Amateurs de guitares grasses, de batterie assassine, de hurlements bestiaux, de musiciens égorgeant un poulet et s’abreuvant de son sang sur scène, réjouissez-vous ! Mais pour d’autres raisons que la découverte de ce Leg Out, poignée de chansons de la pop doucereuse de Nan Turner. Au long du bref trajet de ces cinq morceaux, la tendre chanteuse et ses trois musiciens nous transportent dans leur petit univers de volupté.

Alors qu’une lente guitare s’égrène, la voix de Nan Turner s’élève calmement. Une voix fragile, délicate, qui a l’originalité pour ce genre de musique de ne pas chercher la note juste, l’inflexion de trop, le vibrato insupportable. L’effet prend immédiatement, ou ne prend pas Work Song. Des ruptures de rythmes, quelques notes, une voix qui murmure, parle, frissonne. Le train accélère sur ce Big Bad Wolf, mi parlé mi chanté. La voix a ce charme de se casser légèrement sur les fins de vers. Le nom de Cat Power vient à l’esprit, sans toutefois exagérer la comparaison, en particulier dans l’accompagnement musical (l’introduction de Farms Landlines et son épaisse guitare). Il est de ces chansons à l’écoute desquelles on n’ose bouger, de peur de briser le mince fil qui s’étire entre sa chaîne Hi-Fi et ses oreilles. Encore immobilisé par la douce mélancolie de Stuck, la rage contenue de Bad Manners remue. Pour la première fois, la machine semble s’emballer.

Soudain plus rien. Rideau. Silence. L’intensité retombe. Après un bref coup d’œil à sa montre, on s’aperçoit que l’album avait commencé seulement 19 minutes plus tôt. C’est aussi pour cela qu’on le relance instantanément.