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Arthur (Or The Decline And Fall Of The British Empire)

Arthur (Or The Decline And Fall Of The British Empire)

The Kinks

par Sylvain Golvet le 16 octobre 2007

5

paru le 10 octobre 1969 (Pye Records)

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En cette année 1969, le principe du concept album commence à faire des petits, en particulier avec le succès planétaire du Tommy des Who. Les Kinks ne dérogeront pas à la tendance quelques mois plus tard avec ce Arthur qui, comme son nom l’indique, propose un éclairage particulier sur le déclin et la chute de l’Empire Britannique, en l’illustrant par le parcours de cet Arthur plus ou moins imaginaire. Bien sûr Ray Davies et les Kinks ne sont pas des petits nouveaux dans le domaine puisque The Village Green Preservation Society contenait ses velléités d’album concept dans sa déclaration d’amour à une Angleterre mythique. Mais rien d’aussi poussé qu’ici.

Au départ, Arthur (Or The Decline And Fall Of The British Empire) est un projet d’opéra rock destiné à la télévision anglaise, co-écrit par Ray Davies et le scénariste Julian Mitchell. Le projet sera malheureusement mis de côté peu de temps avant le tournage à cause d’un soucis de producteur peu fiable. Cela n’empêchera pas le groupe de s’en tenir à cette version musicale aujourd’hui bien assez satisfaisante pour ne pas faire regretter cet échec audiovisuel. Le sujet vient donc de Ray Davies, puisant dans sa famille l’inspiration pour son personnage principal puisque cet Arthur est basé sur son beau-frère, le mari de sa sœur Rose, celle-là même qu’on retrouve dans le morceau Rosie Won’t You Please Come Home sur Face To Face. Cet Arthur sera alors un prétexte pour parler d’empire colonial, de culture anglaise, de guerre, mais aussi pour décrire avec toujours autant de perspicacité les mœurs de la classe moyenne anglo-saxonne.

Peu avant l’enregistrement, le groupe a dû subir le départ de Pete Quaife, le bassiste d’origine, remplacé ici par John Dalton et aidé par Nicky Hopkins aux claviers. Conséquence ou non, on sent bien une évolution dans le son du groupe. Moins ouvertement anglais (quoique) les arrangements laissent les guitares revenir en avant et les compositions laissent un peu de côté l’aspect clavecin et autres sons propre au psychédélisme (bien que les amateurs peuvent se délecter d’un magnifique son de kazoo lors de She Bought A Hat Like Princess Marina). Des cuivres font ainsi leur apparition donnant une couleur plus frondeuse et presque pompière à certaines chansons (Victoria) mais aussi un dynamisme nouveau (Brainwash). Et puis on parle bien d’un Empire ici ! L’évolution la plus significative étant l’allongement de la longueur des chansons. Là où celles de Village Green atteignaient rarement les trois minutes, on a maintenant le droit à des Shangri-La de plus de cinq minutes ou des Australia atteignant presque les sept par un long solo de guitare allié à quelques riffs de trompette bien sentis. Autre spécificité, les voix se partagent maintenant plus volontiers entre Ray et son frère. L’aspect théâtral aidant, on se retrouve parfois avec différents timbres au sein de la même chanson comme si l’on passait d’un personnage à l’autre. Mais ces merveilles musicales et mélodiques, déjà bien satisfaisante en soi (on prend autant de plaisir à se passer le disque sans prêter attention aux paroles) sont alliés à un talent d’écriture certain, qui n’est certes plus à prouver mais qui ici prend toute son ampleur, comme rarement dans la musque pop.

Les quatre premiers morceaux sont consacrés à Arthur. Il y évoque sa vision idyllique d’un empire merveilleusement tenu par la grande Victoria, puis il passe en revue ses années d’armée (Yes Sir, No Sir) et la mort de son frêre dans une tranchée de la Première Guerre Mondiale lors d’un Some Mother’s Son tout à fait poignant. Puis le Drivin’ qui suit est la tentative d’échapper à ces horreurs par les joies de la campagne anglaise. Ce début d’album est l’occasion pour Ray Davies de décrire la vie, les rêves et les préoccupation de cette vieille génération. La suite laisse logiquement la place au fils d’Arthur, ce Derek éprit de changement et de liberté et réfutant les désirs simples et petit-bourgeois de son père. Cela donne à l’album sa partie la plus dynamique et réjouissant pour ne pas dire la plus franchement rock, via un Brainwash endiablé et un Australia fleurant les grands espaces (où Derek se fera une nouvelle vie). Puis la deuxième face reprend avec Arthur qui donne l’occasion au groupe d’envoyer deux chef-d’œuvres coup sur coup, Shangri-La et Mr Churchill Says, l’un étant une merveille de sarcasme sur les envies matérialistes des nouveaux riches, l’autre une description ironique de l’abnégation anglaise en période de guerre. Les deux obéissent au même type de structure, nouvelle pour le groupe, avec un début folk plutôt calme puis un emballement rythmique lançant la partie rock du morceau. L’occasion pour Dave Davies d’exercer son talent guitaristique lors du solo de Mr Churchill Says dont le jeu est maintenant bien plus élaboré que lors du séminal You Really Got Me. Young And Innocent Days lance alors la dernière partie plus mélancolique de l’album, où Arthur comme son fils se remémorent le bon temps, tout en comprenant bien que tout cela est bel et bien révolu. Le Arthur clôturant l’album est l’occasion de résumer cette vie anglaise typique, qui a subit la guerre et qui n’a plus d’autre ambition que son petit bonheur égoïste et qui déplore les choix de son enfant. Là est donc le nœud du déclin du Royaume Uni pour Davies : l’éloignement progressif entre deux générations, l’une voulant se poser et l’autre rêvant d’ailleurs.

Cohérent et varié, pop et rock, profond et léger, ce magnifique disque mérite une bonne place dans les classements des grands albums du rock, en tout cas autant que Village Green. D’autant qu’il parle aussi pour son époque. Le terme de déclin et de chute de l’empire Britannique, bien qu’économiquement effectif depuis l’entre deux guerre, peut décrire cette fin des sixties et l’éloignement de cette mainmise des anglais sur la pop. Les Beatles se séparent, le « Summer of Love » est bien loin, le psychédélisme a la gueule de bois. Bien que le disque sera un succès relatif, ils l’ont prédit eux-même donc rien de plus logique alors que les Kinks se tournent vers la « Grande Amérique », elle qui fera du single Lola un succès énorme. Ils profiteront ainsi de la fin de l’interdiction de jouer aux États-Unis qui couraient depuis 1965 et regagneront leur notoriété dans les stades du Nouveau Monde. Mais ceci est bien sûr une autre histoire.



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Tracklisting :
 
1- Victoria (3:40)
2- Yes Sir, No Sir (3:46)
3- Some Mother’s Son (3:26)
4- Drivin’ (3:21)
5- Brainwashed (2:35)
6- Australia (6:46)
7- Shangri-La (5:21)
8- Mr. Churchill Says (4:43)
9- She’s Bought A Hat Like Princess Marina (3:08)
10- Young And Innocent Days (3:22)
11- Nothing To Say (3:09)
12- Arthur (5:27)
 
Durée totale : 49:18
 
À noter : Comme les autres rééditions en CD des albums des Kinks, celle de cet album comprend d’excellents singles datant de la même époque, tels Plastic Man ou Mindless Child Of Motherhood.