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par Thibault le 24 novembre 2009
Encore du Bjørn Berge sur Inside Rock ! Plus le temps passe et plus le meilleur webzine du monde (mais si) prend des allures de Ministère de la Propagande norvégienne. Ce qui n’est pas passé inaperçu du côté du label de la bête, Dixiefrog, qui nous a gentiment invités à la revue de son répertoire le 12 novembre dernier au Bataclan. Pour tuer dans l’œuf toutes rumeurs de connivences entre les médias (enfin nous, les autres on ne sait pas) et les maisons de disques, du genre « oh bah, eux ! 4 étoiles à un skeud en échange d’un concert gratos, les pourris ! », mettons au clair les choses, ceci sera un article certifié « sans langue de bois » (copyright JF Copé). C’était pas vraiment folichon comme soirée.
On ne cassera pas du sucre sur le dos de nos amis de chez Dixiefrog pour autant (on a besoin de nos places, hé !). Ces gens sont des passionnés plein de bonne volonté, qui travaillent dans des conditions pas évidentes (il y a nettement plus vendeur que le blues), ça n’a aucun intérêt de descendre des inconnus qui tirent le diable par la queue et qui jouissent d’un unique soir de « prestige » au Bataclan. Mais il faut aussi admettre que le blues, ça reste un genre très codifié dont les tenants offrent le plus souvent une lecture très académique, ce qui est le cas pour la majorité des musiciens Dixiefrog. Pourtant le label se veut prometteur d’une musique métissée et large, mais bon… Quelques percussions en plus et pas de basse c’est peut être amérindien, mais c’est quand même très blues, bien plus qu’amérindien en tout cas, et ça ne sauve pas les morceaux de la banalité.
En revanche le label a une incroyable qualité : il possède une invraisemblable collection de sosies ! Dans l’ordre de passage ; Bill Deraime c’est l’Abbé Pierre en poncho, Pura Fé Pocahontas retraitée, Wayne Lavallee Slash sauce trappeur (la guitare acoustique à la verticale, mais oui !)… Mighty Mo Rodgers est quant à lui un mix sensationnel de Ray Charles et… Pic Pirate ! Mais si, vous savez, ce jeu génial où il faut enfiler des poignards en plastique dans un tonneau jusqu’à ce qu’un ressort propulse le loup de mer au plafond ! Bjørn Berge évoque toujours autant James Hetfield, en plus classe tout de même, Nico Wayne Toussaint avait l’exacte démarche des vautours du Livre de la Jungle signé Disney… Leadfoot Rivet valait le déplacement à lui seul. Chapeau enfoncé jusqu’aux yeux, chemise Harley Davidson, bedaine aérodynamique, ancré devant le micro… Un tonton, quoi ! On voyait le sud dans toute sa splendeur jusqu’à ce que le maitre de cérémonie commente « je l’ai connu quand il s’appelait encore Alain… » Merde, ça tue tout, là ! De son côté Neal Black donne une idée de ce que à quoi pourrait ressembler Russel Crowe si ce dernier n’arrête pas la bière. Last but not least, le fantastique Tom Principato. Tom Principato, c’était rien de moins que Balladur mal rasé et parti à la chasse aux papillons, se dandinant l’air rêveur, une Strat’ modèle Clapton entre les mimines. Et ça, ça n’a pas de prix.
Outre notre chouchou Bjørn Berge, quelques noms sortent toutefois du lot. Eric Bibb, très souriant et bon chanteur, déploie suffisamment d’énergie pour captiver le public avec juste une guitare acoustique et un batteur. Deuxième à l’applaudimètre derrière le norvégien. Et n’oublions pas Pic Pirate, euh, Mighty Mo Rodgers, très à l’aise derrière son clavier et encore davantage lorsqu’il faut prêcher le blues à la foule. « Le monde entier est bleu, le blues est la vérité, et il est bon pour vous » nous assure-t-il. Pas de problèmes ! Quand il ne prêche pas et ne chante pas, le bonhomme prend de véritables poses de bad ass, toutes droites sorties de la blaxploitation ! « HU ! », « GIMME SOME MORE », scande-t-il en serrant le poing sur son pied de micro. Une prestation d’autant plus délectable que lui et son groupe regardent aussi du côté du funk. Le bassiste assure et groove comme un chef, les claviers swinguent bien… On n’achètera pas les disques mais c’est toujours agréable à voir en concert.
