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mercredi 15 avril 2015
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par Psymanu le 3 avril 2007
paru le 2 octobre 2006 (Wagram)
Comment être dans l’air du temps sans jamais, à aucun instant, ne risquer d’être soupçonné du moindre plagiat, de qui que ce soit ? Pour répondre à cette question, peut-être faut-il demander à Katel. On peut voir un peu tout et n’importe quoi, dans sa musique. Du Dominique A, clairement, pour le lyrisme du chant, du Miossec, aussi, pour la tension qui se dégage de l’écriture, et de la voix. Entre autres, mais nous verrons ça plus tard. Et pourtant, Raides À La Ville, sublime EP de la dame Katel, ça ne ressemble à rien d’autre qu’à elle-même.
Ça commence fort, par Les Vautours, guitare acoustique frotté avec vigueur, voix bien en avant, chœurs hypnotiques. C’est ce style direct qui s’impose d’emblée et on n’en dérogera plus. Le miracle consiste à mélanger assurance et fragilité, généralement on appelle ça l’énergie du désespoir, et il y a de ça. C’est avec des mots simples qu’on fait les plus beaux textes. Rarement en frimant avec une brillante maîtrise du dictionnaire. Il n’y a pas besoin de trop de mots pour faire passer les justes émotions, il faut les bons, simplement. Il y a pourtant une certaine sophistication dans le style, mais jamais ça ne prend le pas sur la musicalité et la cohérence de l’ensemble. On n’aura jamais la prétention de comprendre exactement ce qu’il se passe ni de quoi il s’agit, mais pourtant l’on se sent traversé par cet étrange fluide, on chope un mot par-ci, par-là, et il nous emmène ailleurs, c’est tout ce qui compte. La Carapace se pare de quelques saveurs orientales, et sa rythmique un rien heurtée prend littéralement au corps. Il y a aussi l’âpreté de ces quelques notes de guitare électrique, on peut penser à PJ Harvey dans cette osmose entre la dureté rock de la musique et la qualité des vocalises.
C’est encore plus palpable sur Le Voyage Impossible, sorte de tumulte sonore, comme un ouragan roulant tout autour d’une fragile bicoque perdue sur une île, toute cette rage déployée ne laisse aucun répit à nos sens, du bout des lèvres seulement on évoquera Noir Désir, parce qu’on l’a trop utilisé comme référence, trop souvent comparé pour de mauvaises raisons, mais on le pensera très fort, cette fois-ci. Et puis, encore une fois, on s’en voudrait de ne pas rendre à Katel ce qui lui revient de droit. Et pourtant, La Vieille, aussi... En voilà, du rock, français.
Il y a des douceurs, aussi, sur Raides À La Ville. Quel Animal Vit, c’est presque une valse, ça tourne sur soi, tourbillonne avec douceur au gré d’arpèges acoustiques impécables, et les voix se multiplient, se perdent dans de lointains ailleurs, y a tout qui résonne dans nos têtes, on croit sombrer avec elle mais la beauté lumineuse de son timbre nous raccroche à la vie. Plombant, le morceau titre, c’est du flamenco, quasiment, et des mots noyés dans l’alcool mais Katel surnage pour nous les livrer tels qu’ils doivent être dits pour mieux frapper à l’estomac :
"Ca se voit sur les caméras,A mes mains rougies de putain,Aux stalactites dans ma voix,On signale que je ne sens plus rien."
La crudité des termes est une mise à nu. Une autre pépite est Tigres En Papier, nouvelle douceur à la gratte sèche. Ça parle de chaînes à briser, d’ailleurs à gagner, de liberté, peut-être, voyez-y ce que vous voudrez, vous y verrez forcément quelque chose, ce qu’il vous plaira, et, pour sûr, ça lui plaira aussi. Force évocatrice, surface projective immaculée, c’est à chacun d’y insuffler son âme.
Quelle merveille, que ce Raides À La Ville, le genre de truc qu’on n’attend pas et qui semble venu de nulle part mais qui jure ne plus jamais vous quitter. Un disque cher, un ami à qui parler, pratiquement. Il faudra suivre Katel, on veut croire à l’éclosion définitive d’un talent maousse de qui l’on espère d’autres rendez-vous aussi peu manqués que celui-ci.
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