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Outlandos d'Amour

Outlandos d’Amour

The Police

par Parano le 7 octobre 2008

Paru le 2 novembre 1978 (A&M Records)

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Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais The Police est le genre de groupe dont les fans se comptent par millions, mais que personne ne cite comme référence. Le branleur de manche actuel avouera sans ciller son admiration pour les éructations musclées des Clash, ou son obsession sexuelle pour les gargouillis du boys band de Malcolm McLaren. Chacun y va de sa flagornerie, ventousée au génie de quelques tâcherons, sous prétexte que ceux-ci incarnent l’authenticité et la fureur d’une génération no future, née en même temps que le rock, la télé, et Playboy. Mais pas un mot sur le trio mythique. Trop classe. Trop technique. Trop blonds.

Tout cela, évidemment, est débile. En 1978, The Police n’est pas un authentique groupe punk, certes, mais qu’est-ce qu’un groupe punk authentique ? Quatre losers castés par un vendeur de fringue roublard ? Un ex-hippie accouplé à un chanteur pub rock, fasciné par les gauchistes armés ? Comme tous les rockers malins, The Police a commencé sa carrière en collant à la mode : dégaine cuir arrogante, rythme frénétique, grosses guitares, avant de basarder cet encombrant attirail, et de laisser parler le talent. Le talent, lui, est toujours authentique.

En février 1977, Stewart Copeland, Henri Padovani et Sting (par ordre d’arrivée dans le groupe), sortent un premier single, remarqué par le roi Jagger himself : Fall Out . Un bon titre véloce et hargneux, composé par le batteur, qui ne cache pas son envie de surfer sur la vague. L’été arrive, Sting et Stewart rencontre Andy Summers en cachetonant pour Strontium 90, vague résurgence de Gong. Summers met un pied dans la baraque, avant d’évincer Padovani, le corse le plus célèbre après Tino Rossi et avant Colonna. The Police délaisse le punk imposé par Copeland, et fait confiance à Sting, la belle gueule, pour composer quelques nouveaux titres. Bonne pioche.

Comme tout bon groupe raide fauché, The Police enregistre son premier album dans un studio minable, avec un ingé son amateur, mais doué. Ça se passe en janvier 1978, au Surrey Sound, une ancienne laiterie de la banlieue londonienne, et pour 3000 £, le groupe se tape les séances en heures creuses, c’est-à-dire la nuit, ou quand le studio accueille les courants d’air. Le magicien derrière la console (16 pistes) se nomme Nigel Gray, un autodidacte, médecin de formation, parfaitement inconnu, parfaitement compétent, voir plus. Il sait capter l’énergie du groupe, sans sacrifier la finesse des arrangements, offrant au trio sa propre identité sonore. Le résultat est brut, mais riche. The Police poursuivra d’ailleurs l’aventure avec lui pour deux albums, avant qu’une sombre histoire de fric, tiens donc, ne mette fin à la collaboration. Dommage, la production boursouflée de Ghost in The Machine et Synchronicity ont aujourd’hui la même fraicheur que les douces pommettes de Brigitte Bardot.

Lorsque le trio présente ses démos à Miles Copeland, le grand frère susceptible de leur décrocher un contrat d’édition, la réaction n’est guère enthousiaste. « Ça ne se vendra pas, les gars ». Heureusement, Nigel Gray insiste pour lui faire écouter Roxanne, et c’est le déclic. « C’est un tube, je vous prends ! ». Sting est aux anges. Il peut dorénavant placer ses compositions, et prendre le contrôle créatif du trio.

L’album s’appellera Outlandos d’Amour, une trouvaille de Miles, censée traduire l’universalité des chansons du groupe. Sur bande, The Police défriche la jungle binaire de l’îlot punk à coup de machette rasta. Copeland et Sting tricotent des rythmes reggae futés et affûtés (grosse caisse et basse à contre temps), tandis qu’Andy Summers plaque ses arpèges virtuoses comme d’autres façonnent le marbre. Le résultat est surprenant, plus excitant qu’un porno Jedi sur l’étoile de la mort, ou un trip d’acuponcteur chez Sid Vicious. Le chant nasillard et haut perché de Sting oscille entre vocifération rock et racolage pop, sucrerie et coup de gueule. Côté thèmes, on nage en plein individualisme narquois : suicide (Can’t Stand Losing You), solitude crasse (So Lonely, Hole In My Life), prostitution (Roxanne, et son célèbre accord atonal joué accidentellement par l’arrière train de Sting), poupée gonflable (Be My Girl Sally), bref, on est loin de la conscience sociale des concurrents. Cela viendra, avec le temps, et le succès. En 1978, les chansons de Sting, ne sont encore que rock métis, nombriliste, et ultra accrocheur. Copeland, leader originel, a gardé suffisamment de poids pour imposer un tempo d’enfer (Next To You, Truth Hits Everybody, Peanuts, véritables perles pop punk), mais il devra céder du terrain à chaque nouvel album. On notera également la présence, un peu anachronique, d’un rock basique vaguement fédérateur (Born in the 50’s), et d’une pompe ragga parfaitement évitable (Masoko Tanga).

La force d’Outlandos d’Amour, c’est donc cette improbable tambouille, ou mijotent la tripaille punk, les épices jamaïcaines, et les haricots magiques de Sting, ceux la même qui conduiront The Police sur le toit du monde. L’album sera bouclé en août 1978, et sortira 3 mois plus tard, après une tournée américaine très aventureuse, et surtout très prometteuse. Roxanne deviendra le tube inusable d’une décennie qui s’achève, et le punk s’éteindra tranquillement, avant de renaître de l’autre côté de l’Atlantique.



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Tracklisting :
 
1. Next to You (2’50’’)
2. So Lonely (4’49’’)
3. Roxanne (3’12’’)
4. Hole in My Life (4’52’’)
5. Peanuts (3’58’’)
6. Can’t Stand Losing You (2’58’’)
7. Truth Hits Everybody (2’53’’)
8. Born in the 50s (3’40’’)
9. Be my Girl - Sally (3’22’’)
10. Masoko Tanga (5’40’’)
 
Durée totale : 38’14’’