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par Giom le 16 juin 2011
Inside Rock est tout sauf un webzine people. Pourtant, parfois, quand il est question de bonne musique, ses rédacteurs savent se mêler au gratin, londonien qui plus est. Histoire du retour de The Mob, punk band 70s, sur fond de stag night rock’n’roll.
Article rédigé par Giom
Concert donné le 4 juin 2011 au MacBeth (Londres, UK)
Tout le monde connaît, maintenant, ces nouveaux éditos façon culturo-people des Inrockuptibles, du type : « J’ai mangé un sushi avec Isabelle Huppert » ou « J’ai sauté en parachute avec Raymond Domenech »… En bon chroniqueur musical branchouille parisien qui voyage (sic), j’aurais donc pu, par mimétisme un peu facile, intituler cet article « J’ai participé à l’enterrement de vie de garçon de Jamie Hince ». Croix de bois, croix de fer, si je mens, je vais en enfer.
Donc nous y voilà, petit résumé pour contextualiser la chose. Début des 00s, The Kills, duo anglo-américain (disons anglo-saxon) participe au revival post-punk grâce à une formule efficace : une chanteuse au style un brun sulfureux et à la voix accrocheuse (Alison Mosshart qui plus tard chantera chez Jack White) et un bidouilleur pas mauvais dans la relecture de grilles de guitares qui firent les grandes heures du rock anglais late seventies, le fameux Jamie Hince, aujourd’hui aussi connu pour être l’amant de la modèle cocaïnée Kate Moss (« la brindille », souvenez-vous d’un des nombreux épisodes du cas Doherty) que pour le dernier album du duo (Blood Pressures, sorti il y a quelques mois). Comme tout bon romantique qui se respecte, Hince va épouser Moss prochainement, et, comme tout bon Anglais dans ce cas, ce dernier a le droit à un enterrement de vie de garçon (stag night pour les anglophiles) fixé au 4 juin 2011. C’est là que l’histoire devient intéressante.
Jamie Hince a un groupe préféré depuis sa tendre adolescence, d’où il puise son inspiration pour les compositions de son groupe : The Mob. Peu de gens connaissent The Mob et c’est bien dommage. Membres d’une constellation de groupes punk londoniens (Zounds, Blyth Power - Hince jouera dans une mouture tardive de ce combo - ou plus tard Thatcher On Acid – quel nom !) tous fidèles à une éthique anarchiste et communautaire (tous ces musiciens ont squatté quelques immeubles londoniens du quartier d’Hackney pendant pas mal d’années) propre aux racines du dernier des mouvements artistiques contestataires. On devra au Mob un seul véritable album, Let The Tribe Increase, publié sur leur propre label en 1982 et réédité en 1997, qui sonne comme du Clash avant leur découverte du reggae, en plus sombre. Avis aux amateurs…
Partant de là, Alison Mosshart se persuade que la seule véritable surprise qui pourrait convenir à son band fellow est d’organiser la réunion exceptionnelle de son groupe fétiche le jour de sa stag night pour faire du cher Jamie l’invité privilégié du gig. Un pub est loué pour l’occasion (le MacBeth, en plein cœur d’Hoxton, quartier branché de l’est londonien), Mark Wilson, leader de The Mob donne son accord et une liste d’environ 200 invités est dressée pour remplir le lieu (raconter comment votre serviteur s’est retrouvé sur cette liste serait alors une trop longue histoire). Nous investissons donc le pub vers 20 h alors qu’une bonne partie des proches du groupe est déjà sur place (cinquantenaires fidèles à un passé fait d’intensité et de rock’n’roll way of life). Progressivement, l’espace va se remplir et la bière british couler à flot alors qu’Idiot Strenght investit la petite scène pour une première partie punk old school avec six titres rapidement exécutés qui dressent un court panorama d’une carrière dans le sillage de The Mob, les deux formations ayant débuté au cœur du Somerset. Une bonne prestation mais l’essentiel n’est évidemment pas là.
Alors que The Mob commence à s’installer, deux publics se mélangent près du comptoir. Les vieux punk, bien sûr, en grosse majorité, et une trentaine de personnes entre deux âges hyper fashion qu’on devine être des proches de Hince, conviés par Mosshart pour l’occasion. La physionomie n’étant pas mon fort, inutile d’espérer me voir briller dans l’exercice de reconnaissance d’un éventuel gotha british rock. Le début du set de The Mob se fait longuement attendre, le trio – fidèle à l’instrumentation guitare/basse/batterie de l’esthétique punk – n’ayant pourtant pas grand matériel à mettre en place. Une heure plus tard, on comprend que le groupe attend l’arrivée de l’invité d’honneur et de sa bande de proches afin de rendre la surprise encore plus forte. C’est chose faite quand la personne – qui n’est autre que la fille de Mark Wilson, on n’est jamais mieux servi que par sa propre chaire - qui gère la liste des invités à la porte du pub, fait signe à son père en lui annonçant le décompte suivant. 5, 4, 3, 2, 1. 0000000. Les premières notes de Youth rugissent de la guitare de Wilson quand arrive Hince déjà plus très frais poussé par Mosshart et quelques autres parmi lesquels j’ai peine à reconnaître Bobby Gillepsie de Primal Scream (mais la lecture d’un tabloïd [1] me confirmera mon intuition quelques jours plus tard).
Une fois Hince remis de sa surprise et parti pogoter sur le devant de la scène, on peut alors profiter de la performance d’un groupe extraordinaire. The Mob sonne en effet du meilleur effet tout au long de la grosse heure de leur concert. Morceaux enlevés et mélodiques, portés par un chant sombre aussi énergique que mélancolique, on se demande comment une telle recette a pu rester aussi confidentielle au fil des décennies. Le son est parfait dans ce petit pub confiné et le groupe semble ne jamais avoir cessé de jouer ensemble alors que leur dernière performance londonienne date de 1983 ! Wilson et le bassiste Curtis Youe semblent prendre un plaisir intense à jouer tous les titres du trio alors que défile un diaporama alternant reproductions de vieilles affiches de concert ou photographies des communautés auxquelles les membres du groupe ont pu prendre part à la grande époque. Une grande émotion se lit sur les visages de nombreuses personnes du public et la rumeur de la présence de Mick Jones dans la salle (« cravate blanche, chemise rayée ») renforce le sentiment d’assister à un évènement historique. En 17 titres, le trio parcourt tout un répertoire d’une grande force et met l’audience à genoux lors d’un rapide rappel composé du morceau I Hear You Laughing.
Quittant la scène sous les applaudissements, le groupe rejoindra ensuite l’étage supérieur du pub où une private party organisée pour la trentaine de proches de Hince commence. N’étant pas parmi ces happy few (faut pas trop espérer non plus), nous quittons le pub alors que ce dernier est maintenant ouvert à la jeunesse dorée londonienne qui arrive en masse pour s’encanailler eu plein cœur d’un week-end printanier, ignorant tout des opérations auxquelles leur endroit de débauche préféré vient de servir de théâtre. The Mob était là et les présents s’en souviendront longtemps. Pas vrai, Jamie ?
PS : Pour en savoir plus sur tous ces groupes qui firent les belles heures de l’underground punk londonien, se reporter au travail d’archive du site Kill Your Pet Puppy www.killyourpetpuppy.co.uk dont sont extraits les photos du concerts qui illustrent l’article.
[1] Oui, bon d’accord, c’est pas très classe, mais il faut bien avoir des sources.
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