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par Gogo Deal le 27 juin 2006
Après trois années de vache maigre et des tournées avec Aston Villa et Cali, Amok sort enfin son premier album (Tous Superman en septembre 2006). L’occasion de rencontrer le chanteur guitariste du groupe, Christophe Crénel, et de pénétrer l’univers étrange et fascinant du combo parisien.
BSide Rock : Même si je connais déjà la réponse, ou les réponses, je me dois de te poser la question basique pour les novices : d’où vous vient ce nom d’Amok ?
Christophe Crénel (Amok) : Je savais bien que j’aurais du faire un bac littéraire. C’est un souvenir de mes lectures de Stefan Zweig. Pas spécialement optimiste le garçon, mais vraiment remarquable et poignant. J’aime beaucoup certaines de ses nouvelles et ses biographies. Amok est un mot malaisien pour définir une fièvre locale qui peut rendre fou. J’aime bien l’idée que les choses puissent partir en vrille sans prévenir.
BS : Pourquoi avoir intitulé votre album Tous Superman ? C’est une sorte de « soyez fort » que vous adressez là à votre public ?
CC : C’est plutôt un clin d’oeil aux super héros qui m’ont fait rêver quand j’étais ado. Je bouquinais pas mal le magazine Strange et j’étais d’ailleurs plus porté par les exploits d’Iron Fist, le spécialiste des arts martiaux dont le poing se transforme en boule de feu que par Superman !!! Au delà de ça, disons que c’est l’idée qu’il faut justement s’accrocher à ses rêves d’ados, même si tout est fait pour nous formater et nous briser la cape de super héros.
BS : Depuis combien de temps existe Amok ? Comment le groupe s’est-il formé ? A l’initiative de qui ?
CC : Amok existe depuis dix ans. J’avais déja joué dans pas mal d’autres groupes avant. Le précédent c’était d’ailleurs un autre nom de super héros : Daredevil ! Amok a d’abord été un trio, l’histoire d’une rencontre de potes de quartier passionnés à peu près par les mêmes groupes et bien décidés à devenir les nouveaux Beatles ( hé hé ) !
BS : Je crois qu’un des musiciens du projet initial est parti, y’avait-il des tensions au sein du groupe ?
CC : Il y a eu pas mal de mouvement au sein d’Amok. Je suis d’ailleurs le seul survivant de la formation originelle. Si tu fais référence au départ du batteur Julien Schultheis, ça s’est fait tout ce qu’il y a de plus naturellement : un combat de catch dans la boue et il a perdu. C’est tout. Non, il a simplement eu des opportunités pour jouer ailleurs et faire le tour des Zéniths avec Zazie, puis Raphaël. Et il les a saisis. Aussi simple que ça. Ca n’enlève d’ailleurs rien aux moments de folie furieuse que l’on a passé ensemble.
BS : Parle nous un peu de la pochette (on y voit Bébel, des femmes court vêtues, The Police etc.). C’est une sorte de livret de famille de toutes les références / influences qui vous ont marquées ?
CC : J’adore les patchworks, les collages, l’image ou tu dois déceler tous les petits détails. Le livret est un bon petit jeu de piste sur des éléments marquants de l’univers d’amok. J’aime beaucoup le mélange d’innocence et de sex appeal des pin ups et les films de Russ Meyer m’ont toujours fasciné. Ca m’arrive d’ailleurs régulièrement de prendre des nouvelles de Tura Satana (une de ses ex-égéries) en allant faire un tour sur le net. Elle doit avoir une soixantaine d’années et elle a toujours plein de projets, prête à donner des conférences de presse, à tourner dans des documentaires, des clips. Une autre image du féminisme ! Disons qu’il y a une bonne collection de personnages qui sont des remontants pour moi. Ma fiole de schnaps ou de potion magique : Police, parce que l’énergie et le sens de la mélodie de ce groupe ont été un moteur quand j’ai commencé la musique, Bébel pour son panache et sa folie dans les films de De Broca du début des années 70, Micheline Dax pour sa générosité et sa perpétuelle jeunesse ...
