit un joli petit nom. Mais pour moi, Dandelion c’est cette petite boutique fascinante sur Borrgade, mon petit paradis danois, qui en plus d’avoir un très joli nom, est de ces lieux où l’on aime traînasser, quand on a une heure à tuer, et vers lequel on se rue lorsqu’une envie de cadeau s’empare de son humble personne.
Quand il ne pleut pas, des vinyles en promotions sont présentés dehors et, en fonction de la période, pour quelques trois euros, on trouve de tout, de Pipes Of Peace et Tugs Of War de Macca, à un best of des Village People en passant par Noël avec les Schtroumpfs, en danois.
Qu’il pleuve ou qu’il vente (ce qui arrive plutôt souvent dans le coin, soyons franc) on se prend à fouiner, bien au chaud, et du coté des nouveautés/réeditions, et du coté des vieilleries d’occasion. Nos doigts intrépides effleurent des disques délicatement protégés. Et quand l’oreille nous taquine, on se prend à essayer une jolie galette noire là-bas, sur la platine près de la caisse.
Mais pourquoi diantre des vinyles ? Pourquoi pas des CDs, pourquoi un support ? Peut-être parce que la musique n’est pas que sonore, elle est aussi atmosphère et il n’y a pas à dire, la pochette jaunie d’un vieux vinyle, les autocollants foireux qui tachent parfois les plus belles œuvres, tout ça fait partie du charme de cette chose merveilleuse qu’est la musique, qu’elle se nomme rock ou cha cha cha.
A Dandelion comme dans tout bon disquaire de vinyle, c’est l’histoire du rock en négatif que l’on découvre. Les disques qu’on y vend ne sont que rarement vierges : un, voire des, hommes ou femmes les ont possédés et ont cru bon de s’en débarrasser : ainsi, au coté de pièces de collection, on retrouve des groupes que l’on aurait préféré oublier, et bien d’autres dont le nom n’a jamais traversé les âges. Enfin, tenaces, car durs à vendre, on y trouve aussi les moins bons albums de nos artistes préférés. Il faut avouer que Saved en format vinyle, ça a de la gueule.
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