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The Boy Who Lived and Died in Vain

The Boy Who Lived and Died in Vain

Ali Whitton & the Broke Record Players

par Béatrice le 8 février 2010

3,5

Paru le 27 novembre 2009 (AMV Music)

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Ali Whitton, jeune songwriter britannique de son état, a un talent marqué pour les titres d’album exagérément dépressifs ; un peu moins de deux ans après un premier effort bien trop modestement intitulé A Failed Attempt at Something Worth Saying (où le « failed » était tout ce qu’il y a de plus déplacé et inapproprié, ce qui est plutôt une bonne chose), le voilà qui surenchérit d’un The Boy Who Lived And Died In Vain. On ne sait pas si ce garçon est censé avoir quelque lien que ce soit avec lui, mais ce n’est guère plus réjouissant. C’est même plutôt pire.

Heureusement (et à supposer que le titre se veuille une façon détournée de se qualifier lui-même, bien qu’il ne soit pas encore mort), encore une fois, le titre est trompeur, et rien dans l’album ne justifie de pousser l’humilité aussi loin. Et puis d’abord, Ali Whitton n’est pas mort. Il a cependant le mérite d’annoncer la couleur, tout en l’assombrissant un peu : le terrain privilégié d’Ali Whitton, c’est le folk dépressif, nourri à la verve mélancolique de l’americana. Confessions écorchées par des riffs déchirants, complaintes d’amoureux éconduit se confiant à sa vieille guitare en bois, refrains qui retiennent leur larmes, et impitoyables règlements de compte avec soi-même, ses démons et ses amours perdues sont donc bien au rendez-vous – et on n’en attendait pas moins, vue la teneur de son album précédent.

En se fondant sur ses chansons, on pourrait facilement imaginer Ali Whitton en troubadour désabusé, jeune paumé sur les routes de l’existence, désarçonné par ses méandres et sa solitude. Mais l’image qui transparaît de lui à travers ses chansons n’est que partiellement juste, voire franchement distordue, car le vrai Ali Whitton est plutôt du genre battant et débordant d’énergie. Très loin de baisser les bras au premier obstacle, il a enregistré, sorti et diffusé tant bien que mal son premier album par ses propres moyens, s’arrangeant dans la foulée pour donner quelques concerts en dehors d’Angleterre – d’abord Paris, puis la Scandinavie, New York, et même San Francisco. Il a continué à écrire des chansons, mettant quelques démos à disposition sur son site histoire d’avoir un semblant de retour sur l’évolution de son travail. Une fois celles-ci suffisamment mûries, il s’est lancé dans la réalisation d’un deuxième album, en appelant aux pré-commandes pour le financement... et il a enregistré, achevé et diffusé ce deuxième album, qui a fini par atterrir dans une chaine hi-fi à portée d’oreille de la rédaction d’Inside Rock.

Toujours est-il que ce second effort est dans la droite lignée du précédent. Bien qu’un peu plus rebelle et électrifié, et avec une tendance à s’en prendre un peu plus aux autres qu’à lui-même, ce n’est pas un album de bonnes nouvelles. A croire qu’Ali évacue ses angoisses, ses doutes et ses remords dans sa musique pour pouvoir avancer librement, délesté de l’inertie imposée par leur poids. D’ailleurs, malgré la noirceur indéniable des propos et l’agressivité désespérée des mélodies et des lignes de chant, le disque est aussi débordant d’énergie que son auteur, et incite plus à s’extraire de sa torpeur et à avancer qu’à rester prostré dans les volutes du spleen. Alors que dans le précédent, les mélodies cajoleuses étaient entrecoupées de crescendo rageurs, ce sont ici les déferlements guitaristiques et les glapissements sans concessions qui dominent et marquent le plus, laissant un temps place à des oasis de calme. Des chœurs apaisés et un violon baladeurs viennent tempérer l’ensemble, ramenant sur terre notre Ali qui s’envole parfois plus haut que ses chansons.

Un tantinet plus inégal que son prédécesseur – peut-être parce que plus incisif, brusque et impulsif, l’histoire de notre garçon ayant vécu en vain est ponctuée de morceaux de bravoure et d’instant de grâce, du Birth of Tragedy qui s’essaye à la lecture de Nietzches pour finalement en conclure que c’est trop intelligent pour parvenir à expliquer quoique ce soit d’utile au naïf Tripped, en passant par le paisible Ghost Train et le vindicatif Songs That Are Unkind. En dépit de quelques écarts vers le milieu de l’album, Ali Whitton se confirme par cet essai en troubadour de la mélancolie moderne, pas prétentieux pour deux sous, et déballant ses émotions sans jamais sombrer dans l’emphase ni l’excès de pathos. Ce qui fait que, partant d’une ouverture qui voit débarquer les « chiens noirs » de Churchill (qui qualifiait ainsi ses accès de dépression) pour aboutir à une conclusion caressante et (relativement) apaisée, Ali nous offre une collection de morceaux de malaises existentiels, d’invectives à se prendre en main et de confessions neurasthéniques qui ne veut être que ce qu’elle est, et y arrive très bien. Les quelques essais d’électrification par le blues et d’intensifications sonores viennent par contre confirmer qu’Ali n’excelle jamais tant que quand il est seul en face de sa guitare sèche, à peine soutenu par quelques chœurs, une ligne de basse et un violon scandant les refrains.

L’album d’Ali Whitton est disponible sur iTunes, sur son site et, pour les Parisiens, chez Gibert Musique (boulevard Saint Michel).



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Tracklisting :
 
1. Black Dog (3’53’’)
2. Somebody to Steady the Load (4’13’’)
3. Ali Whitton’s Dream (3’42’’)
4. Life and Love and Helplessness (3’00)
5. The Boy Who Lived and Died in Vain (3’32)
6. The Birth of Tragedy (2’35’’)
7. Skeletons (2’46’’)
8. Ghost Train (4’19’’)
9. Pieces of Hell Blues (3’20’’)
10. Folklore Heroin (4’06’’)
11. Songs that are Unkind (3’06’’)
12. Tripped (4’05’’)
13. Baby Blue (2’28’’)
14. Ain’t That Who You Are ? (3’24’’)
 
Durée totale : 48’24’’