Et Bjørn Berge donc. Ce mec est vraiment balèze. Réussir à balancer du feedback et des larsens avec juste une guitare acoustique douze cordes, un bottleneck et une pédale de volume, sans bouger de sa chaise, c’est la classe. Trois extraits de son nouvel album sont joués ; Drifting Blues, plus prenant dans sa tournure live qu’en studio, These Streets, l’un des morceaux les plus réussis du très sympathique Fretwork, est mené de main de maître et le morceau éponyme vire au medley tourbillonnant. De quoi trépigner d’impatience en attendant le « vrai » concert trois jours plus tard au Sunset.
Concert qui fut bien, très bien, très très bien. Le norvégien est à l’aise dans tout ce qu’il entreprend, qu’il s’agisse d’une ballade, d’un instrumental effréné, d’une chanson pêchue (cette reprise de Motörhead, on ne s’en lasse pas !), tout réussit à Bjørn Berge, qui revisite ses morceaux, les étirent, les déforment et les réforment à sa guise. Ce soir il fait la part belle à son dernier opus. Crazy Times, comme le présageait notre grand manitou à l’œil de lynx et aux oreilles de panthère dans sa chronique, pâtit de l’absence du violoncelle mais reste agréable. En revanche, These Streets sonne mieux sans les arrangements de cordes, moins étoffé mais plus vivace, très bien interprété surtout. La puissance, les nuances et le timbre de voix de Bjørn impressionnent, These Streets sera le meilleur instant de la soirée, qui ne fut pas avare en bons moments, malgré l’inqualifiable absence de morceaux d’I’m The Antipop, meilleur album du maitre.
Car Bjørn Berge c’est avant tout un type adorable, qui parle, blague et joue avec son public. Avant de commencer l’habituel Mountain Boogie, l’homme nous avertit. « En Norvège on écoute que du black metal. Tout le temps, que du black metal. Au petit déjeuner, vous allumez la télé, vous tombez sur du black metal. Alors que vous les français vous écoutez Beyoncé et toute cette merde, nous on écoute que du black metal. Donc je vais jouer du black metal. A la base ça s’appelait quelque chose comme Devil is Satan, mais comme je voulais passer en radio, je l’ai appelé Mountain Boogie. Si vous écoutez cette chanson, il ne faut pas avoir peur car vous allez voir la Norvège », lance-t-il avant de commencer cet air traditionnel qu’aurait adoré Tolkien.
On a eu aussi droit à sa fameuse leçon de guitare. « Gratuite, car je sais combien cela coute d’entrer ici, et combien cela coute pour sortir, car vous allez tous acheter mes disques en partant ». Que faut-il avoir pour jouer comme lui ? « Trois cerveaux. Un pour ce pouce qui fait la basse, un pour l’autre pouce qui pince la corde de mi, et un dernier pour les doigts qui font la mélodie. Si vous êtes cools, vous pouvez jouer ça ». Ses doigts jouent quelques notes. « Mais si vous êtes très cools, vous pouvez aussi jouer ça ». Les immenses mains jouent quelques tirés. « Et enfin, si vous êtes vraiment super cools, vous pouvez jouer ça ». Retentit alors le riff de Smoke on the Water. « Pretty good, isn’t it ? Les gens me demandent souvent s’il ne faut pas un quatrième cerveau pour le battement de pied qui joue la batterie, mais depuis quand a-t-on besoin d’un cerveau pour être batteur ? »
Deux bonus en passant : la première chanson écrite par le norvégien ainsi qu’un inédit. « Je vais jouer ma toute première chanson. J’avais 6 ans, vous savez. J’étais déjà cool, je buvais et je fumais déjà et du coup j’avais besoin d’un hobby. J’ai commencé la guitare, et quand j’en ai eu marre de Smoke on the Water et de toutes ces conneries, j’ai fait mes propres chansons. » Le guitariste joue alors trois fausses notes avant de remercier la foule. « J’avais 6 ans, vous vous attendiez à quoi ? » Cerise sur le gâteau, un inédit qui s’appelle Don’t Leave Your Records In The Sun. Oui, Ne Laisse Pas Tes Vinyles Au Soleil. Un titre avec deux couplets et un refrain, soit « le meilleur hit possible pour la France » à le croire. Une petite merveille d’humour et de foutage de gueule des Moldy Peaches et autres faiseurs de chansons avec un demi-accord. « Ne laisse pas tes vinyles au soleil, ouh ouh » entonne naïvement le colosse tatoué et percé. Bjørn Berge a toujours la forme, ne le ratez pas !
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