BS : Quelles sont vos ambitions avec Amok ? (juste faire remarquer votre musique ou ambitions de s’exporter commercialement ?)
CC : Quand j’ai commencé à faire de la musique, j’avais 13 ans, j’étais au collège, je jouais de la guitare sur une imitation Stratocaster avec un nom ridicule. C’était une Maïa. Et je voulais que mon groupe devienne les nouveaux Beatles. Bon, aujourd’hui, disons que je me contenterai d’une petite amokmania, avec juste ce qu’il faut de bons concerts et de fans hystériques au premier rang en T shirt XXS. Finalement, j’ai des rêves modestes ! Non, ce que je veux surtout, c’est partager les chansons de cet album, que certains puissent avoir envie de siffler les mélodies, de s’effondrer en larmes sur la moquette, de faire du stage diving depuis le lustre du salon. Bref, que l’album provoque des émotions et qu’il puisse toucher du monde avec ses petits doigts potelés.
BS : 01 / Tous Superman : Plutôt Superman ou Spiderman ?
CC : Ce serait plutôt Iron Fist ou Daredevil. A vrai dire je trouve Superman un peu lisse. J’aime bien les personnages avec leur fragilités et leurs défauts mais qui ont envie de se dépasser ou de s’inventer une nouvelle vie. Dans la gamme des super héros de bande dessinée, j’adore la série de Miller et Gibbons sur les Watchmen.
BS : 02 / A l’Ouest : Penses tu que, faute d’être tous Superman, on est tous un peu à l’ouest ?
CC : Je ne sais pas d’ou viens l’expression « être à l’ouest » mais j’aime beaucoup l’idée. En gros pas être vraiment au point d’équilibre, en dehors du cadre. Et comme je suis gaucher, on va dire que je suis naturellement à l’ouest.
BS : 03 / Balade d’automne : Alors balade avec un L ou 2 (y’a les deux écritures sur la jaquette) ?
CC : C’est marrant. Je n’avais pas remarqué ! Si j’en crois mon ami le dictionnaire les deux sont corrects pour des sens différents (musique et promenade) qui me vont bien tous les deux. En tous cas, préparez vous pour l’automne, c’est le moment idéal pour partir en vrille et se lancer dans de nouveaux défis. Après quelques semaines de vacances, on a tendance à oublier le lavage de cerveau qu’on nous fait subir toute l’année. Non, monsieur Sarkozy, la seule ambition des Français n’est pas de travailler encore plus pour avoir plus d’argent.
BS : 04 / Ne plus réfléchir : « De mon oeil chirurgical, j’opère un visage ». Je crois que tu es l’un des premier fan de Nip Tuck, cette chanson peut-elle avoir un rapport avec cette série à succès ? Quel est ton épisode préféré. Qu’est ce que tu aimes dans cette série si controversée ?
CC : La 3ème saison de Nip/Tuck était vraiment crado. Ils ont tellement voulu mettre le paquet sur le politiquement incorrect que la série a perdu un peu de son intérêt. Le mélange permanent, gore, scato, incesto, bande velpo, a fini par rendre peu crédible les personnages et les scénarios complètement décousus. Mais, bon, j’aime bien les acteurs de cette série et puis les musiques choisies pour illustrer la série la font carrément sortir du lot. Une petite pose de prothèse mammaire sur du Radiohead ou une scène de sexe sur du Todd Rundgren, ça a quand même de l’allure.
BS : 05 / Lena : C’est qui Lena ?
CC : Ma voisine. Il faut peut être que je lui envoie l’album !
BS : 06 / Rodéo : « En cow boy fluo, je nettoie mes doutes ». Pour toi, ce qui est voyant efface-t-il les doutes ? Faut-il revêtir un costume extravagant pour effacer ses craintes, ses doutes et avoir confiance en soi ?
CC : Pour des grands anxieux comme moi, je suis persuadé que c’est une bonne thérapie de glisser du côté absurde de la force. Le fait de pouvoir être extraverti en certaines occasions permet d’évacuer le stress. La musique, la scène et mon parcours médiatique m’empêche très certainement d’être sinistre !
