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mercredi 15 avril 2015
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par Sylvain Golvet le 30 octobre 2007
paru le 27 novembre 1970 (Pye Records)
À peine un an après l’excellent Arthur, les Kinks renouent avec le succès grâce au single Lola, devenu presque l’hymne du groupe que ce soit sur les scènes d’Angleterre que celles des États-Unis. Ces dernières s’ouvrent d’ailleurs une nouvelle fois pour eux, puisque l’interdiction de jouer sur le sol américain, pour cause de comportement difficile sur scène et en dehors, a enfin été levée par l’American Federation of Musicians. En tout cas, l’heureux auditeur sera ravi d’apprendre que ce single fait partie d’un album qui nous concerne ici et qui, dans la lignée des titres à rallonge, s’appelle Lola Versus Powerman And The Moneygoround, Part One.
Moins ouvertement conceptuel, (bien que le thème général soit l’industrie musicale) l’album est avant tout une collection de bonnes chansons, magnifiquement variées et dosées. Et c’est déjà pas mal. L’ambiance instrumentale est plus homogène et s’éloigne des arrangements excentriques précédents. Ils abandonnent ainsi les cuivres qui faisaient la spécificité d’Arthur pour se concentrer sur une formule resserrée guitare/basse/batterie et surtout claviers. On entend du piano sur quasiment tous les morceaux, de Lola à Denmark Street jusqu’au piano-bar de The Moneygoround. Et puis le glam arrive à grands pas (et en talons) et ça s’entend. On pense donc souvent à Bowie ou à T-Rex dans ce mélange de guitares de plus en plus hard, mariées à un piano souvent lié au music hall (à moins que ce soit Bowie et Bolan qui aient pensé aux frères Davies.).
Sur la longueur l’album commente l’industrie du disque et Ray Davies, toujours très observateur et chroniqueur hors-pair, pose son regard sarcastique sur une aventure qu’il a vécu de l’intérieur. La première partie de l’album est plus enjouée. Relatant le début de carrière d’un jeune homme qui veut percer dans la musique, The Contenders, Denmark Street ou Top Of The Pops reproduisent l’effervescence de la British Invasion, avec ses jeunes artistes motivés et son lot de manageurs et producteurs intéressés. The Moneygoround paraît vécue dans sa description des transferts d’argent mystérieux entourant une jeune star. Ensuite la deuxième face se fait plus mélancolique, où l’amertume prend une place plus importante via This Time Tomorrow et Long Way From Home.
Quelques morceaux sortent de la thématique musicale comme le célèbre Lola. Succès surprise à l’époque en tout cas du point de vue des paroles puisque la chanson relate la rencontre entre le narrateur et un travesti. Là encore le glam n’est pas loin, et il est possible en cette année 1970 de faire un hit avec un morceau avant-gardiste, aidé bien entendu par une mélodie évidente et méga efficace. Bien sûr Ray Davies évite toute vulgarité et c’est avec tendresse et amusement qu’il commente cette histoire inspirée par une soirée arrosée avec leur manager Robert Wace. Le groupe sera obligé de réenregistrer le morceau une deuxième fois, pour la version single, puisque les radios refusaient de diffuser le single à cause d’un « Coca Cola » dans le premier couplet, remplacé par « cherry-cola » Ce qui n’empêchera pas le hit d’arriver en 2ème place des charts anglais et 9ème des charts yankees.
De son côté, Dave Davies nous offre deux morceaux de son cru. Tout d’abord, un Strangers de toute beauté, ballade mélancolique à la sobriété touchante. Même la batterie de Mick Avory se met au diapason et propose un jeu de toms répétitifs loin de ses habituels roulements de caisse claire de fin de mesures. Puis c’est un Rats rageur qui permet au groupe de faire parler les guitares.
Ironie du sort ou volonté délibérée (le morceau Lola était écrit pour faire un hit), l’album parlant des affres du succès devient un succès. Même en France grâce à Serge Lama et sa reprise du single Apeman, devenu Superman ici (voir le dossier Covers). Mais les Kinks ont déjà de la carrière derrière eux et les paroles lucides de ce huitième album laissent à penser que cela ne leur montera sûrement pas à la tête. Reprenant l’adage du morceau Top Of The Pops « Life is so easy when your record’s hot » ils se permettront juste de négocier des contrats plus avantageux et de gagner plus d’indépendance artistique, jusqu’à se faire un studio personnalisé. Bref, bien que leur âge d’or soit derrière eux, les Kinks entrent dans les années 70 en pleine forme et cet album en témoigne.
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