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mercredi 15 avril 2015
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par Our Kid le 31 janvier 2006
L’Histoire se souvient de Pink Floyd ou de Soft Machine, ces groupes qui ont éclos durant l’année fleurie 1967. Mais l’Histoire a aussi la mémoire courte car Tomorrow a été injustement écarté de la course à l’inconscient collectif. Espérons que cet oubli sera réparé, et ce, dès demain.
Quoi de plus naturel que de parler de Tomorrow en évoquant Keith Alan Hopkins, qui naît le 6 décembre 1943 à Dagenham, dans l’Essex ? On ne dispose toutefois que de très peu de renseignements sur son enfance et son adolescence, du moins jusqu’à temps qu’il intègre une formation musicale The Teenbeats, dont il est le bassiste et le chanteur, une expérience sans suite cependant. Ce constat s’applique également pour ses futurs compagnons de l’aventure Tomorrow. Stephen James Howe, originaire de Holloway dans la banlieue londonienne voit le jour, quant à lui, le 8 avril 1947. On sait qu’il a pratiquement toujours joué de la guitare depuis l’âge de 12 ans découvrant l’instrument avec Django Reinhardt, Chet Atkins ou encore le duo Les Paul et Mary Ford. Et ce n’est pas étonnant de le retrouver dans un groupe comme The Syndicats dès 1963 où il s’adonne aux reprises de Chuck Berry comme aux standards du R&B, faisant preuve de ses qualités sur scène comme sur disque puisque The Syndicats eut l’occasion de réaliser trois singles produits par le légendaire Joe Meek. Mais le succès plus que confidentiel des morceaux du groupe conduit en 1965 Steve à aller voir ailleurs.
À la même époque, un guitariste du nom de John Wood officie déjà depuis quelques temps dans une formation R&B, elle aussi, les Four + One. Le groupe est plutôt bon mais ne dispose pas de chanteur suffisamment confirmé pour monter sur scène. Pas abattus pour autant, les membres font paraître une annonce dans les colonnes du Melody Maker, dans l’espoir de pouvoir avancer. Se présente alors aux musiciens Keith Hopkins qui leur fait suffisamment d’effet pour être engagé. Signés chez EMI, via le label Parlophone, Four + One, devenu un quintette, publie à la fin 1964 un single dont les deux faces sont déjà parues sur des disques des Rolling Stones, Time Is On My Side/Don’t Lie To Me, preuve de l’influence de la formation de Dartford sur les groupes émergents. Le single fut un véritable fiasco et le groupe décida de fait de changer à la fois son nom et son style. Dorénavant, ils s’appellent The In Crowd - en référence à une chanson de Dobie Gray, artiste de la scène mod naissante - et s’orientent vers une musique plus soul et notamment celle de la firme Tamla Motown de Detroit qui enchaîne les tubes Outre-Atlantique. Sous cette appellation, ils enregistrent une version d’Otis Redding, That’s How Strong My Love Is qui offre enfin aux musiciens un classement dans les charts, le disque atteignant la 48ème position.
Au moment où le second simple des In Crowd paraît, Stop, Wait A Minute, qui ne put entrer dans le classement, le guitariste Les Jones et le bassiste Simon Alcot - ce dernier se voyant arrêté et jeté en prison - annoncent tous deux leur départ du groupe. C’est ainsi qu’est engagé le jeune Steve Howe, à la recherche d’un orchestre où il peut exercer ses talents. Cette arrivée nécessita que John Wood troqua sa guitare pour la basse, ce qu’il fit sans le moindre regret. The In Crowd était redevenu un quatuor mais avait trouvé dans Howe un élément qui leur permettait d’entrevoir un avenir radieux, même si le dernier single paru en novembre 1965, Why Must They Criticise ne réussit pas, lui aussi, à s’imposer dans les charts. Pourtant sur scène, la formation était plus que séduisante : John faisait souvent son numéro sur le devant de la scène, ce qui entraînait une vague de cris de la part du public féminin , de plus en plus nombreux. Hopkins n’était pas en reste et avec son ironie s’instaurait le jeu de ramener le plus de filles à la fin des concerts... Le groupe passait alors la plupart de son temps à répéter dans les caves du sud de Londres, des séances qui se passaient bien car le groupe était confiant pour son avenir mais qui ne satisfaisaient pas totalement le chanteur Hopkins, ce dernier demandant aux musiciens des morceaux plus originaux, car il semblait lassé d’être cantonné au registre R&B et soul, de chanter en permanence Wilson Pickett ou Otis Redding. Les musiciens acceptèrent sa demande et commencèrent à improviser de plus en plus sur scène, à suivre les orientations que les Beatles avaient prises depuis quelques mois déjà. À la fin de cette année 1965, EMI fit une requête plus qu’incongrue au groupe : la maison de disque trouvant que le nom du chanteur sonnait trop « classe moyenne », elle suggéra vivement qu’Hopkins change son nom. N’ayant pas d’autres choix, la voix des In Crowd prit le nom de Keith West, pour ne plus en changer par la suite. L’étape suivante était de trouver un batteur digne de ce nom, susceptible de concrétiser les aspirations du groupe, même si EMI, devant l’absence de succès, mit un terme au contrat. En fait, les trois louchent déjà depuis un certain temps sur un certain John Adler avec qui ils ont plusieurs fois partagé l’affiche dans les clubs.
