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par Thibault le 28 juin 2010
Alain Johannes ! Rien que le nom claque comme une sentence. Une légende, un mythe, un fantôme qui vit dans l’ombre et d’un coup ressurgit à la lumière pour éblouir le monde de son charisme et de sa musique. C’est vous dire combien la rédaction d’Inside Rock, sortie en force pour l’occasion avec pas moins de trois rédacteurs plus un ancien, équipés avec armes, bagages et suite (amis, famille, compagnes, sans compter les loufiats qui agitent des palmes au dessus de nos têtes les jours de chaleur) était fébrile, excitée au dernier degré à l’idée de voir sur scène « The Man ».
Comment ? Le souffleur me glisse que certains des lecteurs ne connaissent pas Alain Johannes ? Diable ! Vous, vous ne faites pas partie du groupe Facebook Them Crooked Vultures : Support Commitee for the 4th guy. Rejoignez le donc au plus vite, vous y trouverez tous les faits d’armes qui font d’Alain Johannes « Ze Man To See ». Car Alain, c’est quelque chose. Un personnage, une gueule, une vie.
Alain a tout vu. Ado il a formé un groupe avec trois futurs Red Hot Chili Peppers, Flea, Slovak et Irons, également futur Pearl Jam. En compagnie de ce dernier et de sa femme, la regrettée Natasha Schneider, il forme Eleven dans les années 1990. Pour vous procurer les albums, il faut passer par des torrents louches via des blogs en espagnol (dans le genre "culte", ça se pose). Ensuite, il tiens la plupart des instruments ainsi que la table d’enregistrement aux côtés de Chris Cornell pour son premier album solo, Euphoria Morning (1999), et c’est surement parce qu’Alain ne joue plus avec lui que Chris partage désormais la scène avec les Pussycat Dolls.
Ensuite il devient pote avec Josh Homme, compose Hangin’ Tree lors d’une Desert Session et participe dans la foulée à l’édification de la montagne Songs For The Deaf (2002). C’est lui qui file au rouquin les guitares Maton, ces merveilles, et encore lui qui est avec Troy Van Leeuwen, Joey Castillo et Joe Barresi au cœur du carnage orchestral de Lullabies to Paralyze (2005) a.k.a. "le-plus-grand-disque-de-rock-de-tous-les-temps" AMHA. Pendant la tournée qui suit, il se fait remarquer au près des amateurs avertis pour ses très bons solos en ouverture de Long Slow Goodbye (ah bah, on est consciencieux ou on ne l’est pas, on connait son sujet !).
Même topo sur Era Vulgaris (2007). Si les Queens sont sur le papier réduites au trio Van Leeuwen - Homme - Castillo, on retrouve toujours notre ami dans un coin du studio. Car Alain peut tout faire, jouer de la guitare, du saxophone ou encore mixer un album d’Hilary Duff. Oui. Et d’ailleurs, c’est un des artistes dont il a récemment produit un album, Nosfell, qui se charge de la première partie ce soir là (aucun rapport avec Hilary Duff).
Soucieux de la prestation de son protégé, Alain veille du coin de l’œil avec la discrétion des plus grands : présent sans être envahissant. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas folichon-folichon. Pour cause, Nosfell c’est mignon mais bon... regarder un bonhomme torse nu jouer super fort des plans assez basiques sur sa guitare tout en vociférant de temps à autre (chose qu’il fait le mieux d’ailleurs), quand il ne se contorsionne pas dans une espèce de transe comme le premier Iggy Pop qui passe, c’est assez chiant. On pourra toujours avancer l’excuse de la balance en mousse sans basses ni chœurs, de ces salauds de prétendus critiques qui font la fine bouche, il n’en reste pas moins que vraiment, le concert de Nosfell était aussi longuet qu’un match de football de l’équipe d’Italie (oui ça n’a rien à voir, mais c’est de bonne guerre).
Heureusement qu’Alain va reprendre les choses en main. Alain sait y faire. La preuve, il s’est offert un sacré backing band, qui assurait méchamment. Il parait que les types ont eu quelques faits d’armes dans le passé, mais impossible de se souvenir de leurs noms. En tout cas, ça défouraillait dans tous les sens. No One Loves Me & Neither Do I, Gunman, Elephants et Mind Chaser, No Eraser concassent la fosse bien sur, mais il n’y a pas que cela, loin de là. Chef d’orchestre avisé, Alain ralentit plusieurs fois le tempo et lance le groupe dans d’impressionnantes improvisations, où la complicité des quatre musiciens fait merveille. On pense surtout aux deux guitaristes qui se répondent, échangent, prennent le temps de développer des idées sans perdre ni en mélodie ni en énergie et gardent à l’esprit un cap avec des crescendos, des transitions, etc.
Et point de mauvais jams early seventies de mes deux, le vocabulaire musical de la troupe s’étend bien au delà de la pentatonique. C’est une véritable claque d’assister à une telle leçon de création, d’être face à des musiciens aussi à l’aise dans cet exercice ô combien difficile et qui proposent quelque chose de stimulant, vif et neuf. Le sommet de la soirée reste un monumental Scumbag Blues de douze minutes, avec duel de guitares (remporté par Alain, évidemment), participation enthousiaste du public (très en voix et très réactif ce soir là, un vrai bonheur), combat basse / batterie...
Tout cela pour dire que le chemin parcouru Alain et sa troupe en presque un an est important. Inside Rock, webzine professionnel dans l’esprit s’il en est, est allé par trois fois aux concerts : d’abord lors de l’édition 2009 de Rock en Seine, puis lors du passage du groupe aux studios de Canal + en décembre et enfin en juin 2010. L’évolution est de taille : en une tournée Alain et ses sidemen sont devenus un véritable groupe de live. A leurs débuts ils ne proposaient que des set denses, courts, efficaces et concentrés. Au fil du temps les titres se sont allongés, souvent propice pour des improvisations de plus en plus ambitieuses et accomplies.
Aujourd’hui de nombreux plans inédits se glissent au milieu de riffs connus, des mesures sont parfois rajoutées... Les shows sont devenus un lieu de création et d’émulation. Reste à savoir si cette trajectoire restera strictement cantonnée à la scène ou si elle se sentira dans les futurs enregistrements studios étant donné que les deux inédits joués ce soir là sont dans la même veine d’improvisation live.
En attendant, Alain a livré un concert mené de main de maitre, a salué la foule, s’est épongé le haut du crane et est parti backstage retrouver ses admiratrices. Alain sait comment s’y prendre avec les femmes.
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