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mercredi 15 avril 2015
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par Our Kid le 14 mars 2006
Du rock et une pincée de spiritualité orientale dans un shaker, et vous obtenez un groupe à la carrière brève mais essentielle. Ça vaut le coup d’essayer ! Portrait d’un groupe culte à la carrière brève, au succès fulgurant mais qui suscite toujours autant de fascinations.
L’histoire de Kula Shaker commence évidemment avec celle de ses membres. Honneur au plus âgé, donc, avec Jay Darlington, né le 3 mai 1968. On ne sait que très peu de choses sur son enfance si ce n’est qu’il a quasiment toujours joué des claviers et ce, depuis son plus jeune âge. Il a même été designer graphique avant d’intégrer une formation musicale. Lorsqu’il était plus jeune, les gens avaient l’habitude de le confondre avec Richard Branson !
Né dans la banlieue ouest de Londres le 24 octobre 1970 dans une famille d’origine galloise, Alonza Bevan va découvrir la musique en jouant différents instruments dont le piano mais aussi la basse. Durant son adolescence, il s’est vu affublé du surnom de Shep. Toujours est-il qu’il adore parler avec un accent gallois. Paul Winter-Hart, né le 19 septembre 1971 à Glastonbury. Originaire d’une famille de musiciens : son père était batteur dans un groupe de jazz et c’est naturellement qu’il se placera derrière les fûts. Enfin, et pour compléter le carré, Crispian Mills né le 18 janvier 1973 dans une famille célèbre puisque sa mère n’est personne d’autre que l’actrice Hayley Mills, qui a joué dans des films comme Pollyanna ou Parent Trap, et son père, le metteur en scène Roy Boulting qui quitta le domicile familial lorsque son fils avait deux ans. « C’est la raison pour laquelle je ne porte pas son nom. Il a été marié six fois et je suis le septième de ses fils ». C’est également le petit-fils de l’acteur Sir John Mills.
Crispian le blondinet a toujours joué de la guitare mais est aussi fasciné par la légende d’Excalibur et par Star Wars. Malgré la célébrité de sa famille, Crispian assure qu’il n’a vu que très peu de stars durant son enfance. « On ne menait pas une vie de bohème. On ne lisait pas Marx après le dîner ».
Non, s’il y a une chose qui l’a marqué durant son enfance, c’est la première fois où il a pénétré dans un temple de l’Association internationale pour la conscience de Krishna. « J’étais avec ma mère lorsqu’elle visitait ce temple à Watford. Je devais avoir onze ans. Il y avait une puissante énergie, mais il y avait aussi ces gens bizarres avec leurs robes et je voulais juste m’enfuir. Ça m’a affecté ». Il se souvient d’avoir placé sur son mur de chambre, étant jeune, un poster du groupe Madness. « Je l’avais pris dans une revue appelée Look. Les membres du groupe posaient en costumes noir. J’ai mis des graffitis qui sortaient de leurs bouches dans des bulles ».
Vers 17 ans, Mills rencontre Alonza Bevan sur les bancs du Richmond College. À cette époque, le fils de stars est surnommé Dodge et décide de jouer avec Bevan dans un groupe appelé Objects Of Desire et de tenir en même temps une boîte de nuit psychédélique, The Mantra Shack, à l’arrière de la patinoire de Richmond. Mills avouera plus tard qu’il était devenu cinglé et que cela a duré cinq ans. Une période d’apprentissage difficile. « J’avais vraiment besoin de faire quelque chose de ma vie donc j’ai décidé de partir en Inde ». Plutôt que de suivre une piste à la recherche des éléphants, de faire la fête à Goa ou encore de s’allonger sur une plage en lisant le dernier roman à la mode, Mills se rend à Mayapur sous la « tutelle » d’un certain Mathura, un « voyageur à son compte et mystique par la même occasion ». Étudiant rencontré à Richmond, Mathura serait, selon Mills, un « dénonciateur » des libertés en Extrême-Orient, un moine et un « conspirateur révolutionnaire » doté d’un passé dans un goulag sibérien. Interviewé par l’hebdomadaire musical Select, Mathura explique les motivations qui ont poussées Mills à se rendre dans les montagnes indiennes : « Je l’ai aidé à étudier les enseignements d’un mystique indien appelé Chaitanya. Il est revenu en Angleterre complètement transformé ».
