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mercredi 15 avril 2015
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par Psychedd le 3 avril 2007
Ce 25 mars, l’Olympia accueillait pour une deuxième soirée The Musical Box. Leur mission ? Nous ramener en 1973, époque des concerts Selling England By The Pound. La machine à remonter le temps existe, je l’ai essayée...
Je me souviens... Un jour de printemps 2004, mon barbu m’avait appelée pour me proposer d’aller voir The Musical Box en concert à Bruxelles.
Curieuse, mais inquiète, je lui demandais donc : « Euh oué... Euh... C’est quoi ? »
Et lui de me répondre : « Ben... The Musical Box, c’est des mecs, ils reprennent du Genesis, mais exactement comme à l’époque de Peter Gabriel. »
Et moi de surenchérir, catégorique : « Nan mais ça va pas ? »
Malgré toute sa bonne volonté et l’explosion de son forfait téléphonique, il ne réussi à tirer de moi qu’un : « Mais comme je connais pas bien, ça va ptêt pas me plaire alors non... Définitivement ».
Pour ceux qui n’auraient pas suivi un épisode, j’avoue, à ma grande honte, qu’au printemps 2004, je découvrais alors à peine Genesis et que je n’étais pas encore devenue une adepte.
Ce qui n’étais plus le cas en hiver, où, récemment installée dans le Nord et devenue une monomaniaque génésienne, le barbu passa à l’étape suivante et me fit visionner un show de 1973. Regrets et gaspation de ma part. Mais... Mais... C’est la folie ce truc ! Peter Gabriel, arborant des costumes plus dingues les uns que les autres faisaient vivre chaque morceau, avec rage, violence et passion. C’était à la fois inquiétant et fascinant. Et comme pour mieux m’achever j’ai eu droit à : « Hé ben voilà ! The Musical Box, ils refont exactement ça ! Avec les mêmes décors, les mêmes costumes, les mêmes instruments ! Et toi t’as pas voulu aller les voir ! T’es dégoûtée hein ? ».
Tu l’as dit bouffi...
Heureusement qu’en mai 2005 j’ai pu me rattraper et aller jauger la bête en direct live pour un concert reprenant le show The Lamb Lies Down On Broadway. Et là ! Claque et mollets douloureux (pour la première fois, j’ai du passer tout le concert sur la pointe des pieds pour voir la scène, c’est qu’ils sont grands les Belges !). Je me suis fait immédiatement la promesse de les revoir, au moins une fois. Mais il a fallu attendre deux ans...
Quand le barbu m’a annoncé qu’ils repassaient pour faire les shows de 1972 et 1973, l’hésitation ne fut pas longue, et pour célébrer l’événement, nous avons choisi d’aller les voir à l’Olympia. Pendant plus de 3 mois, les places mises en sécurité dans notre salon, nous avons patienté, regardant incessamment les vieux concerts de la genèse, histoire de bien se préparer...
Puis le grand jour est arrivé et c’est un peu avant 19h que nous sommes arrivés devant la salle. Le temps de regarder un peu les autres spectateurs patientant également. Un constat : j’étais une des plus jeunes. Mais à vrai dire, je m’y attendais un peu quand même...
Quand les portes se sont ouvertes, nous sommes allés sagement à nos places et avons attendu une bonne heure avant que le concert ne commence.
À ce stade, il est peut-être bien de présenter un peu The Musical Box (nan, parce que c’est bien de chroniquer un concert, mais faudrait voir à ce que l’on connaisse un peu le groupe quand même !).
Et parce que je suis une sacrée grosse feignasse, je vais me permettre de reprendre ici la bio du groupe, que l’on peut lire sur leur site officiel :
« Depuis 1993, The Musical Box reproduit les concerts de Genesis avec Peter Gabriel :
Foxtrot, Selling England By The Pound et The Lamb Lies Down On Broadway.
The Musical Box s’est donné comme mission de faire revivre la magie de ces concerts et de donner aux spectateurs l’impression d’assister à un concert de Genesis des années 70.
Cette reproduction historique a été basée sur des centaines de photos et diapositives de l’époque, sur des vidéos et films amateurs, articles et couvertures de presse, ainsi que sur les informations recueillies auprès de personnes ayant travaillé ou assisté aux concerts originaux de Genesis. Cette importante base de données a permis une reconstitution fidèle et méticuleuse des masques, costumes, maquillages, accessoires, décors, éclairages, effets spéciaux, chorégraphies, du déroulement et de l’ambiance des concerts de Genesis à l’époque.
