Concerts
Secret Chiefs 3

Saint Germain en Laye (La Clef)

Secret Chiefs 3

Le 14 octobre 2011

par Thibault le 20 octobre 2011

Merci à Olivier de zicazic.com pour ses photos !

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Une soirée dans une bonne salle avec trois groupes, un bar honnête et des gens sympas pour treize euros, ça ne court pas les rues. Bravo aux organisateurs d’avoir réussi à réunir ces formations, ce qui n’était pas une partie de plaisir étant donné qu’un groupe est arrivé en retard après s’être retrouvé bloquer dans les embouteillages. Ça fait toujours plaisir d’avoir une alternative aux concerts hors de prix que l’on trouve à Paris, parfois dans des salles plus que douteuses (Zénith, Olympia, Bercy et cie).

Les réjouissances commencent avec Zarboth, duo sorti d’un cauchemar de Nicolas Ungemuth. C’est du rock français, underground, moche, compliqué, technique, sans mélodies. Des morceaux arides tout en riffs, qui manquent parfois d’un petit peu de liant. Nul doute que le groupe gagnerait à avoir un troisième musicien, bassiste ou second guitariste, ou même claviériste, ou saxophoniste, soyons fou, qui apporterait un peu plus de rondeurs et de souffle. Néanmoins, le duo ne se ménage pas et déploie une grosse énergie qui capte l’attention. La machine pourrait tourner à vide mais non, le groupe fait preuve de générosité, avec un son très massif qui titille même Meshuggah sur l’avant dernier titre, un petit tour de force quand on joue à deux !

Le set est ponctué de moments absurdes à base de rythmes à la Primus ou de collages sonores à la Zappa, où les deux musiciens se révèlent être des grandes gueules déroutantes. Le guitariste a de longues tresses, des mocassins blancs et un jeu de jambes bien à lui alors que le batteur présente une pilosité faciale similaire à celle de Zappa et chante comme les mecs de DEVO. En dernier titre, ils annoncent un blues amérindien, et le morceau s’avère comme les autres : riffs metal au hachoir, breaks en veux tu en voilà et charley qui part en syncope. Ce qui vaut bien quelques blagues pourries du style « dis donc, elle est étonnante cette reformation des White Stripes » ou « je l’imaginais pas comme ça le prochain Black Keys ! » Voilà voilà, vendredi soir, on était fatigué.

Force est de constater qu’une musique qu’on écoutera pas forcément dans son salon a une sacrée force de percussion en live. Typiquement le groupe qu’on aimerait voir plus souvent en première partie, au lieu de se farcir des indigences comme trop souvent.

Les fans nous ont prévenus avec force trémolos dans la voix, ce soir est LE soir pour voir Secret Chiefs 3 : sa majesté Danny Heifetz, batteur de Mr Bungle, est de la partie ! A défaut d’avoir déjà vu le groupe, on ne sait pas si c’était un soir plus exceptionnel que les autres étant donnée l’excellente réputation de Secret Chiefs 3 sur scène, mais en tout cas, quelle putain de mandale !!! Alors que les albums de SC3 sont souvent disparates, parfois un peu inégaux - bien qu’un Xaphan : Book of Angels réalisé avec John Zorn fasse figure de pièce intouchable, en live c’est une toute autre histoire. Moins digressif, le groupe varie toujours les plaisirs et les styles, mais le fait de manière beaucoup plus serrée, en privilégiant l’impact direct.

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Secret Chiefs 3
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On compte cinq musiciens : Trey fuckin’ Spruance en chef d’orchestre, Danny Heifetz à la batterie, un claviériste/guitariste et un bassiste en retraits, ainsi qu’un violoniste-trompettiste-guitariste vengeur et masqué d’un drap sur le visage complètement hallucinant. La formation rappelle beaucoup le King Crimson de Lark’s Tongue in Aspic : un son qui préfère le nerf à la graisse, des effets de distorsions rugueux, des phrasés secs et hargneux (le violon louvoie dans la verdeur avec délice), sans jamais de dissonance superflues. On retrouve dans les deux groupes une capacité assez bluffante à piocher dans différents styles sans que cela ne sonne incongru. Death metal, surf music, Ennio Morricone, musique orientale, les Secret Chiefs 3 voient large mais ne s’éparpillent pas. Étonnamment, cette approche peut aussi rappeler... les Pogues ! Les irlandais avaient la même ambition de mélanger musique rock et musique « folklorique » ou « traditionnelle » dans un projet neuf et cohérent. Rajoutons que les Pogues ont réussi à faire du rock orientalo-irlandais (!) avec des chansons comme Turkish Song of the Damned.