À son retour, Crispian et Alonza mettent en place un autre groupe appelé The Kays. Les deux vivent désormais ensemble dans Swiss Cottage et passent leur temps à écouter de la musique classique indienne et faire des recherches sur la légende arthurienne. Pour compléter le groupe, on fait appel au batteur Paul Winter-Hart et à Saul Dismont, le cousin de Crispian, pour le chant. Dismont initia le reste du groupe à toutes sortes de symboles et leur expliqua en quoi la lettre K était magique, puisque elle représentait les rois dans le passé et qu’on la retrouve également chez Krishna ou Kennedy. L’autre occupation qui unissait les membres dans leur collocation était l’enseignement de la magie par l’intermédiaire d’Aleister Crowley (Nda : l’initiateur notamment de Jimmy Page). D’après Mills, tout cela était « une réalité folle. On croyait qu’on était des chevaliers dans des écuries, se tenant prêts pour la bataille finale. Et puis, on a rencontré Don ». Don Pecker est devenu le « gourou de la folie » de la bande. Ancien escroc et conducteur de mini-bus à l’occasion, il a été « déniché » par Mills dans un temple en 1993. « C’est un personnage amusant », révèle le guitariste, « qui adore les légendes ». Pecker aurait découvert qu’il était le descendant de Chevaliers de la Table Ronde...
Toujours est-il que c’est avec ce chevalier royal à leurs côtés que The Kays se rend au festival de Glastonbury de 1993 pour se produire pour la première fois. D’après les informations, Mills et Pecker s’y seraient rendus dans une vieille Mercedes 280, sous l’emprise d’un puissant acide. Il semblerait que le véhicule ait été porté disparu depuis qu’un meurtre sordide eut été commis par un ancien propriétaire en 1982 et c’est ainsi que les deux furent arrêtés par la police du festival. Pecker, en plein délire, parvint à convaincre les autorités que Mills et lui n’étaient pas les personnes qu’ils recherchaient et qu’ils ne pouvaient être arrêtés car ils étaient protégés par le chiffre 13. Finalement libérés, ils retrouvèrent le reste du groupe sous une chapiteau Krishna où The Kays joua une heure d’acid-rock distordu incluant leur morceau fétiche sur scène Govinda. L’avenir du groupe est encore incertain, partagé entre rêves de musiciens et réalité parfois difficile. Mills, par exemple, travaille auprès de Harris, un organisme qui prépare des sondages électoraux, en tant que « prospecteur de marché »... Il a décrit plus tard ce petit boulot sous ces quelques mots : « C’était comme être Robin des Bois, avec la vérité ».
À la fin de l’année, le toujours mystérieux Mathura rendit visite au groupe, appelé alors The Lovely Lads, dans son appartement londonien. Il était accompagné d’un ami américain, un adepte du culte de Krishna qui avait vécu avec John Lennon et qui parla pour la première fois de Kula Sekhara. « Il nous a expliqué en fait comment le vrai Kula Sekhara était un mystique du neuvième siècle et un empereur », se remémore Mills, « une vraie figure. Vers 1994, on ressentait de plus en plus le besoin de disposer d’un nom royal et on a pensé que si on prenait le sien, il veillerait sur nous. Trois mois plus tard, on avait signé un contrat ». Auparavant, le groupe avait connu du mouvement au sein de ses membres, puisque Dismont quittait le groupe pour une carrière de DJ à Londres, laissant du coup le chant à Mills alors qu’arrivait Jay Darlington, un
claviériste. Beaucoup plus âgé que le reste de la formation, il avait officié précédemment dans des combos mods sans trouver le moindre succès. Il collait bien, de plus, à l’image du groupe, puisqu’il avait renoncé au plaisir au profit d’une expérience astrale.