Pour rendre justice à l’intensité de la musique de Genesis, la reproduction musicale des pièces a été basée sur leur version studio. Il s’est aussi avéré nécessaire d’acquérir les instruments qui caractérisent le son Genesis, instruments qui sont de nos jours considérés souvent comme pièces de collection, notamment : Hammond, Arp Pro Soloist, sons de Mellotron, guitares Rickenbacker, pédales de basse, cabinets Leslie, etc...
À ce jour, plus de 250 000 personnes en Amérique du nord et en Angleterre ont assisté aux concerts de The Musical Box. En 2000, The Musical Box est le seul groupe au monde à obtenir de Genesis et de Peter Gabriel les droits pour la présentation du spectacle The Lamb Lies Down On Broadway. Peter Gabriel et Mike Rutherford ont tous deux assisté au concert Selling England by the Pound lors de la tournée anglaise de The Musical Box en mai 2002. Lors de cette même tournée, Steve Hackett est venu se joindre à The Musical Box sur la scène du Royal Albert Hall pour y interpréter Firth of Fifth. ».
Donc, comme vous l’aurez deviné, c’est du sérieux ! On est loin des petits tributes bands complètement cheap, qui se mettent une cape pourrie sur le dos et qui tentent, tant bien que mal, de rendre hommage à ce groupe. C’est d’autant plus sérieux, que le travail de reconstitution est si minutieux que l’équipe technique est absolument impressionnante (faut voir la liste sur le site !) et que Mike Rutherford a dit carrément d’eux : « En fait, c’était meilleur que l’original. C’était excellent, fantastique. ». Ah ça oui Mike, je ne peux qu’acquiescer !
Enfin bref, revenons un peu à mon concert. En attendant la première partie, le sonorisateur passe un peu de musique... Dont du Yes, ce qui réveille mon voisin qui se met à chanter, faux. Je commence à m’inquiéter, si ça doit durer comme ça pendant plus de deux heures, je ne sais pas si mes nerfs vont tenir... Une fois Yes disparu et mon voisin redevenu plus calme, je regarde un peu les spectateurs qui doucement, commencent à remplir la salle. Une fois de plus, je constate. Dans l’ensemble, je crois deviner que la majorité de ces gens sont des nostalgiques qui reviennent vivre un peu de leur jeunesse. Il y a bien sûr les plus jeunes, qui comme moi, sont venus là pour capturer, l’espace de quelques heures, l’esprit d’une époque qu’ils n’ont (hélas) pas connu. Je suis aussi frappée par quelque chose : Genesis, ou le prog en général, c’est vraiment une musique pour les garçons. Rares sont les demoiselles qui ont osé venir s’aventurer ici, ou alors, ce doit être pour accompagner leur cher et tendre progueux. Encore plus fort, le nombre de mecs venus seuls, à deux ou en meute... Chouette, une soirée testostérone !
À 20h, les lumières s’éteignent et un présentateur vient annoncer la première partie. The Watch, un groupe d’aujourd’hui, héritier du Genesis d’hier. Cinq morceaux, trois quarts d’heures... Et la nette impression que les héritiers en question n’ont pas vraiment réussi à se décoller de leurs illustres influences. On n’est jamais tendre avec les premières parties (quoique ce groupe est très bien accueilli par le public qui l’ovationne à la fin de chaque morceau) et je ne déroge pas, méchante que je suis, à cette règle. Je bloque un moment sur le bassiste, semblant tout droit sortir des 70’s avec ses longs et soyeux cheveux et son joli pattes d’éph’ rouge... J’essaye de m’intéresser au maximum à leur musique, mais je trouve ça un peu maladroit et tellement pompé sur certains plans de Genesis que je fini par sombrer dans un espèce de coma, les yeux ouverts, mais le cerveau en balade... Je ne dois pas être une vraie progueuse, car mon voisin (le fan de Yes), lui, il trouve ça plutôt bien et un homme devant moi, regarde son pote, lève son pouce et hoche la tête : « Ils sont biens hein ? ».
Oué, oué...
Une fois ces sympathiques garçons partis, les roadies viennent tout démonter sur scène et préparent le plateau pour The Musical Box. Pendant environ un quart d’heure, les placeuses courent dans tous les sens pour venir chercher les gens encore plus dans le fond que nous pour les déplacer à de meilleurs places (l’Olympia n’est pas complètement rempli apparemment). Mon barbu et moi, avec la rapidité et l’agilité de la limace sous Prozac, nous nous manifestons trop tard quand l’une d’entre elle vient dire : « J’ai quelques sièges, très bien placés, encore libres ! Qui les veut ? ». Nous allons donc rester au fond, mais au final, je trouve ça pas mal, car rien de mieux pour avoir une vue d’ensemble et ajouter encore plus de confusion entre TMB et Genesis. Par contre, niveau photos (et c’est pour ça que cet article en manque cruellement), impossible d’en faire une de potable, sans oublier qu’un service de sécurité ultra efficace et motivé est à l’affût du moindre écran numérique. Au final, dans un moment de panique, mon barbu va réussir à en prendre une. Et floue... Tant pis pour les souvenirs visuels, on n’a plus le choix, va falloir s’ancrer la soirée bien profond dans la cervelle...