BS : 07 / Dieu seul le sait : « Quel virtuose a plongé tous nos rêves dans le plus grand sommeil », « Pourquoi les rêves perdent-ils leur couleur ». Grand rêveur déçu ? Penses tu que les gens ne rêvent pas assez, deviennent fades et superficiels ?
CC : Disons que tout est fait pour qu’on les perde de vue. Et une vie sans rêve, c’est comme Véronique sans Davina. Ca n’a plus la même saveur.
BS : 08 / La grande lessive : « Pendant que, dehors, les filles scintillent et qu’on rêve qu’elles se touchent ». Il paraît, à ce que j’ai entendu, que Spiderman est homo ? Tu sembles inspiré par l’expérience de l’autre sexe, phantasme déchu ou attirance pour l’autrement ?
CC : Si on attaque le chapitre de mes fantasmes, il va falloir plusieurs ramettes de papier (hé hé) ! Mais bon, il faut peu de choses pour enflammer mon imagination. Ceci dit, j’ai des plaisirs très simples : le jokari, une bonne soupe à l’oseille, un bouquin de Desproges, une Troussepinette à l’apéritif avec des gâteaux japonais...
BS : 09 / Caché derrière : « Je déteste les histoires ordinaires ». Quel genre d’histoires aimes tu ? Caché derrière + Derrière le mur (+ « sais tu au moins que j’existe ?) dans Lena, tu serais pas un homme de l’ombre qui voudrait revêtir un costume pour se faire remarquer, pour simplement exister dans cette société ?
CC : Je vais m’allonger et je vais tout vous raconter. Déjà tout petit, il m’arrivait de mordiller les oreilles de mes petits camarades, et comme ma maîtresse portait un pantalon taille basse, je me débrouillais toujours pour aller jeter du papier dans la poubelle située derrière sa chaise, ce qui me permettait au passage de subrepticement jeter l’oeil gauche d’une formidable acuité sur ...
BS : 10 / Parle moi de toi : « je ferai le tri dans tous tes salamalecs », « Enlève tes bijoux. Au toc de tes pierres, je préfère ton joli cou ». Un mot à dire sur les gens faux, les faux semblants, la superficialité ?
CC : C’est moche.
BS : 11 / Micheline : sifflement de Micheline Dax = + d’1 minute, elle a du souffle ? Comment s’est passée la rencontre ?
CC : Micheline Dax est un amour. Tout petit, j’adorais l’entendre s’esclaffer et faire preuve de mauvaise fois dans sa petite case de l’Académie des 9. On ne dévoile pas l’âge des jeunes femmes, mais, disons, que Micheline fait quand même la pub pour les escaliers électriques pour personnes âgées. Et pourtant elle a conservé une verdeur, une juvénilité, un sens de la déconne, qui en font un personnage culte pour moi. Elle a vraiment été adorable en studio. Je l’avais entendu siffler à la radio il y a très longtemps et j’ai pensé immédiatement à la contacter quand on a fait l’album. C’est une grande bavarde. Entre 2 prises, elle nous racontait ses aventures de doubleuse à la télé ou au cinéma avec ses potes Roger Carel et Gérard Hernandez. Grand moment !
BS : 12 / Je ferai tout ce qu’il y a à faire : oups désolée, j’ai un p’tit raté là ...
CC : Une de mes préférées. Bien barrée au niveau du texte (écrit par le premier bassiste du groupe Eric Paris) et avec une mélodie plutôt poignante.
BS : Reprise Korgis : idem sur scène au house of live, pourquoi cette chanson ? Elle a toute une histoire dans le groupe ?
CC : C’est tellement bon de revisiter un classique langoureux avec une dose de sucre à vous filer le diabète en lui administrant une bonne dose d’amphétamine. J’aime beaucoup la version originale parce que je suis un grand romantique qui se soigne et que ce morceau a bercé les vacances en famille du jeune garçon pré pubère que j’étais. Mais j’avais vraiment envie qu’on en fasse autre chose. Réussi non ?