Après une année entière passée à jouer dans des pubs plus louches les uns que les autres et à mettre au point quelques compositions, tout en tentant de décrocher un contrat durable, Kula Shaker semble se stabiliser aussi bien musicalement que socialement. Au printemps 1995, après l’expiration d’un contrat suspect avec Gut Reaction Records, tout s’enchaîne : « Ils nous ont traité comme de la merde. On vivait tous ensemble et la tension retombait sur nous. Je me souviens être parti à Liverpool et recevoir ce vrai réveil spirituel. C’était au moment où on a changé de nom ». Ils adoptent ainsi vers le milieu de l’année un patronyme qu’ils ne quitteront plus par la suite, en référence bien sûr à Kula Sekhara. Après avoir fait un show enthousiasmant à Manchester lors du concours In The City, où ils concentrèrent tous les regards, le groupe signa finalement un contrat avec Columbia en novembre. C’est à ce moment-là que les quatre mettent en boîte Tattva, un morceau promotionnel destiné à livrer aux radios et autres promoteurs de concerts un aperçu de la musique du groupe. Sorti en édition limitée en janvier 1996 (2.000 exemplaires), le résultat est plus que probant et la carrière du groupe est définitivement lancée. Mills, de plus en plus confiant et sûr de lui déclare : « Je pense que nous représentons une force pour la révolution de la jeunesse. Nous bouleversons le système à travers le système. Une importante révolution culturelle et spirituelle est en marche mais un tas de gens en sont déjà exclus. Il n’y a aucune compréhension de la magie. Nous sommes devenus partie intégrante de cette machine dégoûtante qui crée la mort et la destruction et nous devons reconnaître qu’il existe un pouvoir supérieur que nous ne contrôlons pas. Si nous ne faisons pas attention, cette civilisation entière va être entraînée sous les océans. Nous savons que les gens vont penser que nous sommes fous, mais ce serait vraiment regrettable qu’il n’y ait pas de resistance. Ça fait partie du jeu. On adore ça. Nous sommes les chevaliers à la recherche du Graal et tout cela correspond à une joute. Les chevaliers aiment jouter ».
Pour autant, la signature du contrat avec Columbia n’a pas vraiment modifié le quotidien des quatre, comme l’explique Bevan : « Même après avoir été signés, on vivait encore ensemble, à l’exception de Jay et on s’adonnait toujours autant à des pratiques sexuelles bizarres... Nous formons tous une grande famille ». Devenus végétariens convaincus, « parce qu’en ces temps de merveilleuses technologies et de communication, il apparaît idiot de continuer l’action barbare consistant à manger nos créatures amies », dira Mills en 1999 ; les membres du groupe semblent avoir réellement trouvé un équilibre entre leur personnalité et leur musique. Tattva atterrit entre les mains de Mark Radcliffe, DJ et présentateur d’une émission sur BBC2, qui déclara publiquement avoir été stupéfait par ce morceau. Encouragée par les réactions qui accompagnent le disque, Columbia prévoit d’enregistrer le premier véritable single de Kula Shaker et de le sortir rapidement. C’est ainsi qu’est mis en vente le 22 avril 1996 Grateful When You’re Dead/Jerry Was There, une composition originale qui se hissa à la 35ème position dans charts britanniques. Une introduction toute en wah-wah de Mills, une voix rock et engagée, un mariage réussi avec l’orgue de Darlington et la basse groovante de Bevan. Ce morceau nous ramène dans le passé et suscite l’admiration de la presse musicale, intriguée, il faut le dire par le titre à rallonge qui se compose de deux parties. En effet au bout de deux minutes et 45 secondes, le tempo se ralentit, la batterie devient sobre, on a le droit à des tablas marquant bien le rythme appuyée par une ambiance concoctée par Darlington, qui offre une transition sans heurts entre les deux sections. Progressivement, la voix de Mills devient moins plaintive et le ton se durcit, tout comme le rythme qui reprend sa marche en avant. Inévitablement, le titre pose la question d’un hommage au groupe californien The Grateful Dead. Pourtant, comme le souligne le guitariste, rien n’était gagné d’avance : « Où placer le Grateful Dead dans cette histoire ? C’était étrange. Le truc à propos de la chanson, c’est qu’on n’avait pas l’habitude de la jouer. On a fait Grateful When You’re Dead environ trois semaines avant que Jerry Garcia ne décède et quand il est mort, on a tous pensé que la deuxième section « Jerry Was There » donnait le frisson parce qu’on avait juste commencé à la jouer. C’était juste un titre provisoire, pour rire. J’ai un cousin en Californie qui est à fond dans le Dead. Il était complètement secoué. Il m’a dit : « Oh, il est mort à quatre heures du matin ». Quatre heure du matin est un bon moment pour mourir en Inde ». Pour un premier effort, le disque fait mouche, ce qui permet aux Londoniens de recevoir une invitation officielle pour participer à la célèbre émission de télévision de Chris Evans, The White Room. Bevan peine à s’expliquer ce succès : « Je ne comprends pas pourquoi. La britpop, c’était criant, était plutôt un truc d’adolescents et on est venu proposer un truc un peu différent, donc j’imagine que ça a tenu bon. C’était le bon moment ». À l’occasion d’interviews, Kula Shaker se livre sur ses influences musicales « The Beatles, Love, Yes, Uriah Heep, Caravan et bien d’autres comme Steppenwolf, quelle moustache ! », tout en précisant qu’ils ne recommandent pas d’albums particulier de The Grateful Dead car « c’est une musique qui se vit en concert, entre le groupe et le public ».