21h. Le groupe monte sur scène. Dans le noir. Et là, tout ce que l’on voit, ce sont deux yeux phosphorescents qui toisent l’audience. Le claviériste (David Myers ), fait retentir son orgue et pose une nappe, grave, obsédante et oppressante, tandis que les deux yeux semblent scanner toute la salle. C’est ‘achement impressionnant...
Voici donc Watcher Of The Skies qui débute et quand la batterie de Martin Levac se fait entendre, c’est l’ovation générale. Et moi je râle (c’est bien d’être content et enthousiaste, mais ça fait chier quand tout le public s’excite pour une note et bouffe plusieurs secondes d’un morceau, on a l’impression de rater plein de trucs). La lumière monte peu à peu et devant mes yeux (qui ne brillent pas, eux) ébahis, apparaît le chanteur (Denis Gagné) qui a le haut du crâne tondu, comme le Gab’ à cette époque et je me dis que dans la rue, ça ne doit pas être pratique pour passer inaperçu (quoiqu’en hiver, hop, un bonnet et le tour est joué !). Il est habillé d’une combinaison noire qui tranche singulièrement avec les costumes blancs de ses partenaires et collègues. Sa tête est entourée d’un improbable couvre chef qui imite des ailes de chauve-souris et il porte, par dessus sa combi, une cape (qu’il va déployer à maintes reprises, laissant voir un dos multicolore du plus bel effet)... Et là, je revois exactement ce que j’ai vu sur les vidéos d’époque. Chaque geste, chaque pas, chaque mouvement est identique à l’original. Et là où c’est fort, c’est que ça semble naturel, pas robotique (moi je fais ça pendant 14 ans, je me tire une balle !) et qu’à aucun moment les musiciens n’ont l’air de se faire chier. Huuuuum ! Ça commence bien.
Et je retrouve mon impression première : c’est inquiétant. Ce morceau est de toute manière en lui même inquiétant, mais la scénographie et les effets dramatiques mis en œuvre par le chanteur ont quand même une toute autre ampleur en live et je me dis qu’en 1973, ça devait produire une sacrée impression (je vais pas faire ma blasée, même en 2007 on ressent toujours beaucoup de choses en voyant ça, mais c’est certainement moins fort).
J’avais déjà été bluffée en 2005, mais là, quand même, il faut saluer bien bas la prestation vocale du chanteur qui imite à la perfection le timbre, l’accent et les intonations de Peter Gabriel. Les musiciens sont eux mêmes absolument extraordinaires. Car on a beau dire, Genesis faisait une musique plutôt... euh... compliquée et technique. Et pour l’instant, pas un pain, pas une fausse note. Et l’étrange impression qu’il flotte quelque chose de surnaturel dans l’air. À l’arrière de la scène sont projetées les diapos d’époque. Ça aussi ça en en jette... Mais je me dois de rester objective. Je n’ai devant moi qu’un groupe tribute (absolument incroyable) et pas l’original ressuscité. N’empêche que je me sens déjà un peu ailleurs. Et ça ne fait que démarrer...
Pour faire comme à l’époque (ben oui, c’est le but quand même !), quasiment chaque morceau démarre par un accordage de trois minutes. Pling pling pling fait la guitare... Broooooooooom fait l’orgue (ce qui fait dire à un spectateur : « Ouah, c’est beau ! »). Ambiance décontractée donc...Changeant de costume à une vitesse éclair, Denis Gagné arrive devant son micro, coiffé d’un casque et habillé d’un plastron représentant le drapeau anglais. Après un salut (à la manière du Gab’) et un « Merci ! », il commence à parler (en français). Choc : même quand il cause, c’est pareil que l’original. Même voix grave, mêmes mots, tout pareil ! L’espace-temps commence à flancher autour de moi...
