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mercredi 15 avril 2015
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par Manu le 14 mai 2005
sorti le 25 avril 2005 (Vagrent/Polydor)
Mine de rien, sans faire trop de bruit, Eels trace une route qui s’enfonce de plus en plus profond au coeur de l’histoire du rock. Vous savez... là où se cachent les grands génies que l’on affectionne tant. Ceux qui nous font planer, rêver, et accompagnent aussi bien nos joies que nos tristesses. Car Mark Oliver Everett (le groupe Eels a lui tout seul) alias “E” (c’est comme ça qu’il se fait appeler) est de la trempe de ceux là. Si vous avez déjà écouté l’un de ses albums, alors il fait forcément déjà partie de vos souvenirs tant ses mélodies enfantines à la mélancolie déchirante et aux allures de comptines dépressives sur fond de bidouillages sonores futés vous pénètrent instantanément.
Nous voilà donc avec un énième album très copieux : deux disques, trente-trois titres, quatre-vingt quatorze minutes de musique et ... encore un chien sur la pochette. Dès qu’on rentre le premier disque dans le lecteur, impossible de ne pas reconnaître la « patte » Eels et cette voix rocailleuse. Avant même de l’avoir écouté entièrement on sait déjà qu’il va nous plaire. Mais c’est justement sa longueur qui en est son principal défaut. Il est difficile de rester concentré jusqu’au bout si bien qu’au final, c’est un album plutôt difficile à appréhender dans sa totalité et qui pourra paraître indigeste aux non initiés de l’univers de Eels.
Un univers souvent fait de malheur et de dépression. Ainsi E nous emmène dans un voyage introspectif et spirituel teinté de psychédélisme. Les paroles sont chargées de blessures encore à vif : le suicide de sa sœur, le cancer et la mort de sa mère (en photo sur la pochette), celle de son père dûe à l’alcoolisme, ou encore sa cousine hôtesse de l’air dans l’avion qui a frappé le Pentagone un certain 11 septembre. On pourrait encore continuer la liste tant les malheurs qui ont émaillé sa vie et même failli lui la coûter sont nombreux. « J’aurais voulu finir comme ma sœur il y a longtemps. Excepté pour une chose : la musique. J’ai été très chanceux d’avoir ça pour tenir. Je prend la musique très au sérieux. Peut être trop. C’est toute ma vie. » Ne dit on pas que les grands artistes sont voués à mener une existence torturée et que c’est là le prix à payer pour faire de grands disques ?
Il aura fallut huit ans à E, parallèlement à ses autres albums, pour composer et enregistrer seul dans son salon les trente-trois morceaux rassemblés ici. Quand on est multi instrumentiste forcément ça aide. A noter tout de même les participations de Peter Buck [1], Tom Waits [2], John Sebastian [3], Bobby Jr [4] et Jim Lang qui dirige l’orchestre. Les morceaux sont courts, 2 min 30 en moyenne, ils s’enchaînent merveilleusement bien, passant du psychédélisme à la pop, du folk à des choses plus rock, le tout enrobé de nappes instrumentales gracieuses faisant office de transition et conférant à l’ensemble une cohérence et une impression de concept album. C’est beau, sophistiqué, un parfait exemple de l’évidence pop mais sans jamais tomber de le pompeux ou le mièvreux. Après neuf ans et six albums à ce niveau sans jamais se répéter, ça tient du génie.
Ce qui est surprenant quand on lit à droite et à gauche ce qui s’est dit sur cet opus, c’est que l’on ne trouve pas la moindre critique négative, même à l’étranger. On l’annonce comme « le meilleur album d’Eels », « la parfaite synthèse des 5 autres albums précédents », « son disque le plus abouti », etc ... Ce qui est d’autant plus dingue pour un double album. D’ailleurs, à quand remonte la dernière fois qu’un album tenant sur deux cd a reçu un tel accueil ? Le Mellon Collie des Smashing Pumpkins ? Le Double Blanc des Beatles ? Je m’aventure sûrement un peu vite et je ne sais pas encore si ce disque finira un jour dans les incontournables de n’importe laquelle des discothèques, mais ce qui est sûr c’est qu’il me réserve encore de bien belles heures d’écoute. Et ça c’est un signe...
[1] Peter Buck : guitariste de REM. Joue de la guitare, du dobro et de la basse sur To Lick Your Boots.
[2] Tom Waits : pleure, tape du pied et gueule sur Going Fetal.
[3] John Sebastian : du groupe Lovin’ Spoonful. Joue de l’autoharpe sur Dusk : A Peach In The Orchard.
[4] Bobby Jr : le chien d’E. tape le solo sur Last Time We Spoke :-)
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