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par Le Daim le 8 janvier 2008
Stéphan Lipiansky le dit. Ils le disent tous. Faire savoir qu’on existe, c’est le plus dur. Les relais d’information sont réservés à ceux qui ont des moyens, lesquels mettent le prix pour conserver leur monopole. Ca se renifle à plein-nez dans la presse, dans les rayons des grandes surfaces de vente de disques, sur les ondes hertziennes télévisuelles et même radiophoniques. Voilà pourquoi vous n’avez probablement jamais entendu parler, ni entendu tout court (et encore moins vu) les groupes qui ce sont succédés ce lundi 3 décembre au Point Ephémère dans le Xème à Paris. Les fans -car il y en a- eux, s’étaient déplacés ; plus quelques curieux qu’ils soient simplement de passage ou parce qu’ils ont l’habitude d’aller chercher eux-même l’information sur ce qui se fait et ce qui se passe et estiment qu’il vaut mieux payer 10 euros pour voir trois bons groupes jouer live dans une petite salle sympa plutôt que de se faire chier toute la soirée devant la boîte-à-cons (même si c’est gratos). Donc, encore une fois : tapez "label indépendant" dans Google, cliquez sur les liens au gré de votre instinct, écoutez ce qu’il y a à écouter, lisez ce qu’il y a à lire, vous pourriez bien être définitivement convaincus et même acheter quelques galettes au passage, voire vous déplacer dans les salles de concert. Ainsi on se fait plaisir, on a l’impression d’appartenir à une petite communauté au mieux sympathique, au pire élitiste, et accessoirement on fait vivre le rock en France.
Lipiansky (encore lui), non content d’être un auteur-compositeur plutôt doué, a décidé de pousser plus loin cette sorte de militantisme en fondant le label French Toast, collectif de 11 groupes ou artistes tous loins d’être des bras cassés en terme de créativité et de qualité sonore. C’est sous cette bannière qu’étaient réunis ce soir H-Burns, New Pretoria, et Pokett. De tous ces groupes, finalement, seul New Pretoria (incluant devinez qui) est estampillé French Toast, H-Burns étant chez Boxson et Pokett chez Active Suspension. On assiste donc à une réunion entre potes comme qui dirait, caractérisée par un respect mutuel d’ailleurs manifesté à maintes reprises au cours de la soirée par les uns et les autres sous forme d’éloges chaleureuses (« C’est toujours difficile de jouer après H-Burns » ou encore « On est fiers de jouer avec Pokett », CQFD).
Le Point Ephémère était donc le lieu choisi pour cette petite sauterie. Situé au bord du canal Saint-Martin, l’endroit est une sorte de petit complexe culturel à la fois branchouille et populo, proposant expos, cours de danse, studio de musique, et ce qui nous intéresse le plus : un bar jouxtant une salle de concert, hantés par une faune d’étudiants barbus à lunettes fréquentant visiblement davantage les friperies que C&A (je schématise !). Bière pas chère, pizzas à gogo, éclairage discret, musique d’ambiance boum-boum lounge, innombrables flyers tapissant les murs ; mais c’est aux chiottes qu’on reconnaît un authentique bar rock, celles du Point Ephémère étant à la hauteur de nos exigences (je vous laisse imaginer la chose). La salle de spectacle, elle, est plutôt confortable : carrée, petite sans être minuscule mais haute de plafond, dotée d’un bar et de quelques gros fauteuils où il fait bon se vautrer. Pour ce qui est de la scène, elle est de taille suffisante pour accueillir trois groupes de suite et leur laisser assez de place pour bouger un peu. Ce soir-là, le son et les lumières étaient excellents, les ingés du Point faisant des miracles avec l’équipement limité dont ils disposent. En tant que photographe, j’ai eu tout de même à regretter le manque d’éclairage sur les côtés de la scène, certains musiciens restant dans la pénombre pendant toute la durée de leur prestation.
