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par Frédéric Rieunier le 22 avril 2008
Qui a dit que les premières parties étaient inexorablement superflues ? Certainement pas Renaud Brustlein, alias H-Burns, qui réussit le tour de force de captiver un public venu admirer l’inénarrable Bjørn Berge, lundi 31 mars à L’Européen. Arrivant sur scène pour accorder sa guitare, le jeune homme embraye sans préambule sur son premier morceau. On pense bien sûr à la folk de Dylan, à l’univers simple et naturel de Into the Wild ou à la voix d’un Bruce Springsteen rendant hommage à ses compatriotes du Heartland à travers The Ghost of Tom Joad.
Tout de noir vêtu, le musicien chante avec assurance et entrain ce qui semble une invitation au voyage. Le genre de morceau qu’on écoute en voiture en partant en vacances, carreau ouvert et cœur léger. De fait, le public est embarqué sur la route du Sud-Ouest.
« Je m’appelle H-Burns, je viens de Romans-sur-Isère, en Ardèche. Il y en a qui connaissent ? » Et de saisir sa bière par le goulot sans attendre de réponse, avant d’attaquer la chanson suivante. Le capodastre est de rigueur pour Big City Blues, dédié à Paris. Les frissons le sont pour Horses With No Medals.
Dans un très paradoxal mélange de mélancolie et d’allégresse, le chanteur fait claquer ses cordes avec vigueur, rappelant les mariages les plus heureux entre ligne vocale et guitare proposés par les Belges de Girls in Hawaii. La couleur rouge feuille morte de sa six-cordes renforce ce sentiment de vague à l’âme pourtant teinté de joie contenue. Le plus appréciable derrière la musique de H-Burns reste la sincérité palpable avec laquelle il la joue. De surcroît – la chose est assez rare pour être signalée – l’auditeur français ne rougit pas en entendant ce compatriote chanter en anglais. Lorsqu’il quitte la scène, les applaudissements sont nourris. À la sortie du concert, les exemplaires du deuxième album de l’Ardéchois disparaîtront vite.
Mais, pour l’heure, quelques retardataires viennent combler les dernières places de L’Européen. Choix de salle original pour un ressortissant de la Norvège, à ce jour encore extérieure à l’Union européenne. La lumière s’éteint.
Le grand et massif bluesman entre en scène. Après une courte improvisation, il démarre tranquillement le set par Buena. D’emblée, le battement de pied démesurément amplifié du gaillard fait hocher de la tête la plupart des spectateurs. Quelques morceaux plus tard, le musicien se présente. « Je m’appelle Bjorn Berge et je joue de la guitare. J’espère que vous aimez la guitare. » Quelques vannes sont ainsi échangées avec le public. Puis il se remet à la tâche et reprend l’énergique N.V. là où il l’avait laissée, en accélérant la cadence encore un peu plus (c’était donc possible...).
Changement de douze cordes. « La dernière fois que j’ai joué à Paris, j’ai joué avec cette guitare et j’ai dit un mensonge. J’ai acheté cette guitare mexicaine sur e-Bay. J’ai dit qu’elle m’avait coûté 60 euros. C’était un mensonge. Elle m’a coûté 50 euros. » Et d’expliquer que malgré ses évidents défauts et les réparations qu’il lui a demandé, il aime employer cet instrument. Le guitariste mets ses paroles en pratique.
Au premier son s’échappant du coffre, il est difficile de comprendre comment un musicien peut aimer faire jouer ses mains sur ce morceau de bois. L’amour qu’il lui porte peut bien être plus bleu que le ciel autour, les basses ignobles qui s’en échappent agressent les oreilles. Jusqu’à ce que le farceur cesse de maltraiter sa guitare et commence véritablement à en jouer. Combien a-t-elle pu coûter ? En tout cas, en sortir de tels sons n’a pas de prix. Bjorn Berge multiplie les effets de style, raclant les cordes ou ajoutant à son jeu l’utilisation de la distorsion et d’une pédale wa-wa.
« Je vais maintenant jouer la plus belle chanson que j’ai. Normalement, je ne la joue pas, parce que... elle est trop belle ! » Après quelques notes volontairement ratées, il remercie le public avec espièglerie. Et enchaîne sur un subjuguant To My Immortal Home avant de passer à son classique Stringmachine. Là, une question s’impose. D’ordinaire assez rapide, cette chanson semble voir son tempo doublé à la faveur du concert. Alors... Bjorn Berge prend-il de la cocaïne ? Il prend du moins son pied, lançant des regards malicieux au public et allant même jusqu’à devoir se retenir d’éclater franchement de rire au milieu du morceau.
Le suivant ne l’aide pas à garder son sérieux. Repris de Chuck Berry, 13 Question Method justifie à lui seul l’achat d’un billet pour un concert du Norvégien. Il s’agit ni plus ni moins d’un manuel de drague, étape par étape. « Ma guitare parlera pour moi si vous ne comprenez tous les mots », prévient le chanteur. En fait de paroles, l’instrument reproduit les minauderies d’une demoiselle et l’insistance pressante de son prétendant, visiblement désireux de pratiquer avec elle des activités d’intérieur que la décence ne permet pas de détailler. Jimi Hendrix faisait parler sa guitare. Bjorn Berge la fait jouir.
Cet apogée passé, le concert continue sur sa lancée, passant d’un blues rauque à un titre donnant des airs de banjo à sa guitare. L’interprète pousse le vice de sa virtuosité jusqu’à jouer uniquement de la main droite de façon à avoir la gauche libre pour boire sa bière. Enfilant Thursday et I’m the Antipop, il finit par quitter la scène quelques minutes pour mieux revenir sous les vivats. Un Black Jesus de bon augure précède le très entraînant Ace of Spades de Motörhead, exécuté avec une célérité qui pourrait faire pâlir d’envie l’ami Lemmy.
Deuxième rappel. Le Lapon revient cette fois avec une spécialité de son pays. Une chanson censée accompagner l’apparition du démon. « Si vous l’entendez, courez aussi vite que vous le pouvez ! » En réalité, il s’agit d’une mélodie des plus folkloriques, sur laquelle on imagine facilement Frodon faire la farandole aussi lestement que le lui permettent ses pieds de hobbit. Venu directement d’outre-Atlantique, le funky Give It Away des Red Hot Chili Peppers est asséné d’une main de maître pour clore la soirée. Blues, metal, musique traditionnelle, funk... Bjorn Berge a décidément autant de cordes à son arc qu’à sa guitare.
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