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mercredi 15 avril 2015
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par Fran le 6 avril 2010
sorti le 23 mai 2005 (Parlophone / EMI)
Je me souviens de Damon Albarn il y a une dizaine d’années, surfant bon gré mal gré sur la vague Brit-Pop, qui nous concoctait avec son groupe Blur des chansons plaisantes, insouciantes, et aux thèmes si anglo-anglais ! Damon, son visage poupin, sa nonchalance, ses bonds scéniques ... autant de symboles de cette Cool Britannia blairisée. Comme nos parents en leur temps, générations gâtées que nous sommes, on s’enthousiasme pour les enfants terribles de sa Majesté ("Brits do it better !"). Mais en Angleterre comme ailleurs, le temps change (si si, ça arrive !), la mode passe, et l’insouciance adolescente fait place à l’exigence artistique. Fort de ses voyages et de ses rencontres, l’homme explore, expérimente, et Blur produit ses meilleurs albums (Think Tank en 2003). Le groupe, en jachère depuis deux ans et à l’avenir plutôt incertain, est mis au rang. Le globe-trotter londonien se tourne alors vers son jouet animé pour soulager son appétit créatif.
Exit Dan The Automator, c’est désormais Danger Mouse qui se pose derrière les platines, sans oublier de nombreux guests venus épauler le projet de Damon (Neneh Cherry, Bootie Brown, De La Soul, Ike Turner, Roots Manuva...). Car, comme l’indique l’ambiguïté du titre, c’est bien lui qui tient les rênes de ce concept fou toujours mis en image par Jamie Hewlett. Fil conducteur de cette entreprise hasardeuse, une basse lourde et puissante qui évoque étrangement celle qui pu guider nos pas sur Think Tank. On peut d’ailleurs soupçonner Damon d’avoir utilisé des travaux initialement prévus pour son vieux groupe : des morceaux comme El Mañana ou Every Planet We Reach is Dead trouveraient aisément leurs places sur le dernier Blur. Mais c’est dans les collaborations, aussi soignées qu’improbables, que le disque révèle son plus grand intérêt. Bien-sûr, l’extravagant Feel Good Inc. remporte d’emblée tous les suffrages et l’on se dit que Damon n’a pas son pareil pour intercaler son néo-folk aérien. Que ce soit au sein des sarcasmes couillus de De La Soul, après un beat électro minimal (Last Living Souls), en alternance avec le flow bourdonnant de MF Doom (November Has Come) ou encore au milieu du monologue détonnant de Dennis Hopper sur Fire Coming Out Of The Monkey’s Head. Mais si le premier album avait ce côté très "fun", dû en partie au producteur West Coast, Gorillaz apparaît ici plus sombre et cérébral. A l’image de l’inquiétante Intro et outre les textes clairement explicites, ce sont les parties orchestrales (violons, violoncelle, alto, piano...) et la voix désenchantée de Damon qui renforcent ce côté dramatique. Mieux, l’album va jusqu’à prendre un ton solennel et collégial avec les jeunes de la chorale San Fernandez (Dirty Harry) et la chorale gospel de Londres sur Don’t Get Lost in Heaven et Demon Days. Participations plutôt insolites mais vivifiantes dans cette univers corrosif.
Gorillaz excelle dans les contradictions rythmiques, surprend dans ses choix collaboratifs, étonne dans ses agencements d’idées, mais le tout reste d’une insolente cohérence. Plus osé que le premier, l’album ne se laisse pas dompter facilement et des écoutes prolongées seront nécessaires pour apprécier toute la complexité de l’oeuvre. Damon Albarn y règne en maître et on a parfois l’impression de visiter une succursale de Blur. Ces deux laboratoires dépendent de lui, reste à savoir lequel recevra le plus de subventions de sa part...
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