En mai, commencent les sessions en vue d’enregistrer le premier album des quatre, sous la houlette de John Leckie, producteur expérimenté qui s’est fait un nom auprès de Pink Floyd, XTC, Simple Minds ou plus récemment, The Stone Roses. Parallèlement à ces séances est mis sur le marché, en juin, un deuxième single, Tattva, qui, bien que déjà proposé au début de l’année sous l’état de démo, décroche cette fois la timbale avec, à la clé, une quatrième place dans les charts. Ce succès inespéré surprend : « On n’était pas en Angleterre à ce moment-là quand c’est arrivé, on n’a pas eu de temps pour sortir le champagne », déclara le bassiste. Mills se veut plus sarcastique : « On était en Allemagne à regarder l’équipe de foot anglais perdre... ce qui a presque tué Paul. On décroche un tube et notre batteur commence à faire des trucs de rock star... ». Le morceau combine une musique indienne et un rock surpuissant, tout en faisant preuve d’un certain classicisme, une formule qui a fait mouche. La guitare de Mills surprend mais, en fait, c’est tout le groupe qui bluffe les observateurs par leurs aptitudes musicales. Tattva se paye même le luxe de faire figurer un refrain chanté en sanskrit ! Profitant de la hype qui s’empare du groupe en Angleterre, Columbia ne chôme pas et, entre deux séances d’enregistrement et trois dates, fait paraître un troisième single Hey Dude, à l’esprit, cette fois, rock. Un morceau accrocheur qui titillera le sommet des charts sans pour autant atteindre la première place tant convoitée. Avec ce tube, la sortie de l’album tant attendu s’annonce sous les meilleurs auspices et il ne fait qu’accentuer la curiosité du public et l’admiration d’une presse qui voit ses protégés de la britpop se perdre les uns après les autres.
Finalement, c’est le 16 septembre que sort l’album, sobrement intitulé K, et qui cristallise en treize morceaux et une heure de musique, l’expérience acquise durant les dernières années et montre surtout qu’il est possible de frapper un grand coup avec un premier album, ce que fit K, puisqu’il se plaça en première position des ventes d’albums. Le disque faisant l’objet d’une critique par ailleurs, il convient de noter la présence des trois singles, ainsi que d’un morceau joué sur scène depuis quasiment trois ans, Govinda. C’est d’ailleurs ce morceau qui fera office de quatrième single, concluant une année faste pour le groupe, un an après avoir signé un contrat. Bilan : quatre singles, deux dans le top 4 et un album numéro 1. Plus qu’un bon début, c’est carrément la success story !
Le début de l’année 1997 est, traditionnellement en Angleterre, le moment des récompenses et c’est ainsi que le nom de Kula Shaker se trouve sur toutes les lèvres, tous les classements. À la cérémonie des Brit Awards, le groupe, nominé à quatre reprises, remporte finalement la récompense de meilleur espoir de l’année 1996, faisant presque oublier Oasis pendant un instant, même si Noel Gallagher, son leader, sait se révéler beau joueur quand il affirme que K fait partie de son top 10 favori.
Pour coïncider avec ce nouveau statut, le groupe sort un nouveau single, qui ne figure pas sur l’album, Hush, une reprise frénétique d’un classique de la musique soul, composé par Joe South mais popularisé par Deep Purple en 1968. Justement, à cette même époque, Mills révèle que son guitariste préféré est Ritchie Blackmore... Le single, qui grimpe jusqu’à la seconde place des charts, a le bon goût de remettre le rock sur les ondes... et à l’écran puisque le morceau figurera quelques mois plus tard sur la B.O.F de Souviens-toi l’été dernier, une production dans la lignée des Scream, en moins drôle mais qui fit un nombre important d’entrées. La majeure partie de l’année est désormais consacrée aux tournées qui se succèdent à un rythme effréné, le groupe passant sa vie dans les aéroports, ne lui laissant que peu de temps pour composer de nouveaux morceaux, même s’il s’arrête à Marseille le 13 mai. D’ailleurs, ultime récompense, Kula Shaker est invité par Noel Gallagher à faire la première partie d’Oasis lors du méga-festival qui se tient à Knebworth durant l’été, devant 125.000 personnes. Tous les festivals réclament le groupe, Glastonbury, Reading, Roskilde...même si, pour le moment, les Londoniens se préparent à s’envoler pour les États-Unis pour leur première tournée hors du Vieux Continent.