Comme chez King Crimson et les Pogues, les Secret Chiefs 3 fusionnent au service du morceau. Tous les emprunts sont pensés et harmonisés avec un souci de cohérence musicale. Un morceau doit d’abord ressembler à un morceau, et non à un exercice de style. La réussite est totale : une heure et demie de musique qui peut être abrupte pour celui qui débarque sans rien connaître, mais qui intrigue et surprend toujours par sa violence ou sa mélodie. C’est une gageure pour un groupe de musique pop de proposer un concert entièrement instrumental tout en étant accrocheur, fun, puissant, jamais poseur ou en panne d’idées.

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Trey Spruance en mode Star Power
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Spruance est évidemment le centre des attentions. Il bondit d’un air guilleret, tourne sur lui même dans sa robe de bure, disparaît engloutit par celle ci et se débat avec sa capuche qui lui tombe sur les yeux, tout en jouant des parties exceptionnelles sur des guitares toutes plus déroutantes les unes que les autres. On ne comprend pas comment on peut obtenir un son aussi bourrin et jouer aussi vite et précisément sur un saz électrique, le genre d’engin sur lequel on se risquerait tout juste à jouer les premières notes de Bambino. Le concert atteint des sommets avec un morceau qui aurait pu figurer sur la BO de Red Dead Redemption, où toute la salle se met à chevaucher d’un seul homme en surveillant les attaques surprises de cougars. Trompette au vent, guitares lyriques à la Ennio Morricone, il ne manquait que Clint Eastwood. Le morceau Barakiel fait aussi son petit effet, mais la grande claque est une reprise hallucinante du thème d’Halloween de John Carpenter, qui réduit l’originale au rang de pianotage infantile et léthargique. Une montée en puissance terrifiante, zébrée d’accords graves et solennels, qui évoque une fuite impossible devant une sentence aussi irrévocable qu’une apparition de Denis Brogniart dans Koh-Lanta.

Après ça, il y a eu a.P.A.t.T., groupe anglais qui fait débat au sein de la troupe Inside & co présente ce soir là. Le quatuor joue en tenues blanches, un peu dans l’esprit Orange Mécanique, et change d’instruments à tout instant. Claviers, synthés, basse, guitare, batterie, chant, tout le monde touche à tout, avec une mention particulière pour la demoiselle qui manie clarinette, basse, violon et guitare en plus des claviers. En ce qui concerne la musique, c’est plus ou moins ça. Il y a clairement des ratés, des choses qui n’aboutissent pas, mais contrairement à ce que soutient Duffman, tout n’est pas de la grosse merde. a.P.A.t.T. mélange beaucoup et certainement trop, on sent une volonté d’être à tout prix délirant et original qui n’est très bien dosée. Néanmoins, le groupe se révèle très spontané dans cette démarche qui pourrait être insupportable. Le résultat fait un peu grincer aux jointures de temps en temps, mais en réalité le groupe ne se vautre pas dans l’autosatisfaction, grand défaut de bien des groupes dits « expérimentaux ». Si certaines de ses tentatives échouent, c’est parce que le groupe manque de recul sur ce qu’il fait et se laisse emporter par son enthousiasme d’apprenti Géo Trouvetou.

Ceci dit, il y a de bonnes choses, des curiosités agréables et des morceaux funs et assez mélodiques. Sur un titre, une grosse brit-pop baveuse part en sucette avec des breaks bien placés, du slap et des choeurs hargneux. A un autre instant, c’est une clarinette qui se fait une place entre les rouages de synthés et de boites à rythmes. Et si tout se marche un peu dessus, le groupe ne tombe pas pour autant dans la cacophonie usante. Ça mérite d’être retravaillé, mais ce n’est pas honteux, loin s’en faut. Pas manchots, les musiciens sont polyvalents et capables de passages rafraîchissants, ils ont quelque chose à faire. A eux de trouver la juste mesure pour être plus posés et donc plus percutants.

En définitive, une soirée impeccable. Un apéritif sympathique, une bonne claque, un point de désaccord et une séance dédicace où l’on peut glisser deux mots à Maître Spruance, qui a l’air très sympa, que demander de plus ? Encore merci à Madame Macario d’avoir permis un évènement aussi réjouissant. On attend avec impatience la prochaine venue des Secret Chiefs 3.

Trey Spruance et son saz électrique... ou l'inverse Timb Harris Matt Lebofsky


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