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par Sylvain Golvet le 17 juin 2008
À la sortie d’In Rainbows en octobre dernier, il était finalement bien plus question dans la presse de téléchargement gratuit, d’accès libre à la musique, de support dématérialisé que du contenu du disque en lui-même. Même topo pour cette tournée 2008 où la plupart des articles, non sans certains sarcasmes (du genre « à quand les concerts dans le noir et en acoustique… ») se concentrent sur le caractère « écolo » de cette tournée, avec inventaire des diverses mesures non polluantes adoptées par le groupe pour réduire la production de gaz à effets de serre : Éclairages à économie d’énergie, acheminements du matériel par voies terrestres, charte « verte » obligatoire pour les salles de concerts. Sans compter les détails de leurs mœurs personnelles, forcément étranges (« C’est quoi ces rock-stars qui recyclent leurs déchets ? »).
Cela dit, ces histoires de « tournée écolo », on s’en tamponne le coquillard, du moment que tout ça ne prend pas le dessus sur le spectacle. Fort heureusement, aucun prosélytisme de la part du groupe ce soir, de la musique, juste de la musique avec un peu de visuel pour égayer le tout. La vraie question de ce soir, c’est de savoir comment mûrissent les morceaux du faible In Rainbows sur scène, maintenant qu’ils sont connus de tous. Car finalement toutes ces préoccupations annexes sont peut-être le symptôme d’un problème bien plus simple : la musique de Radiohead est-elle aussi définitive qu’il y a dix ans ? Ouvrons donc nos oreilles et place à la musique.
Bat For Lashes, première partie de cette tournée européenne, profite d’une heure quasi complète pour développer son set. Ce qui s’avère trop long, puisque le groupe de Natasha Khan souffre d’une certaine dichotomie, avec des morceaux réussis mélangeant pop sombre et beat dance très anglais, tandis que d’autres s’enfoncent dans un ésotérisme ouvragé qui fait retomber le set dans un ventre mou un peu longuet, sans compter l’influence un peu plombante de Björk se ressentant un peu partout. Au final, ça reste assez agréable et aurait juste gagné à être ramassé sur une grosse demi-heure.
Le set des Oxfordiens commence donc dans une optique très In Rainbows en enchaînant 15 Step, Bodysnatchers et All I Need. Tous trois ont valeur de morceau de chauffe, avec moyennement de succès d’ailleurs, le premier ayant du mal à faire monter la sauce, le deuxième se révélant certes énergique mais un brin fouillis, tandis que le troisième tombe légèrement à plat à force de minimalisme. Dur, dur, mais les valeurs sûres sont là, Airbag retentit dans la salle pleine à craquer qui ne cache pas son plaisir. Rien de tel qu’un classique pour lancer réellement de concert et la suite s’en ressent, entre un Nude à donner des frissons, Pyramid Song toujours aussi envoûtant ou The Gloaming et ses basses « remue-tripes » ©.
Entourant les cinq musiciens, une armée de tubes lumineux couplée à un écran en fond de scène forment le dispositif visuel, assez minimal pour un groupe de cet ampleur et qui va de pair avec l’attitude plutôt simple du groupe. Les gars sont souriants et appliqués, mené par un Thom Yorke espiègle, arborant un magnifique pantalon slim accentuant son allure de lutin. Une attitude presque suicidaire pour un groupe ayant une telle aura, on en vient presque à se demander par quel miracle ce charisme disons « autre » fédère autant les foules. Quand bien même la salle contient ce soir plusieurs dizaines de milliers de personnes, on aura souvent l’impression d’assister à une prestation à taille humaine.
Tout ça vient peut-être de leur musique, qui sait ? Et c’est très probablement ça quand on liste les morceaux qui vont suivre : Optimistic jouée en version tribale, le Just explosif permettant à Ed et Johnny de faire rugir les guitares, Everything In Its Right Place exécutée sous les vivats. Difficile aussi de résister à la pop nineties de Fake Plastic Trees. A leur habitude, ce sont deux généreux rappels qui termineront le concert, où Thom aura droit de s’éclater sur son mini-kit de batterie pour Bangers & Mash, puis c’est un inédit qu’il interprètera seul au piano (Super Collider), pour enfin terminer en apothéose émotionnelle, cet Idioteque toujours aussi hallucinant et désespéré. Jeu, set et match, Radiohead se sort encore haut la main de cet exercice périlleux, toujours sur le fil de la maîtrise et de la plantade que sont leurs prestations sur scène.
Quant à In Rainbows, intégralement joué ce soir, il se fond plutôt pas mal dans le répertoire du groupe, à défaut de le transcender. Même si certains morceaux confirment leur état de bonne chanson (Jigsaw) et que d’autres ne perdent rien à être appréciés en live (Videotape, Weird Fishes/Arpeggi), et même en leur laissant le bénéfice du doute, on a tout de même du mal à les imaginer aussi fédérateurs qu’un Karma Police. Jusqu’à quand la générosité du groupe permettra d’oublier certains impairs discographiques ? Profitons-en, tant que l’illusion perdure…
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