Il faut dire que le groupe commence à disposer d’un noyau solide de fans, ce qui ravit évidemment les quatre, tout comme Columbia, qui en profite pour sortir un disque spécial pour le marché américain, le EP Summer Sun. À cette occasion, Mills va déraper et ternir la réputation du groupe par des remarques pas très bien senties, faites à un journaliste du NME, concernant la croix gammée nazi, la svastika, un symbole d’origine sanskrit repris par la dictature hitlérienne au siècle dernier. Bien que symbole religieux à l’origine, la svastika n’évoque plus rien de positif de nos jours, ce que n’avait pas complètement tout saisi Mills lorsqu’il évoqua son « amour de la svastika ». La presse musicale s’empara évidemment de cette affaire, provoquant une réaction hostile. Quelques jours plus tard, le 20 avril, The Independant, un quotidien anglais, publie le fax que lui a fait parvenir Mills. Il s’y excuse des propos ambigus et maladroits qu’il avait tenus dans l’hebdomadaire NME concernant la croix gammée, la svastika. Il a juré qu’il était « totalement opposé aux nazis » et qu’il n’avait « jamais été antisémite ». Cependant, cela ne suffit pas à éteindre le feu et, dans la presse britannique, on pouvait lire quelques temps plus tard, sous les photos de Mills avec sa femme lors des 90 ans de son grand-père, des légendes comme « Jorg Haider (Nda : homme d’État autrichien pratiquant une politique nationaliste avec des relents de racisme) avec sa femme ». À la suite de ces évènements, Mills se fit plus discret et se retira - à la suite de deux concerts triomphaux au festival de Glastonbury, dont un pour remplacer au pied levé Neil Young sur la scène principale - quelques mois en Inde, à la recherche d’une quête spirituelle. « C’était allé trop loin à propos de choses autres que la musique », expliqua le guitariste, « c’était comme perdre contact avec le fait qu’on est un groupe et qu’on doit faire un autre disque. On devait vraiment réfléchir à notre musique donc on a tout arrêté et on s’est coupé du monde ».
Ainsi donc, la fin de l’année 1997 et une bonne partie de 1998 allaient être dédiées à la conception et à l’enregistrement du prochain album. À ce moment, il est décidé de confié sa production à Bob Ezrin, qui s’était fait apprécié dans son travail notamment en collaborant avec Pink Floyd sur The Wall, puis sur les albums qui suivirent, ainsi qu’avec Alice Cooper ou Peter Gabriel. Le fait qu’Ezrin accepta de travailler avec Kula Shaker était certes un gage de reconnaissance, mais également un excellent moyen d’enregistrer un album différent de K, d’autant plus que le groupe dispose désormais d’un temps illimité pour travailler et de moyens plus importants. Tout commence en décembre quand le groupe entre en studio à Los Angeles avec les producteurs Rick Rubin et George Drakoulias pour travailler quelques titres, dont Sound Of Drums. Néanmoins, il s’avéra qu’aucun des membres n’était prêt à enregistrer un album entier à des milliers de kilomètres de chez eux. Après ce regain d’activité et avec le début de l’année 1998, les quatre reprirent le chemin des tournées avec la tournée britannique Revolution For Fun, la meilleure tournée que fit le groupe, selon ses propres dires, tout en continuant des sessions avec Ezrin. Mills trouva même le temps de collaborer avec The Prodigy, sur Narayan, qui figure sur l’album The Fat Of The Land où il livre une bonne prestation vocale. Sur scène, la formation s’adjoint les services d’un joueur de tablas et utilise parfois des samples, du fait de l’impossibilité de concrétiser toutes les sonorités désirées par seulement quatre personnes. Ils reprennent même Baby, You’re A Rich Man des Beatles en hommage au public. En mars, Jay Darlington se marie avec sa fiancée de longue date avant de retrouver ses compères sur la péniche de David Gilmour, guitariste de Pink Floyd, qui est basée sur la Tamise et également un studio d’enregistrement, en compagnie d’Ezrin, évidemment. La troupe a déjà mis en boîte un morceau d’inspiration indienne, sorte de chant intitulé Radhe Radhe, qui figure sur la version restaurée du film de Joe Massot, Wonderwall, et dont George Harrison avait composé la B.O en son temps. Ce morceau servit de déclancheur pour la suite des opérations, comme le confirme Mills : « Je pense que l’album a vraiment commencé quand on a fait ce morceau. Kula Shaker était devenu quelque chose qu’on associait avec non seulement le savoir-faire et les grosses tournées mais aussi avec le business et les voyages qui nous usent, comme la pression. Mais on a fait le film et ça n’avait rien à voir, on s’est vraiment amusé. C’est ça le truc important, on a commencé à prendre du plaisir ».
