Un véritable classique que ce disque-là ! Extrêmement important dans la carrière de Al Green et par la même une pièce essentielle de la musique soul des années soixante-dix, Let’s Stay Together est un disque qui sait parler aux femmes. Ou plutôt son auteur qui, avec sa voix de velours, transcende ses chansons et titillent les timbres de voix de ses illustres prédécesseurs Sam Cooke et Otis Redding. Ce troisième album de Green chez Hi Records a sorti la grosse artillerie : déluge de cordes mixées très en avant, orgues et chœurs omniprésents. Les chansons se concentrent sur la séduction, à l’instar d’un Barry White ou d’un Isaac Hayes, mais ne cède jamais à la mièvrerie, prenant le pari d’un dynamisme général dans ses compositions par opposition à nombre de bluettes produites par la firme de Detroit.

Comme on oublie trop souvent de le dire, bon nombre de chanteurs soul n’étaient pas auteur-compositeur mais Green, lui, savait écrire et plutôt bien (la remarquable La-La For You) mais ne rechigne évidemment pas sur un titre conseillé par son entourage tel que How Can You Mend A Broken Heart ? puisqu’il s’agit d’un titre des Bee Gees, l’un des meilleurs groupes de soul blanche, et est souvent considéré comme l’une des plus grandes reprises Rythm & Blues de tous les temps. Cet album est un de ces miracles d’interprétation et d’arrangements qui donnent une envie folle à l’auditeur de se précipiter instantanément dans les bras de son(a) fiancé(e).

Paradoxalement, alors que ce disque séduit le grand public malgré son interprétation classique (un simple orgue et quelques cuivres enrobés de cordes) qui accomoda les amateurs de R&B pur et dur, il précipitera la musique soul vers une production ultra léchée qui inclura bientôt le funk pour égayer des pistes de danse pendant la période disco à venir. Mais en 1972, Al Green est un crooner intouchable qui transforme en or tout ce qu’il chante et Let’s Stay Together est une page essentielle d’une carrière exemplaire dont rien ou presque n’est à jeter tout en le rapprochant un peu plus de Gaye, Wonder et Brown.