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par Giom le 20 juin 2006
La période est étonnante. Après la crise des banlieues, celle de la grippe aviaire, celle du CPE, et l’affaire Clearstream, nous voilà rendu, ce mois de juin, dans l’euphorie footbalistique comme tous les quatre ans à cette période.
Le bar en dessous de chez moi commence déjà à rugir lors des retransmissions nocturnes autour d’un grand écran et de verres de bière. À chaque cri qui remonte jusqu’à mes oreilles, je sais que la planète vibre à l’unisson de cette vingtaine d’accros réunis chaque soir pour le plaisir d’un ballon propulsé par un pied agile dans un filet. La passion envahit tout donc, ce qui n’est pas critiquable bien entendu car après tout sport, musique, ciné, gastronomie, pèche... chacun sa porte de sortie.
Sauf que le mondial c’est bien plus que ça. C’est une économie planétaire, parmi les plus importantes, qui génère des bénéfices sans précédents. Un divertissement d’un niveau jamais atteint. Le jour de la finale, le 9 juillet 2006, qui aura lieu à Berlin dans le fameux stade construit par Hitler pour les JO de 1936, près de 2 milliards de personnes regarderont cet événement. Un tiers de l’humanité, le chiffre donne le vertige. Évidemment, le business aurait tort de faire la fine bouche. Il est donc logique, même si cela reste ahurissant, qu’une simple minute de publicité télévisée à la mi-temps de cette finale, dans l’optique où la France y participerait, coûte la modique somme de 250 000 euros ! [1]
En plus de cela le foot joue sur les mentalités, on le sait, on l’a vu en 1998 quand la victoire française a réellement participé à l’espèce d’euphorie qui envahissait le pays à l’époque. La France par exemple avec son équipe de foot « black-blanc-beur » s’imposait comme un modèle d’intégration par le sport. Tant mieux, tout est bon à prendre pour améliorer les choses à ce niveau là à condition que ce ne soit pas un trompe l’œil et qu’on reste en même temps lucide sur le sort réservé aux sans-papiers dans certaines préfectures au même moment où on se targue d’intégration. Foot et politique font donc souvent bon ménage. Le premier, si tout se passait bien, pourrait même sauver notre président et son fidèle premier ministre de l’impasse dans laquelle ils se trouvent (quoiqu’ils ne font pas grand chose pour se sauver par eux-même !). Notons au passage que l’équipe de France n’a jamais gagné une seule compétition internationale avec un gouvernement de droite au pouvoir... un signe ?
Mais le mondial a aussi sa face cachée, beaucoup moins drôle, voire même scandaleuse. En témoigne ce véritable « commerce de femmes » qui s’organise pour fournir l’Allemagne durant ce mois de juin en prostitués consommables par les fans de foot après leur match. Un système abominable où des personnes (souvent au départ dans des situations très précaires) sont leurrées et se retrouvent dans un environnement qu’elles n’auraient jamais accepté si on ne leur avait pas faire croire en la lune occidentale. Symbole de cette barbarie moderne, un méga bordel construit à proximité du stade de Berlin où se trouvent des femmes qu’on a piégées et qu’on maintient dans le dénuement psychologique et matériel le plus total pour ne pas qu’elles déraillent en faisant valoir des droits qui feraient alors peut-être trébucher la formidable machine du tourisme sexuel. Désespérant... [2]
Le mondial est donc « un fait social total » [3] à l’image de notre monde avec ses bons (car c’est parfois très beau un ballon qui fouette un filet) et ses très mauvais côtés. Tout dépend de ce qui saute le plus aux yeux.
[1] Source : « Planète football », Ignacio Ramonet, Le Monde Diplomatique, n°627.
[2] Pour agir contre cela, une lettre à adresser au président de la république est disponible sur le site d’Amnesty International France.
[3] expression de l’essayiste Norbert Elias
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