Sound Of Drums est prévu comme single pour le 20 avril mais, encore une fois, le passé rattrappe le groupe puisque la ligue anti-nazi demande officiellement aux quatre de déplacer la date de parution du disque, car, cette date correspondrait au 109ème anniversaire de la naissance d’Adolf Hitler. Un porte-parole du groupe déclarera immédiatement : « Personne n’était au courant que c’était l’anniversaire d’Hitler ». Finalement, Kula Shaker ne cédera pas et le single sortit à la date convenue, mais, cet événement est révélateur du climat entourant le groupe, depuis son succès fulgurant. Sound Of Drums est évidemment un avant-goût du tant attendu deuxième album, toujours en chantier, et on y entrevoit des changements notoires. La production a gagné en richesse et il semble qu’Ezrin soit parvenu à utiliser au maximum la guitare de Mills, comme ce qu’il avait fait sur Berlin de Lou Reed. Le morceau, d’une bonne facture rock, contient également des faces b que le blondinet avait composé en vue d’un court-métrage Reflections Of Love, qui ne verra jamais le jour. Après plus d’un an de « congé », Kula Shaker est de retour dans les charts et décroche une troisième place dans les classements, ce qui permet à Columbia de mesurer la popularité du groupe et de constater que les évènements passés n’ont eu, au final, que peu d’incidence sur les ventes du disque. Le single permet également de faire patienter les fans avant la sortie de l’album, prévue pour l’été, et compenser le fait que la formation ne fera que quelques dates aux festivals, trop occupée à l’enregistrement de son disque.
Malheureusement, il s’avéra impossible pour le groupe de produire un album à temps et les séances se poursuivirent jusqu’à la fin de l’automne sous un enthousiasme nouveau, dû au fait que le groupe est déterminé à rendre un hommage ultime à la musique indienne. « C’était une opportunité pour nous de dire qu’on était à fond dans la musique indienne mais c’était beaucoup plus la façon avec laquelle nous allons le présenter, cet amour, qui nous intéressait », révéla le guitariste. De nombreux musiciens indiens sont conviés, des chanteurs et des chanteuses, des joueurs de cuivres ; bref, le groupe semble enthousiaste, plein d’idées et libre de ses mouvements, un bon signe. À propos des sonorités présentes sur le disque, le guitariste est sans équivoque : « Une fois que vous avez entendu ces sons, il est impossible de ne pas les intégrer, ils font partie de la façon dont on veut s’exprimer » . À ce moment, le groupe avait désespérément besoin d’un tube pour lui permettre de le sortir de l’impasse dans laquelle il se trouvait. Dos au mur et face aux critiques qui s’impatientaient de voir un jour l’album tant annoncé, ainsi que la difficulté de réaliser un disque différent de K, il fallait un tube pour le groupe pour rallier tout le monde à sa cause. Mills pensait bien l’avoir trouvé lorsqu’il écrit Mystical Machine Gun et la présente à ses comparses. D’ailleurs, ce morceau galvanise les troupes et donne un coup de fouet et la dose de créativité nécessaire pour enfin terminer l’album. Le 22 février 1999 est mis en vente Mystical Machine Gun, single annonçant la sortie imminente du deuxième album des Londoniens. Néanmoins, il éprouva des difficultés à concrétiser les espoirs placés en lui, puisqu’il n’atteignit « que » la 14ème place des classements. Une déception, donc, pour Kula Shaker et notamment son guitariste.
