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mercredi 15 avril 2015
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par Milner le 30 janvier 2007
paru en novembre 2006 (autoproduit)
En Europe, la grande question est : comment peut-on être encore tendance en 2007 ? Les groupes connaissent leur minute de gloire éphémère, volent en éclats les uns après les autres, seuls quelques francs-tireurs livrent de sporadiques combats d’arrière-garde contre la main-mise culturelle des radios. Avouons, c’est la crise. Dans ce triste décor, les envahisseurs indépendants ont un visage autrement inquiétant. Impitoyablement, certains entament un travail de nettoyage par le vide : c’est-à-dire qu’ils se complaisent à faire table rase des expériences passées pour mieux préparer le terrain pour les années 2010.
Pour les autres, ceux qui veulent poursuivre en faisant honneur à leurs influences premières, une dose d’originalité n’est parfois pas superflue pour se démarquer de la concurrence. Et à ce jeu-là, les six membres du groupe franco-anglo-hispanophile Mégaphone Ou La Mort ont de quoi surprendre : étrange mélange de David Byrne et de Roger McGuinn, la voix du chanteur John Martinez aime s’entourer de sa cour qui le suit en musique, une musique particulière fondée sur le rock mais avec par moment des accents cuivrées en droite ligne des ambiances d’un tango tel qu’il est joué dans les quartiers de Rosario.
Et les cinq titres proposés font véritablement office de carte de visite pour le groupe puisqu’ils proposent trois titres en anglais (Chérie et ses accents punk-funk pourtant plus percutants que sur n’importe quel titre des minets nouvellement signés en Angleterre, la délicate et harmonieuse Party Doll ainsi que City Song, reflet urbain des goûts du combo pour la scène new-yorkaise des années 70 -Richard Hell, Patti Smith, Television et Talking Heads, tous incontournables). Basique s’il en est. Mais, le gros plus de ce groupe, ce sont ses embardées dans la langue de Voltaire à travers l’univers de la chanson française : phrasé détaché de rigueur, cynisme d’un quotidien parisien décrié par les provinciaux sur le titre décapant La Poésie Du Travail. Quant au dernier titre (Lutter), chaque mesure, chaque intervention instrumentale connotent une image bien réelle. On sentirait presque certaines faces b de Blur inspirer ce morceau, particulièrement ces gadgets sonores qui font se distinguer avec brio Mégaphone Ou La Mort de la concurrence. De plus, le ton de la chanson est parfait pour conclure ce disque, sonnant comme un rappel que les combats d’une vie se gagnent lorsqu’on est jeune et pas encore croulant.
À une époque où plus rien n’est écoutable, où plus rien n’a d’intérêt, où la vie a tendance à remonter dans le gosier tel un évier bouché, voici un disque qui restera hautement plus conseillé que n’importe quel engouement télécommandé du haut d’un gratte-ciel ; c’est tout le charme des productions indépendantes qui font fi des desiderata des hiérarchiques pour se concentrer sur le plaisir. Et la musique, évidemment.
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