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mercredi 15 avril 2015
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par Psymanu le 20 mars 2007
paru le 25 septembre 2006 (EMI)
Ex-Nonne Troppo et VRP, Nery nous fait part de son troisème essai en solitaire, intitulé Belgistan et enregistré au désormais célèbre Labo M. Enfin, solitaire est sans doute un peu fort puisque le bougre s’entoure de nombreux invités divers et prestigieux, dont le créateur de son studio him-self, ou encore Olivia Ruiz, mais surtout la fanfare du... Belgistan, mais oui.
Petites -M-, qui ouvre le disque, est tirée d’un fait vécu, comme le précisent les notes de pochette (sympa, le Nery, d’aider ainsi les apprentis rock critics), une promenade aux côtés notamment du fils Chedid, alors que ce dernier est reconnu par deux jeunes fans qui dès lors se jettent sur lui. Le sachant, tout s’éclaire, car le titre sonne tout à fait comme le font les disques de M. Sauf que la voix grave de l’ancien VRP possède un impact moindre sur un tel écrin. Peut-être est-ce là le piège de la dite pochette : du coup, on imagine dessus le timbre cristallin de Matthieu, et les merveilles qu’il y aurait fait, et alors on ne peut s’empêcher de comparer ce qui l’est difficilement. À La Dérive offre un duo avec Marie-Jo Therio, dont l’organe est plutôt magnifique et se marie bien avec celui du chanteur, voix entremêlées ou successives, comme deux particules libres et agitées qui se rencontrent parfois, pour une pensée, dans le tumulte de leur trajectoire respective. S’il fallait, et il me le faut, qualifier À L’Enterrement De Nougaro, c’est "gainsbourien" qui viendrait en premier. Et pour le meilleur, puisque le morceau possède de superbes relents de L’Histoire Melody Nelson, dans le lugubre d’un phrasé articulé dans les tréfonds du larynx, et dans les cordes, graves elles aussi. N’empêche, jouer dans un tel registre de référence, c’est une entreprise pour le moins risquée, beaucoup trop pour laisser l’auditeur y réfléchir trop longtemps, d’où peut-être la cassure que représente le virage electro d’Alexandre. On sent que ce style sied à Nery, quoi qu’en l’occurence la techno proposée sonne quelque peu datée, oh, de pas grand chose, mais ça va très vite du fashion au ringard dans cette catégorie musicale-la. Retour à Gainsbourg tout de même sur À Tout Prendre, dans une même veine, les mêmes bruits de déglutition, le souffle, et dans le propos aussi, une même lubricité, affichée. Une réussite encore, quoi qu’on puisse être agacé par le procédé.
Et une nouvelle rupture de ton. Un peu reggae-speed, un peu indou, Penjhambal nous parle de danseurs fous, la diction vive et sautillante de Nery mime la frénésie du mouvement, c’est enlevé et très gai, un petit voyage lointain pour pas un rond. Plus sobre et minimaliste, Comme Des Amants Banals est une balade à la gratte sèche, d’une grande douceur, comme un murmure, sans grandes envolées, une brise d’été, rien d’inoubliable mais on se plait à fredonner avec son auteur. Plus loin sur Belgistan, Tarentelle Déboussolée, quoi que teinté de jazz, surfe sur le même ruisseau, quoi que le texte se fasse plus fleuve, et c’est excellent. Nery n’est jamais meilleur que lorsqu’il dit plutôt qu’il chante, et pourtant il chante vraiment très bien. Il l’a prouvé auparavant, et c’est toujours aussi flagrant sur Molitg. C’est un plaisir que de l’entendre compter une tranche de vie, c’est comme une berceuse pleine du dérisoire des gestes quotidiens. Même chose pour Homme-Objet, sauf que le propos se fait sérieux, adressé à l’une de ces jeunes meurtrières victimes, auteurs aveuglés des attentats londoniens de 2005. Ça sent la mort, et toutes ces choses d’enfant qu’on fait lorsqu’on en est encore un, lorsque rien ne peut laisser présager qu’on puisse se laisser plus tard embarquer dans une telle horreur barbare. Et il faut Billie Bouille et son jazz babillant, pour retrouver humeur légère et foi en tout, mais c’est très court. Heureusement, Nery ne nous laisse pas en plan, et sa poèsie nonchalente ensoleille Balade Habituelle Au Quartier Imaginaire, qu’on voudrait appliquer à la lettre, main dans la main avec l’être qu’on s’est choisi pour complément, s’enivrer de la simplicité d’une promenade à l’air libre, comme deux gamins insouciants.
Belgistan est un bon disque. Il ne transcende aucun des styles auxquels il emprunte mais n’en a aucune prétention. Juste celle de faire profiter des charmes de son auteur, dont la plume révèle plusieurs trésors. Peut-être manque-t-il de ce grain de folie qui d’une écoute agréable ouvre à volonté de réécoute régulière, mais il serait injuste de bouder trop intensément l’agréable moment qu’il fait passer, du début jusqu’à son terme.
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