Déclamant son texte, le chanteur nous raconte l’histoire de Britannia. Avec beaucoup d’humour en plus et annonce : « Voici “Dansons avec les chevaliers de la lune” » (Dancing With The Moonlit Knight). Ovation générale. Je suis heureuse, c’est l’un de mes morceaux préférés. Le début a cappella me fait dresser les poils sur les bras (car oui, j’ai le poil érectile). Et là, c’est fête dans ma petite tête : ohlala cette voix ! ohlala cette musique ! ohlala le mellotron (parce que c’est beau le mellotron) ! ohlala la flûte traversière ! Et j’ai beau me répéter : « Reste objective ma grande ! », je commence à avoir la furieuse envie de hurler « Ouéééé ! Vas-y Peter ! »... Argh ! Je suis piégée.
Le bassiste-guitariste (Sébastien Lamothe) doit, à l’instar de Rutherford, se battre entre sa basse-guitare (c’est-à-dire, une guitare et une basse en un, deux manches soit un instrument tout chelou) et la douze cordes. Heureusement qu’un roadie est toujours là, prêt à bondir pour lui pousser le tabouret sous les fesses, retirer sa sangle et préparer l’instrument suivant. Et le tout sans que ça cafouille. Balèze...
J’en profite pour remarquer que le bassiste est, avec le claviériste, la grand force musicale du groupe. D’ailleurs ces deux là jouent de plusieurs instruments comme ça, finger in ze nose, tandis que Steve Hackett (« interprété » par François Gagnon) n’a apparemment pas un si grand rôle que ça à jouer. Et puis surtout, parlons de ce batteur là derrière, qui non content de ressembler incroyablement à Phil Collins (même calvitie, même bouille !), nous démontre bien que le Philou en question était un très très bon batteur et qu’il est bien dommage qu’il se soit fourvoyé en chemin...
Fin du morceau. Ovation (ça va être comme ça tout au long de la soirée). Denis revient devant son micro. Explication de ce qui va suivre. Toujours pareil, je crois entendre Peter. Mais non, ce n’est pas lui. Je resterai objective coûte que coûte... Avec ce que nous raconte le chanteur, je me rend quand même compte que Gabriel devait être sacrément dérangé. Son éducation dans une prestigieuse école lui aurait-elle donné l’envie d’explorer un monde inconscient et imaginaire étrange pour mieux pouvoir s’évader ? Quoiqu’il en soit, le morceau est introduit sur une histoire de cannibalisme (Roméo qui mange une fille), de priapisme aigu (et ça lui file un « désir sexouel ») et d’enlèvement (Roméo tout chamboulé, poussant des grognements étranges, va voir Juliette et l’emmène dans une salle de cinéma)... En somme, The Cinema Show. Que je n’ai jamais eu la chance de voir sur une vidéo pirate. C’est donc pour moi une grande nouveauté. Et c’est bien. C’est d’ailleurs ce morceau qui me sera fatal... Mais pas tout de suite, pour l’instant, tandis que tout est calme et que la chanson démarre, j’essaye juste de me rappeler des paroles qui m’échappent. Puis arrive un passage instrumental et là, c’est l’effet « scoubidou » (regardez Wayne’s World vous comprendrez). C’est à ce moment que s’est déclenchée une boule à facettes qui a plongé soudain la salle dans une ambiance extrêmement curieuse. Et tandis que la lumière tournait, tournait, tournait encore et cachait presque le groupe, j’ai quitté 2007, je suis enfin rentrée de plein pied dans l’univers de The Musical Box et je me suis retrouvée en 1973. Dit comme ça, c’est bizarre, je vous l’accorde. Mais après tout, le but est là, reproduire à l’identique un show, une musique, une ambiance, une époque. Pourquoi bouder son plaisir ? Pourquoi ne pas s’imaginer que oui, on y est ? Pourquoi vouloir rester objective à tout prix et ne pas profiter d’un show qui est ouvertement tourné vers le passé ? Pourquoi ne pas laissé ses pulsions nostalgiques et passéistes prendre le dessus ?
Vers la fin du morceau, Pete...Denis Gagné et Stev... (ah non merdeuh !) Stéphane Gagnon quittent la scène pour laisser le bassiste (qui joue de la guitare, tandis qu’il fait de la basse avec une pédale basse), le batteur et le claviériste tous les trois sur scène dans un final instrumental puissant et efficace. And Then, They Were Three (c’est triste, mais j’ai une tendance maladive à tout interpréter) ! À noter d’ailleurs que plutôt que de rester planter là à tapoter son tambourin dans le vide (quand il ne le maltraite pas violemment), le chanteur quitte la scène dès qu’il n’a plus rien à y faire et laisse les musiciens gérer tout seuls. Et finalement, c’est bien de voir ça. Car de cette époque de Genesis, on a surtout retenu les prestations scéniques de Peter Gabriel et il semblerait presque que le rôle de Hackett, Rutherford, Banks et Collins ait été pour le moins diminué. C’est beau, The Musical Box permet aussi de rétablir l’équilibre (non, mais sérieusement, sans ces instrumentistes de talent, vous croyez vraiment que Gabriel aurait pu aller aussi loin ?).
