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mercredi 15 avril 2015
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par Yuri-G le 23 février 2010
paru le 15 février 2010 (Memphis Industries/PIAS)
Field Music est un groupe très doué. C’est l’évidence qui suit l’écoute de leur nouvel album Field Music (Measure). Celui-ci est une véritable somme de deux disques, dix chansons chacun. Un double « comme à l’époque », impossible à avaler en quatrième vitesse. Non pas exclusivement par sa longueur, mais aussi parce que ces Anglais - deux frères compositeurs forment le noyau du groupe -, assez productifs pour avoir déjà donné naissance à plusieurs projets parallèles, ont décidé de reprendre le flambeau d’une pop sophistiquée et cinglante. Comprendre : qui suppose une certaine attention. L’initiative, ajoutée au double album, pourrait être perçue comme une tare, ou une folie en ces jours. Tout le monde se doute pourquoi. Eux n’en ont cure.
Il faut signaler d’emblée que Measure regorge de brillantes mélodies ; elles seules règnent sur l’album. Brillantes comme peuvent l’être celles de McCartney ou de Partridge, ça n’est pas rien. Du premier elles retiennent leur étoffe radieuse, du second un foisonnement presque anxieux. Loin d’être exclusif, l’ensemble recouvre aussi des zones de soft rock, de musique de chambre, de new wave affriolante. On se laisse étourdir. Car pour Field Music, la mélodie se conçoit dans le mouvement, toujours. Celle-ci a beau être affinée à l’extrême dans des jets euphorisants, ou inquiets, ou les deux, elle doit souvent muer. Pourquoi se concentrer sur un seul motif quand on peut en développer plusieurs en une chanson… quand on est doué. Field Music (Measure) est donc une traversée de bribes flamboyants, nous empoignant comme des évidences (The Rest Is Noise, Something Familiar), ou resserrant leurs lignes jusqu’à les étrangler (Clear Water). Grain de son percutant, premier plan occupé par des guitares alertes, et attention de chaque instant pour des incises de clavier, de cordes, et de chœurs soigneusement soupesés. L’ensemble, pour ainsi dire, ne démord pas de ses principes de composition. On ne peut que s’incliner devant cette valeur peu à peu négligée : la pop comme un langage soutenu, recherché, complexe.
Il faut pourtant le souligner… Ces prouesses sont à ce point concentrées (des chansons denses, rien d’autre), laissant peu de place au relâchement, qu’elles s’exposent à un revers fatal. Measure court le risque de forcer un peu trop l’attention de son auditeur, la tendant au maximum, la relâchant en un perpétuel va-et-vient ; si bien que celui-ci restera, peut-être, un brin hagard après vingt titres. Ne sachant quelle mélodie retenir, car elles se prêtent peu au prélèvement. Justement, l’idéal pop consiste autant à savoir écrire la bonne chanson qu’à la valoriser parmi d’autres. C’est aussi une intuition de sa juste place, son timing. A ce niveau, Field Music met tout en avant. Le groupe préfère consolider son monument plutôt que d’y disposer quelques trouées salvatrices. Qu’y a-t-il en trop ? Les chansons ou le perfectionnisme ? Difficile à trancher. Pourtant, on sent d’instinct que Field Music serait tout à fait capable de venir à bout d’un chef d’œuvre. Un peu plus tard.
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