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par Antoine Verley le 14 juillet 2009
Paru le 28 avril 2009 (Rhino / Roadrunner).
P’tit blind test ? Allez. Dans le rôle du pizzaïolo, j’enfourne la galette déjà pâteuse dans son four stellaire (cf Ponge), sélectionne le thermostat 11 et frôle la touche lecture. Les premières convulsions de la pâte ne laissent aucun doute aux concurrents... D’humeur frétillante, ils ne manquent de se délester de leur dignité pour hurler "Black Sabbath" dès que sonne le glas de l’intro titanesque de Vinny Appice. Aaaah, sacrés esthètes culinaires ! Cette cuisson terriblement XXIème ne cache néanmoins pas une recette vieille comme Brillat-Savarin : le riff grave, distordu, attention-c’est-chaud, et, euh, sataniste, du cuistot Tony Iommi, assaisonné de la quatre-cordes relevée de Geezer Butler, le tout laissé à un minuteur lent. Avec en prime, la patte dégueulasse de celui que certains, sous eau bénite sans doute, prirent à tort pour le plus grand chef du restau, j’ai nommé Frère Ronnie James Dio. Parce qu’alors que ce dernier se contente de faire son job (et quelques tonnes au passage), le regretté Ozzy l’était... Mais, ne réveillons pas cette querelle séculaire, vous aurez aisément capté, à la lecture de ces lignes, que le maître queu(x)(e) du metal sataniste n’est pas ici en odeur de sainteté. Même si l’on peut concéder à ses cordes vocales cet exploit d’être, comme les manuscrits de la mer morte, arrivées jusqu’à nous à peu près intactes.
"Alors, quel album ? On dirait Heaven And Hell... A moins que ce soit Mob Rules ou l’ignoble Dehumanizer" ? Continueront les compétiteurs déroutés, en citant toutes les collaborations du clerc à la messe noire. On leur comptera le point, parce que, vous l’aurez deviné, le fameux Heaven And Hell, c’est Black Sabbath. En plus d’être un nom qui en jette un peu plus que "Black Sabbath", "Heaven And Hell" est un cache-sexe pour une formation qui tente tant bien que mal d’éviter les attaques en justice du sataniste chéri de la couronne. Comme le dit Iommi, récemment traîné devant les tribunaux par le Raspoutine briton, "Ozzy est mon ami. On se parle encore de temps en temps."
Après cet intermède cocasse, il sied de traiter de l’objet en lui-même. Que voulez-vous savoir que les operibus précédents n’ont déjà dit ? Voyons... La production caverneuse et profonde façon Dimmu Borgir (en mieux, tout de même, on est bien d’accord) de la lente Atom And Evil est la seule chose qui la sépare de l’antédiluvienne Sweet Leaf ; sur "Fear", on dénote l’un des multiples excellents riffs de l’album ; la caricature Bible Black est, elle, à jeter incontinent aux oubliettes, sauf pour qui est d’humeur gausseuse... On pourrait continuer ce descriptif si l’oeuvre n’était pas aussi longue et l’exercice aussi inutile, car tout ce qu’il faut retenir est dans ces trois mots : Rien de neuf. Pour quoi faire, alors ?
A l’heure du bilan-synthèse supposé apporter une réponse satisfaisante à cette interrogation légitime, déjà, l’on voit s’approcher la foule des progressistes, avant-gardistes, mort-aux-vieux-istes et visionnaires de tout crin, bâillant devant cet effort redondant. C’est sans doute vrai, à quoi bon se délecter de voir une bande de vioques sortir cet énième sosie de Master Of Reality ? La criiiiise vous aurait donc laissé tant d’espèces, pour qu’un modeste rédacteur de webzine vous invite à cottiser pour la caisse retraite des doom-métalleux ? La réponse est simple : même dans un monde qui n’est pas le leur (2009), nos vétérans ne trouveront pas mieux. "Mais il y a le dernier Mastodon !" Certes, mais un album par an ne tarira pas la disette stylistique dont souffre le metal. Qui aujourd’hui donne un coup de pied au cul au genre, dont le mainstream tourne au concours de "c’est qui qui pisse le plus loin" ? (Transposé à l’âge "mature" sous le nom plus accorte de "c’est qui qui fait le plus de bruit ?") Le bourratif Metal symphonique ou lyrique (Ohééé, Cradle Of Filth, Nightwish, vous m’entendez ?) dont les kids désaxés sont si friands ? Non, et on vous le dit tout de suite : ça peut user, à force, d’écouter Soulfly, Dragonforce, Satyricon, Cavalera Conspiracy, Immortal, Slipknot, leurs doubles grosses caisses martelées façon machine à écrire, leurs vagissements insoutenables, leurs guitares inaudibles... Mes chers petits headbangers, au lieu de perdre son temps à écouter tous ces zozos faire du Cannibal Corpse, vaut mieux perdre son temps à écouter Black Sabbath faire... Du Black Sabbath. C’est plus sain.
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