Le groupe se retrouve au complet et le chanteur porte cette fois-ci un drôle de chapeau-cloche (à pointe !) et met un brin de blé dans sa bouche. Ça, je connais, c’est I Know What I Like (In Your Wardrobe) et je tire mon chapeau (que je n’ai pas) à cette imitation concluante du tondeur de pelouse... Bon, c’est le hit du groupe (eux-mêmes appelaient cette chanson « le tube » quand ils l’enregistraient à l’époque) et ça se voit bien : dans la salle, toutes les têtes remuent en rythme et la dame devant moi, qui jusqu’à présent n’avait rien dit ou fait, se met à chanter (faux)... Je suis snob, je passe (mais je fais du play-back quand même, à ce stade là, j’ai perdu toute objectivité). En fait non, je ne passe pas vraiment, j’essaye de mémoriser les petits pas de danse, histoire de les ressortir un jour. On ne sait jamais...
Alors que commence l’accordage (de trois minutes toujours) pour le morceau suivant, il se passe quelque chose. Le bassiste (qui tourne le dos qu public pour s’accorder) et le chanteur sont pris d’un fou rire, nous ne savons même pas pourquoi, mais ça fait marrer toute la salle qui ovationne de plus belle. En essayant de se ressaisir, Denis Gagné lâche une phrase (en anglais) du genre : « Bon, on retourne à l’ancien Genesis »... Le groupe tribute vient de refaire son apparition et nous rappelle soudain que nous nageons depuis un bon bout de temps dans l’illusion. Les esprits se calment et nous avons droit à cette histoire (retranscription avec l’accent, ça met direct dans l’ambiance !) : « Aujourd’hui quand nous avons voyagé... hem... Nous avons beaucoup de soif (petit bruit de bouche qui évoque le beaucoup de soif) et nous nous rappelons que le cadavrrre humain (oui, cadavre avec trois “r”) est plein de l’eau. Nous prenons des cadavres humains et... hem... après les étendu pour que...(*silence*)... sauter au dessus (bruits de bouche qui évoquent le sauter au dessus) pour produire de l’eau. Nous avons bu tout de l’eau... et le cinquième de l’eau du cinquième est sale, très sale... et la bouche, la place de la bouche et c’est dans le cinquième bouche... Or the firth of the fifth... Nous commençons... ». Personne n’a rien compris, mais ovation (encore et toujours) quand même. Et là, j’admire le claviériste qui est définitivement talentueux, parce que ce qu’il joue, ça a quand même l’air très compliqué. Bon je ne suis pas non plus musicienne, je suis forcément impressionnée quand quelqu’un joue du piano vite. La chanson est déjà belle sur l’album, et une fois de plus, l’interprétation live de The Musical Box est plus que convaincante. Mais je ne peux en dire plus. Je suis tellement dans mon monde que je n’arrive plus très bien à analyser ce qui se passe. Une seule chose commence à me perturber : le son. Il semblerait que la salle de l’Olympia réserve de mauvaises surprises aux gens installés au balcon, trop d’aigus qui commencent à nous vriller le crâne à mon barbu et moi. Et c’est d’autant plus flagrant quand Steve... (ah bordel !) Stéphane Gagnon commence son solo de guitare. À partir de ce moment, cela n’a d’ailleurs fait qu’à s’empirer et j’ai pour la première (ou seconde) fois, de ma vie de spectatrice, regretté de ne pas avoir de protections pour les oreilles... Dommage, car ça commence un peu à gâcher mon plaisir.
Je ne me laisse pourtant pas décourager. Quand la chanson suivante est annoncée et que le chanteur parle de jeu de croquet, de la petite Cynthia qui décapite son cousin Henry et de boîte à musique, je sais que nous arrivons à un moment fort du show. The Musical Box est sans conteste l’une des chansons les plus bizarres jamais écrites. Et l’interprétation de Peter Gabriel l’était tout autant, si ce n’est plus... Imaginez un peu : cette chanson parle d’un enfant mort, que l’on rejette du paradis et qui revient en tant que spectre dans une boîte à musique. Quand sa cousine Cynthia ouvre cette boîte, le fantôme en sort et se met à vieillir, jusqu’à devenir un vieillard lubrique. On pourrait tout simplement interpréter ce genre de chose avec détachement, l’air le plus détendu du monde, mais non ! Peter Gabriel a eu l’idée de chanter le début normalement (quoiqu’avec force mimes), de disparaître dans un passage instrumental et de revenir, métamorphosé par un masque de vieux. Et là, je peux assurer que c’est tout simplement flippant. Les gestes obscènes de ce vieux pervers sont à vous glacer d’horreur, même sa voix est transformée, le personnage vit, l’interprète a disparu. Imaginez maintenant que 34 ans après, vous vous retrouvez face à cette image surgie du passé. Le spectre du spectre en somme. Fascinant et perturbant...
