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mercredi 15 avril 2015
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par Oh ! Deborah le 22 mai 2007
paru en 1984 (Animal Records)
C’est le mariage de la ruralité avec l’électricité, tant connu du Gun Club, qui est ici plus notoire encore. Électrocuter les champs desséchés, rendre pop le blues-punk des débuts mémorables du groupe. Dans la même lignée que son précédent Miami, The Las Vegas Story est magnifique, mieux produit, plus ambitieux et peut être plus urbain. Les palmiers, que Jeffrey Lee est bien le seul à considérer comme pestiférés, laissent ici place à une jonction de lumières artificielles et brouillées, celles de Las Vegas. Où tout paraît illuminé de distractions compulsives et onéreuses [1]. The Las Vegas Story est la troisième oeuvre indispensable du Gun Club.
En plus, c’est l’album qui voit réunir la formation que l’on retient le plus, étant mythique. Terry Graham, réapparaît en batteur, Kid Congo, guitariste, a quitté les Cramps pour se consacrer au Gun Club, et l’arrivée de Patricia Morrison va gothiser le groupe, en charmante bassiste rivale de Poison Ivy. Même si le groupe sera sujet à de nombreux changement de line-up. Car le Club, quel qu’il soit, devra toujours se préparer psychologiquement aux attentes de Jeffrey. Tout se qui se trame dans sa tête (même dans ses veines) et dans les plus grandes villes Américaines. "Lorsqu’un magasin de bonbons est condamné à être tenu par des mécréants, un carnaval de déchets". [2] Et parce qu’à Las Vegas, il y a aussi des hôtels miteux et des ruelles contaminées.
Ici, la guitare qui rentre est saillante et continue, comme un bouclier garant des tribulations à venir. La production claire et soignée de The Las Vegas Story ne l’empêche pas d’être incroyablement sombre et mystique. Jeffrey ne peut exterminer ses démons. Jeffrey semble toujours être accompagné d’une présence peu saine, comme dans Walking With The Beast et cette chose qui serait à la fois l’amour et la mort, qui le suit où qu’il aille. Présence attestée par la puissance spirituelle de Eternally Is Here, ou par le serial killer de The Stranger In Our Town. Incroyablement possédé, Jeffrey crie et déplore ses propres rêves dans une des plus belles chansons du Gun Club, My Dreams. Où la basse est gutturale, où tout est lancinant et fougueux à la fois. Où tout est synonyme d’attente, de tristesse pure mêlée d’espoir. Une sorte de passion effondrée, comme souvent dans cet album ponctué, en début de chaque face, par des souffles vaudous et des flûtes nocturnes, inondé de mélodies libératrices, d’une force émotionnelle indescriptible. Une mélancolie naturelle, une cadence, une machine circulaire avec une vraie dynamique. Une forme d’éternité. La preuve en est avec ce sublime et accrocheur Moonlight Motel, qui répète le même thème.
Les airs de The Las Vegas Story semblent évoquer la solitude, le temps suspendu, la vie qui tourne en rond. Et puis la voix de Jeffrey qui ne cesse d’être plus manifeste depuis Fire Of Love. Une voix, comme toujours, follement habitée, prosternée, vivante. Elle prie, appelle et tente de se délivrer.
Les solos sont majestueux, efficaces au possible. Pas étonnant que Richard Lloyd soit le guitariste new-yorkais préféré de Jeffrey. Le blues est encore présent, avec des ballades à la guitare slide (Bad America, Give Up The Sun) qui parlent de violence, d’océans, de sang, de Broadway et d’obscurité, alors qu’une pause-cabaret au piano délicat, nuancé, (My Man’s Gone Now) achève l’album d’être fantomatique. Écrire une simple ballade acoustique en guise de clôture est accessoire et convenu. Sauf quand elle s’appelle Secret Fires, qu’elle est planante, et magique. Sur cette chanson, la slide à cette caractéristique propre au Gun Club : elle pleure.
[1] la pochette est un montage du vieux Las Vegas des 60’s/70’s
[2] Stevo Olende, auteur de The Gun Club Story, A Three Part Story.
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