Cette soirée débuta tranquillement avec l’apparition d’H-Burns. On a déjà parlé du projet du valençois Renaud Brustlein dans les colonnes de INSIDE. Très influencé par le songwriting américain, Renaud s’applique en toute humilité à interpréter ses chansons avec une sincérité désarmante, privilégiant lors de ce concert des arrangements épurés : quelques accords de guitare acoustique embellis par la présence discrète d’une batterie ou d’un lap-steel. Deux personnes sur scène, mais un maximum d’émotion, le charisme et la voix de Renaud y étant pour beaucoup. H-Burns n’a plus à confirmer son potentiel, le groupe étant déjà à un très haut niveau de qualité, même s’il manque peut-être un petit quelque chose d’originalité qui permetterait à cette musique de se détacher des lourdes références auquelles elle se rattache (on pense immédiatement et forcément au Springsteen de Tom Joad ou à Cohen). Cela dit, ce genre musical est nécessairement très codifié, je veux dire par là qu’il existe essentiellement pour et par une certaine tradition qu’on ne peut que difficilement briser sans faire perdre de sa force et de son sens à la musique jouée.
Le choix d’ouvrir ce concert avec H-Burns était vraiment une bonne idée. Après ce spectacle, le public aux yeux encore brillants semblait prêt pour la suite, à savoir l’électricité de New Pretoria dont l’univers présente beaucoup de similitude avec celui d’H-Burns. Ce dernier nous proposait un bel instant de détente dans la tranquilité d’une chambre de motel, alors que le soleil tombait sur l’horizon rougeoyant de quelque paysage désertique américain. Les New Pretoria, eux, nous invitent à reprendre la route alors que le jour se lève. Leur concert débute peu ou prou comme l’album The Backyard’s Legacy, par un long instrumental faisant la part belle à la guitare de JB Fender Deluxe Fleury au son vraiment énorme. Le groupe joue excellement, Lipiansky se montrant un peu plus expressif dans son chant que sur l’album notamment sur le fabuleux All In, interprété ici sans effet électronique sur la voix. La musique de New Pretoria a cette grande qualité d’être lyrique, le groupe maîtrisant parfaitement les variations d’intensité émotionelle tout en assurant la mise-en-place et les arrangements parfois complexes des morceaux interprétés. Temps forts de ce concert : un Silly Place aussi puissant que sur le disque, et The Sun bien planant sur lequel s’est illustrée une très jolie flûtiste (ha ! L’indispensable présence féminine !). Conclusion : de bons musicens, de bonnes chansons, une intensité bien maîtrisée et la flamme du rock’n’roll. Carré, quoi ! Que demande le peuple ?
Point commun entre New Pretoria et Pokett : un certain attrait pour l’expérimentation et les climats psychédéliques. Mais Pokett s’aventure plus loin sur ce territoire. Le début du spectacle m’a, je l’avoue, fait un peu dresser le sourcil droit. C’est que je ne connaissais par le groupe de Stéphane Garry, et que la voix du bonhomme m’a semblé manquer un peu d’assurance et de technique. Toutefois je suis rapidement entré dans cette univers particulier situé quelque part entre celui d’un Syd Barrett et d’un Sigur Ros. Au programme, donc, belle collection de chansons fragiles et très planantes, nappées de guitares et d’orgues atmosphériques, souvent surprenantes grâce à d’intéressants bidouillages sonores (par exemple une vieille bande crachouillante lue sur un dictaphone collé sur un micro). Là encore, les musiciens étaient très bons. Et finalement la voix enfantine de Garry, nettement plus rassurante il faut le dire que celle du chanteur de Sepultura (au hasard !), me sembla tout-à-fait appropriée aux climats suggérés par la musique du groupe. Au bout du compte j’en redemandais, et je n’étais pas le seul, cette soirée s’acheva donc par un petit rappel joué solo par Stéphane Garry... À défaut d’un bœuf d’enfer entre quelques musiciens des trois groupes, sachant qu’ils présentaient autant d’affinités !
Cette soirée avait un petit goût douçâtre de perfection, il restait au public à se diriger vers le point-vente de la salle pour se procurer en échange d’une misérable poignée d’euros les disques des groupes présents. Car ils ont tous publié au moins un album : Songs From The Electric Sky de H-Burns, The Backyard’s Legacy de New Pretoria et The Peak "by" Pokett, second album du groupe après Crumble en 2004. Voilà trois groupes remarquables qui méritent toute notre attention : vous savez ce qui vous reste à faire !
(Photos © Le Daim 2007)
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