Comme ils sont plutôt sympas, ils me permettent de souffler et de me remettre de mes émotions en jouant deux morceaux assez courts et très peu connus. Encore plus fort, dans les tournées originelles de Genesis, c’était l’un OU l’autre, pas les deux. C’est donc un cadeau bonus que nous avons ce soir.
Tout d’abord, le guitariste qui représente Steve Hackett se retrouve seul sur scène et a droit à son moment de gloire en jouant Horizons, petite pièce musicale inspirée de Bach, qui montre le talent indéniable du guitariste, c’est difficile, mais il n’y a pas une seule fausse note (de toute manière, il y en a eu très peu tout au long de la soirée). Puis une fois que cela s’arrête, c’est au tour du bassiste et du batteur de revenir sur scène. Ce dernier a mis une veste par dessus sa salopette, pour faire classe nous dit-il. Et à peine a-t-il ouvert la bouche que la salle se met à rugir. Mon voisin crie pour son pote : « Ooooh ! Wouaaaah ! T’entend ça ? ». Les raisons d’un tel bordel ? Le batteur, non content d’être une sorte de sosie de Phil Collins, a également la même voix quand il parle. C’est à s’y méprendre. Je ne raconte même pas l’émoi général, quand, comme à l’instar de son modèle, le p’tit gars, les mains dans les poches, vient chanter More Fool Me (marrant de voir que les chansons d’amour un peu craignos étaient déjà laissées à Philou). C’est rageant de penser au batteur original quand on voit son « double » : il chante bien, il tape bien, il est plein d’énergie et d’humour et je demande ce qui a bien pu se passer pour que ça parte en vrille comme ça. J’en suis presque navrée tant ce soir, j’ai la démonstration en direct live que Collins était vraiment un grand (mais petit) musicien essentiel pour le groupe, comme l’était sans conteste Rutherford... Dont le sosie assure en plus les double voix avec brio (avec qui ?). Re-re-re-re-ovation du public, ça vire limite à la folie et tout le monde y va de son commentaire sur ce qu’ils viennent de voir et surtout d’entendre (« C’est fou, c’est pareil ! ». Hé ! Les gens ! Depuis le début c’est pareil !)
Après le calme, la tempête ? C’est maintenant The Battle Of Epping Forest. Après le masque du vieil homme, c’est avec un collant enfilé sur le crâne et sur un rythme militaire que réapparaît le chanteur qui marche au pas. Tous comme pour The Cinema Show, je découvre ce morceau en live et j’apprécie pas mal les changements éclairs de costume (c’est fou comme un chapeau haut de forme, un gilet et une cravate changent tout en moins de 30 secondes !) ainsi que la projection d’une diapo montrant le vrai Peter Gabriel avec son collant sur la tête. Ce qui me fait de nouveau réaliser que j’ai seulement des clones devant moi et pas les vrais. Bah tant pis, je me suis fait avoir de toute manière... Je note une fois de plus la violence latente du Genesis des origines : ça parle de baston, ça mime des coups de barre à mine ou de couteau, sans oublier la violence bien réelle du son qui est de plus en plus agressif. Arrive même un moment où je ne comprend plus rien à ce que raconte le chanteur tellement ça sature et je décroche. Mon barbu me dit à l’oreille qu’il n’en peut plus et qu’il commence à sérieusement avoir mal au crâne. Super...
Soudain, mon cerveau envoie un signal et je me souviens de la set-list dans le programme qu’on nous a donné à l’entrée. Je le sais, je l’attend depuis deux ans maintenant, j’en ai rêvé, je vais le voir, enfin. À un morceau épique succède un autre morceau épique de Genesis. Mais attention ! Pas n’importe lequel ! Le clou du spectacle ! La merveille des merveilles ! Mon morceau préféré, le plus barré, le plus fou, le plus incroyable (vous étiez prévenus, là, je n’ai plus aucune trace d’objectivité dans mon organisme)... J’ai tellement visionné les live de 1973, et surtout ce morceau là, que j’en connais chaque seconde. Je sais quand le chanteur va changer de masque, quel mouvement il va faire, je connais tout, mais je m’en fous...