Deux semaines plus tard paraissait enfin l’effort studio tant attendu, intitulé Peasants, Pigs & Astronauts, d’après le nom donné à la pochette par son concepteur, Dan Abott. Bien qu’attendu, l’album ne s’écoula qu’à seulement 25.000 exemplaires lors de sa première semaine, loin du record de K qui détenait, à l’époque de sa sortie, le plus grand nombre de disques vendus en Grande-Bretagne en une semaine avec 600.000 exemplaires écoulés - record battu par Oasis en 1997 avec Be Here Now puis récemment par Arctic Monkeys avec Whatever People Say I Am, That’s What I’m Not - l’album n’atteignit que la neuvième place des charts et passa seulement dix semaines dans le top 75, avant de disparaître des classements. Un tel échec commercial ne peut s’expliquer sans parler du changement des modes qui s’est opéré en peu de temps. En 1999, les ondes et les charts étaient à la merci des groupes pratiquant une musique R&B, des groupes de filles ou de garçons, tels Boyzone ou Step et depuis la fin de la Brit pop et le repos pris par des groupes comme Oasis ou The Verve, la mode n’est plus aux groupes à guitares, même si Travis semble bénéficier du soutien de la presse anglaise. Trop peu de présence régulière dans les charts, une image ternie par des déclarations maladroites, une absence durant les derniers festivals d’été et probablement une campagne de promotion beaucoup moins agressive que celle réalisée pour Be Here Now... tout cela à contribué à faire de Peasants, Pigs & Astronauts une production mineure de l’année 1999. En apparence seulement, car, à l’écoute, on est à des années-lumières du travail bâclé, qui se répète et qui fait bailler l’auditeur. Non, Kula Shaker s’est donné du mal pour cet album mais a finalement accouché d’un album qui se tient de bout en bout, qui ne rompt pas avec ce que l’on connaissait des quatre mais qui explore encore plus la recette musique indienne/rock’n’roll. On ne reviendra pas sur cet album qui a fait l’objet d’une chronique par ailleurs mais il faut tout de même savoir que la tournée qui accompagna le lancement du disque s’avéra malgré tout un succès, même si la formation resta sur son île.
À la fin de la tournée, fut mis sur le marché Shower Your Love, le 3 mai pour être précis, qui, malgré une bonne couverture médiatique à Top Of The Pops, notamment, ne fit pas mieux que le single précédent. Le reste de l’année s’accompagna, cette fois de la présence à de nombreux festivals, tels Glastonbury (en seconde scène cependant), Lizard Festival et V Festival, entre-coupé d’une visite en Amérique du Nord et au Japon. À l’occasion du Lizard Festival, qui se tient en Cornouailles le 11 août, se déroule une éclipse solaire totale. Cet événement inspire Mills : « Dans un climat moderne avec plein de gens vivant en ville et regardant leurs télés plutôt que de se parler, je pense qu’il existe une petite chance de se sentir en phase avec la nature. Je pense que quand ça se produira, on réalisera que nous faisons partie de quelque chose de plus grand que nous. C’est une opportunité de ralentir pendant une minute et de réfléchir où nous sommes et où nous allons. On n’a plus trop cette opportunité de nos jours ».
Au Japon, le groupe est sévèrement chahuté par des fans enthousiastes, ce qui fit sensation chez les tabloïds britanniques où on parla de « lynchage du groupe » lorsque le groupe monta sur scène avec des minerves, ce que démentit Mills en expliquant qu’il avait seulement reçu un torticolis en allant voir Jeff Beck en concert... De retour en Europe pour quelques dates, les Londoniens évoquent dans la presse les prochaines échéances et révèlent qu’il existe des morceaux en préparation. Cependant, le 20 août, jour du V Festival, Kula Shaker se présente sans Jay Darlington, dont ses collègues sont sans nouvelles. On apprendra plus tard qu’il prenait des jours de repos après les concerts européens et qu’il avait coupé le contact avec le reste du groupe et le management. Ce dernier commençant à entretenir des relations difficiles avec les quatre puisque programmant de plus en plus de concerts alors que les musiciens paraissaient toujours sous le choc de l’anonymat dans lequel était sorti l’album. La saison des festivals s’arrêta là pour Kula Shaker. Évidemment, les rumeurs de séparations se répendirent plus rapidement qu’il ne le faut pour vérifier cette information. La formation ne fit aucune déclaration et, finalement, le 9 septembre, Mills annonce à ses amis sa décision de quitter le groupe, décision qu’il rendit public le 21 septembre par un communiqué de presse : « J’ai adoré le moment passé avec Kula Shaker et j’ai appris plus que je ne pouvais imaginer. Nous avons passé d’excellents moments et avons été un groupe très proches les uns des autres, mais il arrive un moment où l’on souhaite s’adonner à ses propres affaires. C’est comme le changement des saisons. Alonza, Paul, Jay et moi avons grandi ensemble, en fait, j’ai vécu avec eux pendant environ trois années. Je les considérerai
toujours comme des amis et plus, beaucoup plus. J’ai été frappé par l’amour et le soutien que nous avons reçu tout au long des dernières années et nous voudrions remercier toutes les personnes qui ont pris part à cette incroyable chevauchée.