BS : Tu as présenté pendant un temps plus vite que la musique, écrit récemment un livre sur The Police, tu as ta tranche horaire sur Ouï FM, tu revêts le costume de DJ Spoutnik pour animer de nombreuses soirées parisiennes et tu trouves le temps de sortir un premier album (je comprends pourquoi ça a pris 3 ans ;), tu n’aurais pas un peu la bougeotte ? Quels sont tes nouveaux projets ? A quoi te consacres-tu en ce moment ?
CC : Quand les projets tardent à se réaliser, je me sens très vite frustré et j’ai besoin de démarrer de nouvelles choses. Le souci ou heureusement, c’est que les aventures que je lance finissent tout de même par se concrétiser. Et quand il y en a beaucoup à la fois, il faut que je me transforme à ce moment là en Shiva ou en Vishnu avec tout plein de bras pour faire tout en même temps. La sortie de l’album d’Amok est ma priorité. Je me bats bien sûr pour que l’on soit présent le plus possible sur scène avec le groupe ( prochaine date le 5 septembre au Réservoir à Paris ). Mais je prépare aussi la réalisation d’un album pour un groupe électro punk qui s’appelle Juge Fulton.
BS : Tu te sens plutôt animateur dans l’âme ou musicien ? Quand t’es venu l’amour de la musique ? D’où te vient-il ? Quelles sont les influences qui t’ont marqué dans ta tendre jeunesse ? Quels groupes t’ont donné envie de faire de la musique ?
CC : Le fait d’avoir fait de la radio ou de la télé est un accident. Un heureux accident mais un accident quand même. Depuis le collège, je suis complètement immergé dans la musique. J’ai très vite joué dans des groupes et je n’ai jamais arrêté depuis que j’ai 13 ans. La première révélation c’était en écoutant dans la chambre d’un copain un peu plus émancipé que moi le double album bleu des Beatles. C’était magique. La musique coulait toute seule, rendait gai, triste, donnait envie de chanter. J’avais l’impression de connaître tous les morceaux. Comme en plus, le pote en question avait les posters au mur et qu’il était capable de jouer du Ted Nugent et du AC/DC sur sa guitare, j’ai vite embrayé. Les grands groupes pop restent mes références parce que je suis avant tout sensible à la mélodie. Les Beatles, Police ont été et restent des moteurs. Après il y a un personnage plus atypique qui m’émeut énormément c’est Todd Rundgren. Il y a beaucoup de déchets dans sa discographie mais aussi des moments de grâce qui suffisent à faire oublier le reste. Et puisque l’on parle de grâce, je vais quand même faire une place à Jeff Buckley.
BS : En tant qu’animateur, tu sembles prôner l’optimisme et la joie de vivre, est-ce une façade pour soutenir tes auditeurs au quotidien ou est ce que tu es comme ça dans la vie de tous les jours ?
CC : Quand j’ai arrêté M6 pour faire de la musique, il y a déjà 6 ans, les gens que je croisais s’attendaient toujours à ce que je fasse des bonds de marsupilamis à tout bout de champs. Mais, c’est pas possible, ça, mon bon monsieur.
Mais, j’aime beaucoup l’idée de transmettre de la folie et des ondes positives aux personnes qui se trouvent de l’autre côté du poste radio ou télé. C’est même extrêmement grisant comme responsabilité. Pour le reste, ça n’est qu’une des face du Rubik’s cube.
BS : Le super héros à qui tu rêverais de ressembler. Le pouvoir que tu voudrais avoir ?
CC : Un super pouvoir ? C’était le titre du premier EP d’amok. J’aimerai être Infiniment multiple. Je suis un peu gourmand, j’aimerai glisser d’une vie à une autre. En même temps c’est un peu ce que je fais ! Schyzophren Man. C’est pas mal comme nom de super héros ?
BS : La minute liberté d’expression, que voudrais tu dire à la planète entière ?
CC : All you need is love !
BS : Quelle est la question qu’on ne t’a jamais posée à laquelle tu voudrais répondre ?
CC : Es tu une vraie blonde ?
Oui, enfin plutôt châtain.
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