Pour l’introduction, le chanteur raconte donc cette petit histoire que je connais bien, celle de Michael qui va dans le parc, se déshabille et commence à se frotter contre l’herbe humide tout en chantant un petit air qui fait comme ça... Et là silence. Denis/Peter se retourne vers le batteur, dont il attend visiblement quelque chose, mais ce dernier regarde ailleurs. Il l’appelle doucement : « Phil ? ». Réponse de l’intéressé : (au chanteur) « Oh ! Désolé mec ! Vraiment désolé... » (puis au public) « Scusez moi, je faisais pas gaffe à ce que ce type disait ! ». Explosion de rire générale, sur le coup, j’ai vraiment cru que c’était improvisé (mais après quelques recherches, il s’avère que l’on peut entendre cette blagounette sur l’un des CD du coffret Archive 67-75). Une fois les choses remises en ordre, le batteur commence à tapoter un rythme sur ses fûts, tandis que le chanteur sifflote. Suite de l’histoire : ce petit air interpelle les vers qui sont dans le sol et qui croient que c’est la pluie. Or, la pluie signifie deux choses pour les vers : se laver et faire l’amour. Si bien qu’en quelques instants le sol est couvert d’une masse marron et grouillante. Ce qui attire les oiseaux, car pour eux, le dîner est servi (Oué ! Génial ! Un jeu de mot avec Supper’s Ready !).
Et là, je m’en suis pris plein les yeux et les tympans (j’ai du vérifier une bonne vingtaine de fois s’ils ne saignaient pas). Plus de vingt minutes intenses, violentes, parfois tristes, parfois drôles mais jamais lassantes (on ne se lasse jamais de ce qu’on aime) ! Rien que le début avec trois guitares acoustiques a suffi à provoquer une érection instantanée et durable de mes poils et tout est passé à une vitesse incroyable. Jusqu’au moment où, plongé dans le noir, le chanteur s’est apparemment débattu avec son masque de fleur. Partout dans le public, visiblement aussi impatient que moi, on entend des « A flower ? ». Quand la lumière revient, Peter/Denis ressemble à une grosse pâquerette, il regarde le public et avec un sourire malicieux dit « Une fleur ? ». Ah ! Retour de l’interprète l’espace d’un instant... Puis arrive la montée en puissance. Voici le début de la partie appelée Apocalypse In 9/8 avec son rythme implacable (et chelou) qui fout une pression pas possible et là, c’est purement et simplement énorme. Den...Peter chante et sa voix est doublée d’un écho qui lui donne une telle ampleur que je suis scotchée au fond de mon siège. En vidéo c’était bien. En vrai c’est incroyable... Puis, le chanteur s’éclipse en coulisses et les musiciens restent là, créant une atmosphère quasi-hypnotique, la lumière vire au rouge sang et ajoute une dimension supplémentaire d’horreur à l’ensemble. Au bout de quelques minutes, à l’arrière de la scène, apparaît une silhouette, son visage est caché par un étrange casque carré rouge qui laisse juste apparaître ces deux mêmes yeux phosphorescents qui m’ont fait flipper au début du concert, le corps est recouvert d’une épaisse cape noire. La chose bouge et semble se débattre dans les stroboscopes qui me lacèrent la rétine, je ferme les yeux et les basses résonnent dans ma poitrine (tandis que les aigus sont de plus en plus insupportables). Ah les salauds ! Ils vont vraiment réussir à me faire sortir de là sur les rotules... Puis « la créature » hurle : « 666 is no longer alone... ». Si l’Apocalypse ressemble vraiment à ça, ça ne me déplairait pas d’y assister (ben oué, Pythagore qui écrit les paroles d’une nouvelle chanson avec du sang, ça doit être quelque chose)... Puis tout s’apaise et le noir retombe sur la salle. « And it’s... » FLASH ! ! ! Dans une explosion pyrotechnique blanche (et aveuglante, c’est le moins qu’on puisse dire), le chanteur tombe la cape et surgit, tout de blanc vêtu (l’ange Gabriel, ‘voyez ?). Wow ! Alors là, c’est du final qui tue et tandis qu’il fini de chanter ses drôles d’histoire d’élus, de Nouvelle Jérusalem et tout le bordel, moi je ne vois plus que deux traînées noires partout où je regarde. Ils ont vraiment réussi à m’assassiner les rétines les vilains, mais comment leur en vouloir, c’est tellement bon ! Plus de vingt minutes passées en ce qui m’en a semblé cinq, parties en fumée, c’est le cas de le dire. Puis le chanteur attrape un néon tandis que les éclairages baissent tout doucement et la lumière noire du tube fait briller son vêtement blanc ainsi que ses yeux. Image complètement surnaturelle s’il en est. Jusqu’au noir complet. Le groupe nous remercie et quitte la scène.