J’ai composé depuis que Peasants, Pigs & Astronauts est paru, pendant une bonne partie de l’année, j’ai donc des chansons de prêtes[...] ». Le communiqué avait au moins le mérite de mettre un terme aux rumeurs circulant à propos du groupe mais, on reste surpris de la décision de Mills que rien ne laissait présager. Plutôt que de choisir la révolution totale, Mills annonce qu’il reste chez Columbia et qu’il espère sortir un disque avant le printemps 2000. Ironie du sort, la dernière chanson enregistrée par le quatuor est Ballad Of A Thin Man, une reprise de Bob Dylan en vue d’une compilation hommage. Sur ce morceau figurent les vers suivants :
Something is happening here/and you don’t know what it is
Ces vers semblent correspondre parfaitement à ce qui se passait, même si le guitariste dissident révèlera plus tard qu’il réfléchissait à ce départ depuis le début de l’été. Kula Shaker n’est plus et ses membres vont se faire évidemment discrets pendant quelques temps. Mills mit sur pied un groupe « concept » appelé Pi, sans succès, avant de former The Jeevas en 2002, pour un résultat mitigé malgré deux albums. L’expérience ne dura pas plus longtemps que trois ans. Le batteur Paul Winter-Hart rejoignit Thirteen : 13, sans suites, cependant, et le groupe se sépara en 2001. Jay Darlington est peut-être celui qui rencontre le plus de succès. Depuis 2002, il accompagne Oasis en tournées où il dispense ses parties de claviers, participant à quelques enregistrements également. Autre bien heureux parmi les quatre, Alonza Bevan, qui rejoint Johnny Marr, l’ancien guitariste de The Smiths, dans son trio appelé The Healers, avec Zak Starkey aux fûts. Après un album paru en 2004, Boomslang, la formation est depuis quelques mois en sommeil, même si aucune déclaration n’a été faite et qu’un album est prévu pour le printemps 2006.
En fait, l’aventure ne s’est pas complétement refermée en septembre 1999 puisque la maison de disques détentrice des droits du groupe, Columbia, fait paraître pour les fêtes de fin d’année 2002 une compilation intiulée Kollected : The Best Of Kula Shaker sur laquelle paraît Ballad Of A Thin Man, l’ultime morceau du groupe. Ultime morceau du groupe ? Pas sûr, car plus de six ans après leurs derniers méfaits, trois des membres de Kula Shaker - Darlington actuellement occupé avec Oasis - se sont retrouvés sur scène lors d’un concert secret au pub londonien The Wheatsheaf. La scène est trucculente : le 21 décembre 2005, un groupe appelé The Garcons monte sur scène avec un chanteur affublé d’une perruque grise et commence à jouer un répertoire connu devant un public qui s’attendait à tout sauf à ça. Le groupe joua Govinda, Hush, Hey Dude et trois nouveaux morceaux, signe que la reformation était dans l’air du temps.
Oui, une reformation ! Et cette fois, Mills fit un déclaration heureuse lorsqu’il annonça dans un communiqué de presse, sur le site officiel du groupe : C’est officiel. Kula Shaker s’est relevé du puits sans fond. Comment et pourquoi sera révélé au bon moment, en même temps que le site poursuivera son éclosion et s’étendra[...]. Une déclaration brève, pleine de mystères mais qui risque de tenir les fans et les autres en haleine, d’autant plus que des dates sont annoncées pour avril 2006, même si Darlington ne pourra pas y participer, du fait de ses engagements avec Oasis.
Alors que rien ne laissait présager de cette reformation, tout semble désormais réuni pour que la magie reprenne, chaque musicien ayant bourlingué de son côté au gré d’expériences diverses. En tous les cas, on attend la suite mais parfois, c’est difficile de ne pas croire à la vie éternelle et à la réincarnation - The Garcons est là pour le prouver.
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