Films, DVD
Classic Albums : Electric Ladyland

Classic Albums : Electric Ladyland

Jimi Hendrix

par Thibault le 4 août 2008

4,5

Paru en 1997 (Eagle Vision). Réalisé par Roger Pomphrey.

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On ne compte plus le nombre de disques posthumes, d’ouvrages et de films consacrés à Jimi Hendrix. Difficile de s’y retrouver dans cette jungle qui mêle petits bijoux comme grosses arnaques mercantiles. Mais c’est dans la première catégorie qu’il faut ranger le DVD Classic Albums : Electric Ladyland, qui est tout simplement passionnant. Quel est son propos ? Comme tous les DVD de la série Classic Albums il s’agit de retracer l’histoire d’un grand disque du rock (ex : Who’s Next des Who, Nevermind de Nirvana, Disraeli Gears de Cream, etc.…) en faisant intervenir ses acteurs, musiciens mais aussi ingénieurs, producteurs et manageurs ou proches du groupe, pour narrer sa conception sous un maximum de coutures. Le tout dans une forme accessible à tous puisque cette série était à l’origine une émission de télévision d’un format de 50 minutes. Ainsi si ce DVD s’adresse en priorité à ceux qui veulent découvrir Jimi Hendrix il s’avère également très intéressant pour les fans du guitariste gaucher.

Comme intervenants on retrouve les deux rescapés du groupe The Jimi Hendrix Experience (le batteur Mitch Mitchell et le bassiste Noel Redding), l’ingénieur du son Eddie Kramer (qui travailla également avec Led Zeppelin, Kiss et Traffic), le producteur Chas Chandler ainsi que de nombreux musiciens qui ne jouèrent que sur quelques morceaux comme Buddy Miles (qui deviendra le batteur d’Hendrix avec le Band Of Gypsys), Jack Casady de Jefferson Airplane, Steve Winwood (Traffic, Blind Faith), Dave Mason (Traffic) ainsi que des oubliés comme Mike Finnigan. Un casting impressionnant, en effet de très nombreux musiciens (et quels musiciens !) ont participé à l’élaboration de cet album sous la houlette d’Hendrix, grand chef d’orchestre qui passait de la guitare à la table de mixage et du piano à la basse ou à la batterie en passant par le clavecin. La crainte qu’on peut avoir devant une telle affiche, c’est un hommage figé, à forte odeur de sapin et de mise sous cloche d’une époque et d’une musique, alors que le but de la mission est bel et bien de dépoussiérer et de mettre en valeur l’œuvre d’Hendrix.

Heureusement rien de tout cela ici ; tous les intervenants racontent avec une joie et une passion non feintes la conception d’Electric Ladyland, comme si c’était hier, avec des yeux brillants et de larges sourires qui en disent autant que les mots qui sortent de leurs bouches. Ils racontent l’histoire, les tournées marathons, la ville de New York, les mille anecdotes au sujet de tel effet de son, de telle chanson, les astuces déployées par Eddie Kramer et Jimi Hendrix pour obtenir des sons alors totalement nouveaux (et jamais imités depuis) tel le rugissement de panthère à la fin de House Burning Down ou les sons de mandoline sur Burning of the Midnight Lamp. Ce qui frappe c’est l’incroyable talent de compositeur d’Hendrix, au-delà du guitar hero on voit un homme avec une capacité d’orchestration et un sens de la mélodie, des arrangements et de l’accompagnement hors pairs. Une anecdote incroyable racontée par le batteur Mitch Mitchell, pratiquement tous les morceaux ont été enregistrés à deux, lui et Hendrix jouaient seuls ! Ce dernier rajoutait la basse après [1], ce qui était très inconfortable pour Mitchell qui ne savait pas sur quoi il devait s’appuyer pour les rythmes. Mais Hendrix avait tous les sons en tête, et une fois la basse rajoutée (ainsi qu’une guitare rythmique la plupart du temps) le morceau sonnait parfaitement. En fait, la cohésion des morceaux provenait de la voix d’Hendrix, très rythmée, qui donnait tout le groove de la mélodie ; ainsi le producteur Chas Chandler choisissait de la mettre en avant contre l’avis d’Hendrix lui-même qui trouvait sa voix horrible. Une équipe de virtuoses au service d’un même but, réaliser un album qui repousserait toutes les limites de la musique populaire.

On trouve également des images d’époque (des clubs de New York, de concerts, etc.) qui retransmettent un peu de la magie de ces années et qui, combinées aux différents commentaires, démolissent une bonne partie du cliché hendrixien. Pour les personnes qui ont vécu à ses côtés Hendrix n’était pas cet homme triste, mélancolique, mystique et morose, souvent dépeint par la suite. Rien de les irrite plus que cette tendance au pathos autour du personnage. Pour eux Hendrix était un type charmant, souriant, drôle, qui blaguait à tout va, provoquait des fous rires en imitant Little Richard (il était un de ses musiciens avant de jouer solo), attachant et généreux. En quelques anecdotes savoureuses on découvre un autre homme que le Noir psychédélique qui cramait des guitares ; Hendrix se rendait en taxi au studio et un jour le chauffeur lui demande « C’est toi Hendrix ? » et lui dit qu’il joue du congas. Ni une ni deux, Hendrix l’invite en studio et le fait jouer sur le diptyque Rainy Day, Dream Away/Still Raining, Still Dreaming ! Comme le raconte Chas Chandler, il n’était pas rare qu’Hendrix rentre dans la nuit au studio avec une troupe d’une vingtaine d’amis, groupies et musiciens, avec qui il jouait, oubliant même l’enregistrement ! Mais à côté de cela l’homme était un perfectionniste qui ne laissait rien au hasard quand il travaillait, donnant de l’importance à chaque son et à chaque détail qui était minutieusement peaufinés. Autre cliché balayé de la main, celui du concert déjanté, ou tout le monde était défoncé et le guitariste en train de pulvériser les amplis. Au contraire, les shows étaient plutôt calmes, méditatifs mêmes, avec un groupe qui jouait avant tout pour le plaisir, avec Hendrix souriant, détendu et plein d’auto-dérision.

Au final l’homme et sa musique sortent grandis de cette réalisation, qui ne tombe jamais dans l’emphase gonflante ou dans la nostalgie. Au contraire, tous insistent sur l’incroyable modernité d’Electric Ladyland et son caractère actuel. Et tous semblent avoir été marqués à vie par Jimi Hendrix ; ils avouent l’œil brillant, sans jamais virer dans le pathos, que même plus de 25 ans après (le reportage a été réalisé en 1997), ils pensent régulièrement à ce Noir hédoniste et plein d’humour, véritable génie qui irradiait son entourage par son talent et sa joie. On laisse la conclusion pour Mitch Mitchell qui a ces mots simples et touchants « Il me manque beaucoup. Je pense souvent à lui, avec un sourire la plupart du temps. Les gens ont une fausse image de lui, le voient comme quelqu’un de morose. Ce n’est pas vrai, c’était un homme heureux de vivre ».



[1(le bassiste Noel Redding ne jouait pratiquement pas car il n’arrivait pas à reproduire ce qu’Hendrix voulait. Il ne fut cependant pas mis totalement à l’écart puisqu’une chanson de sa composition, Little Miss Strange, figure sur l’album)

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