Ah mais non les gars ! Nous on en veut encore, faudrait voir à pas nous laisser comme ça ! Comme ils sont plutôt sympas, ils reviennent pour l’unique rappel de la soirée (mais quel rappel !) et sont bien obligés de sortir la grosse artillerie pour pouvoir assurer après ce Supper’s Ready complètement dingue. Pour la peine, nous allons avoir droit à The Knife, bien tranchant, bien saignant, la scène toujours plongée dans une couleur rouge de circonstance. Puis re-stromboscopes, re-déchirage de mes yeux et de mes tympans. C’est là que le barbu sort enfin son appareil et vole l’unique photo de la soirée. Comme à mon habitude, c’est toujours à la fin d’un concert que je suis le plus à fond dedans et avec cette chanson, c’est vraiment le coup de grâce, je commence presque à avoir de l’écume au coin des lèvres... Et quand tout s’est arrêté, nous avons de nouveau eu droit à un merci, un salut, puis dans une violence sans nom, les lumières de la salle se sont rallumées (achevant ainsi mes pauvres petits yeux) et l’ingé-son nous a collé un morceau immonde de variété française bien pourrie. Pour une fois, les acouphènes m’ont semblé très agréables, je dois l’admettre. En trente secondes, je suis revenue à la réalité, je suis retournée en 2007 et j’ai récupéré tout mon esprit critique. C’est dur la réalité... En sortant, à voir les regards de tous mes petits progueux, j’ai compris qu’eux aussi s’étaient pris une sacrée claque. Le plus triste dans l’histoire, c’est que ce sera certainement la dernière que nous nous prendrons tous grâce à The Musical Box, qui a annoncé que cette tournée européenne serait la dernière. Après, ce sera fini pour de bon... Ben putain ! Heureusement que cette fois-ci, j’ai accepté l’invitation du barbu !
Ce que j’ai tiré comme conclusion de tout ça ? Qu’ils ont raison de s’arrêter... Après 14 ans à imiter d’autres personnes, à faire comme eux, à être eux (trois fois plus longtemps qu’a tenu Peter Gabriel en son temps ! ), on doit sincèrement être crevé et blasé. The Musical Box est allé peut-être plus loin que n’importe quel groupe tribute, mais toujours avec passion, respect et un talent que l’on ne peut réfuter. On est bien sûr en droit de se poser la question quant à l’intérêt profond d’une telle démarche et tout ce qu’elle implique. Il y a quelque chose d’inquiétant à complètement s’effacer pour endosser littéralement la peau de quelqu’un d’autre et encore pire, quelqu’un qui n’est ni fictif, ni mort... Combien de temps ont pu passer ces types à écouter, à travailler, à se transformer ? Soir après soir, se faire appeler par des prénoms qui ne sont pas les leurs, il y a de quoi péter un plomb non ?
Mais voilà, j’aime à imaginer ces interprètes (on ne peut pas vraiment parler d’artistes puisqu’il n’y a pas de création de leur part) comme de grands gosses qui ont réalisé leurs rêves les plus fous. À commencer par jouer avec leurs idoles ou tout simplement les rencontrer. Ces gens (et j’en suis jalouse) ont eu accès à des archives et à des documents dont tous les fans de Genesis rêvent. Ils ont donné du bonheur à des milliers de personnes à travers le monde, des milliers de personnes qui grâce à eux ont vécu un rêve du bout des yeux. La nostalgie n’est pas forcément une bonne chose, mais plutôt que de voir là un simple passéisme mal placé et ridicule, ne pouvons-nous pas juste dire que The Musical Box a fait quelque chose de plus fort : transmettre et perpétuer une mémoire et la rendre plus vivante, plus que n’importe quel DVD ou simple témoignage ? Il faut du courage pour se lancer dans ce genre d’aventure. Il faut surtout beaucoup de courage pour redonner vie aux fantômes du passé et affronter les critiques (qui doivent être nombreuses).
Alors, j’ai beau dire qu’ils ont raison de s’arrêter, j’ai l’égoïste pensée que si jamais l’envie leur prend un jour de remettre ça, ils peuvent être assurés que moi, je serai là...
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