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par Emmanuel Chirache le 29 juillet 2008
En fait de Rita Mitsouko, le billet d’entrée nous apprend qu’il s’agit plutôt de Catherine Ringer qui chante les Rita Mitsouko, nuance. C’est même la dernière fois qu’elle interprète les chansons qu’elle a écrites avec son compagnon Fred Chichin durant plus de vingt-cinq ans. C’est triste, mais C’est comme ça. Tout finit donc à La Cigale, là où tout avait (presque) commencé puisque les Rita Mitsouko avaient inauguré la nouvelle salle relookée par Starck en 1987, alors que l’endroit servait depuis les années 40 à diffuser des films de Kung-fu à deux balles et des pornos pour touristes en mal de sensations fortes. D’où une certaine émotion palpable chez Catherine Ringer, qui ne s’en cache pas. Elle évoque Fred Chichin avec un aplomb et une franchise qui force le respect : « Fred est ici avec nous, lâche-t-elle alors, d’ailleurs sa dépouille n’est pas loin ! » Quelques beuglements dans l’audience (« Catherine on t’aime ! ») prouve que l’émotion est partagée.
Sur scène, les extraits de Variety, dernier opus en date des Rita, s’enchaînent : L’Ami ennemi, Le communiqueur d’amour et Rendez-vous avec moi-même. Trois morceaux qui ouvrent le bal et prennent vraiment tout leur intérêt en live, tant la rage de la chanteuse semble se décupler en des proportions inimaginables ("Hulk smashes !" pourrait-elle même hurler en virant au vert). Mais le plus pétillant reste à venir et nous permet de méditer sur cette question : à quoi reconnaît-on un tube ? Très simple : un tube se reconnaît en concert lorsque tout le monde saute sur place dans un mouvement collectif de béatitude niaise qui n’est pas sans rappeler le virage Auteuil du Parc des Princes ou les Ultras marseillais. Il suffit pour s’en assurer d’observer la réaction du public quand survient C’est comme ça, qui est à la chanson française des années 80 ce que Claude Pialat était au cinéma hexagonal de cette époque : un îlot de bon goût dans un océan de nullité. A cet instant, Catherine Ringer retire son chapeau claque orné d’une voilette endeuillée et laisse découvrir une longue chevelure admirablement peignée, qu’elle secoue avec vigueur dans un geste qui serait digne de figurer au ralenti dans une pub L’Oréal ou Hollywood chewing-gum. Le caméraman d’Arte qui écume la fosse ne veut rater ça pour rien au monde, alors il se faufile au premier rang en bousculant deux homosexuels qui filment le concert avec leur appareil photo (faute de grives...). Voilà d’ailleurs une sale manie devenue inévitable en concert, celle de la télé-participation. En substance : j’enregistre le concert et je le regarderai plus tard à la maison sans tous ces connards, tranquillement installé dans mon canapé.
Puis le temps passe et le concert s’enlise un peu, il faut l’avouer. Heureusement, le bassiste Eddie Duffy régale et amuse la galerie avec son style inimitable d’Anglais un brin déluré. Aux guitares, Sylvain Laforge envoie quant à lui quelques riffs bien acérés forcément sympathiques, et la sauce semble reprendre grâce à l’excellent Ding ding dong (Ringing at your bell). Une poignée de reprises plutôt réussies viendront également enjoliver la soirée, comme Red Sails de Bowie (une influence majeure des Rita, qui ont été produits par deux mentors du Thin White Duke s’il vous plaît, à savoir Tony Visconti et Mark Plati) et Venus On Avenue D de Willy DeVille. Mais c’est dans les vieux pots qu’on fait la meilleure soupe, ou plutôt les meilleures chansons, et le public fait de nouveau entendre sa voix au son des vieilleries immortelles que sont Histoires d’A, Andy ou Marcia Baila. Après tout, c’est toujours la même chose : qui va voir les Stones sur scène pour entendre les morceaux de A Bigger Bang ou ceux de Bridges To Babylon ? Personne. En revanche, chacun exige son quota de Paint It Black, de Start Me Up et de Brown Sugar. Car un tube est un cadeau empoisonné, il vous condamne à le jouer pour l’éternité. Et ce n’est que justice. Laissons le mot de la fin au guitar-hero Alvin Lee, qui exprimait récemment dans une interview les doutes d’un artiste tiraillé entre son désir d’aller de l’avant et l’inertie de sa gloire passée : « A une époque, je ne jouais aucune chanson de Ten Years After. Je ne faisais que des nouveautés pour tenter d’échapper à ce que j’appelle le syndrome du juke-box itinérant. Puis un jour je suis allé voir Jerry Lee Lewis en concert et il n’a joué aucune de mes morceaux rock favoris. Je me suis promis que je ne traiterai plus jamais mon public de la sorte. » Gageons que Catherine Ringer reviendra elle aussi aux sources de temps à autre pour nous dire que les histoires d’amour (même avec le public) finissent mal. En général.
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