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mercredi 15 avril 2015
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par Psymanu le 2 mai 2006
paru en 2005 (Rebel Music)
Subsonic est une aventure débutée en 1998. Elle embarque trois personnes sur un même bateau : Pierre Parys tient la basse en même temps qu’il chante, Frederic Vogel est à la guitare et Loïc Brisard à la batterie. En 2002, ils sortent un album éponyme. La suite mettra trois ans à voir le jour, elle s’intitule Dark City.
Le rock français possède une palette de nuances incroyable et réjouissante. Elle permet à chaque nouveau groupe ou artiste désireux de sa part d’existence en son sein de se faire une place, aussi petite soit-elle. Néanmoins, l’une de ces plages s’est obscurcie, jusqu’à en devenir taboue, quasiment. C’est celle dont l’épicentre est Noir Désir. Le trauma résiduel lié à ce « triste événement » de leur histoire provoque cette foutue démangeaison chez ceux qui les ont aimés peut-être plus que de raison, lorsque de jeunes gens ont l’impudence de trop leur ressembler. Du moins nous semble-t-il. On serre les dents, on grommèle des mots insensés et indécents en ce contexte : « copieurs », « pilleurs de tombe », « opportunistes »... En oubliant que les Bordelais, comme il se doit lorsque l’on débute et qu’on en est encore à se chercher, furent aussi de vilains plagiaires. Du Gun Club, notamment, mais même pas seulement. Il convient aujourd’hui de faire le deuil de toutes ces bêtises : Noir Dez n’a jamais prétendu, bien au contraire, avoir le monopole du « rock en français ». Que chanter juste et fort des textes au vocabulaire riche n’a jamais signifié imiter Bertrand Cantat. Qu’on peut tout aussi bien voir un hommage à la reprise de quelques mots de leurs chansons.
Écrivons-le donc tout de suite, presque du bout des doigts, pour s’en débarrasser, et au risque de faire soupirer les Subsonic eux-même : A Boût De Souffle, qui ouvre l’album, rappelle immédiatement, en un réflexe pavlovien, le Noir Desir de Tostaky, et confirme que l’on peut logiquement inscrire le groupe dans un paysage proche. Ça tient notamment au chant de Pierre Parys, vocaliste puissant et peu avare de ses décibels. Mais, très vite, on se rend compte que le groupe étend ses ramifications bien au delà. Le texte de Fashion Victime est plutôt crypté, mais on y saisit bien la critique des superficialités de notre société. C’est plutôt du déjà entendu, mais c’est bien foutu, et Vogel est un riffeur vraiment efficace. Dans ce morceau, et aussi dans Le Prix, on perçoit tout ce que le groupe doit au hard rock. Trust est cité parmi leurs références, et finalement le chant trouve au moins autant sa filiation chez Bernie Bonvoisin que chez Cantat, dans cette façon de vociférer en sur-articulant chaque mot.
On sent, dans la reprise crachée du Requiem Pour Un Con de Gainsbourg (résumée sous le titre Requiem...), une volonté de pousser le texte plus loin vers la colère, là où l’original privilégiait une sorte de cynisme espiègle. Parys « envoie le boulet », on pourrait pratiquement sentir ses postillons au travers des enceintes : le morceau fonctionne à merveille et nous laisse un peu hagard. Le groupe sait varier les atmosphères. Il y a du punk dans Le Diable Au Corps, hymne au sexe pour le plaisir. Un texte simple mais asséné avec conviction, et des guitares qui rappellent les groupes post-punk type Green Day ou Offspring, pour ne citer que les meilleurs. Le morceau titre, Dark City, sorte de rock-technoïde, est un tube. Ou en tout cas il le mériterait tant il paraît taillé pour les radios. D’ailleurs, c’est cette chanson qui est parue en single, bien qu’elle ne témoigne pas vraiment de ce que le groupe produit tout au long du disque. Brisard, secondé par un beat electro, martèle de façon répétitive ses fûts, et soutient à merveille la scansion de son chanteur, emphatique et possédé. No Man’s Land est un instrumental bruitiste tout en larsens. L’atmosphère s’est assombrie et ça n’est pas Spleen qui laissera percer le soleil. Basse bien en avant, Subsonic parle du mal de vivre, d’autodestruction, « plus qu’une ombre sur terre, rien à bâtir sur les ruines des âmes en peine, juste un flot de lave, des cris par centaines ». Et puis la bouffée d’air frais. Black Hills, c’est les grands espaces à la rescousse de la claustrophobie de nos villes et de nos têtes. Un rythme un peu tribal, un texte magnifique, quelques chants indiens et même si rien n’invite à l’allégresse, on est transportés. Très hard, très rock, Dis-Moi. Ca donne envie de secouer sa tête, et pourvu que le reste suive. Vogel est au meilleur de lui-même, Parys survolté, Brisard libéré. Le genre de truc qui fait courir vers la salle de concert la plus proche où le groupe est annoncé. Peut-être le meilleur titre de Dark City. Avant l’explosion au ralenti d’Irréversible. Tous les instruments s’entremêlent dans une bouillie sonore qu’on devine un peu stoogienne, dans l’intention.
Dark City est un très, très bon disque. Très abouti, avec tout ce qu’il faut de spontanéité et de don de soi pour faire du bon rock’n’roll. Un excellent chanteur à belle plume, bassiste de surcroît, un gratteux qui ne craint jamais de lâcher les chevaux, et un batteur redoutable d’efficacité, voilà qui laisse augurer le meilleur pour la suite. On y sera.
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