Né le 1944 à Colchester, John Adler a toujours pratiqué la batterie et ce, à travers plusieurs groupes. Il a commencé sa carrière à 17 ans dans un groupe appelé The Strangers mais jouait également dans un autre répondant au nom de Eddie Lee Cooper & The Trappers, les deux combos étant basés dans la ville natale du batteur. Ces deux formations jouaient du rock’n’roll et se faisaient un plaisir de reprendre leurs idoles Gene Vincent, Eddie Cochran, voire Cliff Richard et ses Shadows. Adler avait même un « show dans le show » de prévu sur scène lorsqu’il chantait Brand New Cadillac de Vince Taylor, tout en jouant de ses baguettes.
Cependant, comme tous les adolescents de son âge, puisqu’il joue dans plusieurs groupes à la fois, il est amené à pratiquer différents styles. C’est cette polyvalence qui lui vaut d’être engagé en 1963 comme musicien de session pour The Pretty Things, en vue de remplacer leur allumé de batteur, Vivian Prince, réputé encore plus fou que Keith Moon, futur batteur de The Who. Après cette expérience de quelques semaines, il retourne à Colchester et intègre cette même année Dane Stephens And The Deep Beats qui est signée par Decca courant 1964 et qui publie un single, une reprise de Bob Dylan, Don’t Think Twice Is Alright. Après cet unique disque, la formation change de nom pour devenir The Fairies et signe chez HMV pour deux disques. La formation se fait remarquer par la longueur des cheveux de ses membres, aussi scandaleuse que celle de leurs amis The Pretty Things et qui font passer The Rolling Stones pour de véritables enfants de chœur. Le groupe était plutôt bon, pratiquant un R&B de haute qualité, dans la veine de la formation de Dick Taylor. Justement, les Pretty Things offrent au groupe Get Yourself Home en guise de premier single. Le succès n’est pas vraiment au rendez-vous, en dépit de la production du légendaire Mickie Most qui y dispense ses services. Virevoltants sur scène, The Fairies cultivent l’art de recevoir des « cadeaux » en provenance du public pendant leurs prestations. Du fait de ses longs cheveux bouclés, Adler recevait régulièrement des bouteilles de lotions capillaires de la marque Twink. Il décida alors d’adopter Twink comme nom de scène. Un second single était en préparation quand le chanteur Dane Stephens fut impliqué dans un accident alors qu’il roulait le van du groupe sans permis ni assurance, tuant quatre personnes. Indisponible pendant un an, Stephens laissa sa place à Nick Wymer. Libéré de prison, Stephens reprit sa place de chanteur et le groupe tenta de recréer la musique qu’il pratiquait avant les ennuis de Stephens - soit le R&B - mais sans succès. Sentant la fin, Twink quitte le groupe pour rejoindre The In Crowd où il avait été demandé par John Wood, Steve Howe et Keith West.
La formation avait ainsi trouvé un line-up définitif et pouvait songer à travailler sur ses prochains morceaux. En cette fin d’année 1966, le R&B n’est plus un style à la mode, tout comme, à un degré moindre, la soul. Conscient que les temps changeaient, West proposa à ses compères une poignée de chansons que lui et son partenaire d’écriture depuis l’époque du collège et de The Teenbeats, un certain Ken Burgess, avaient
composées. Le groupe commença à jouer ces morceaux ainsi qu’une reprise de Why des Californiens de The Byrds, un raga qui est étiré sur scène en des versions pouvant durer vingt minutes. En 1967, les éléments du son des In Crowd était pour ainsi dire déjà en place. Le son devenait de plus en plus psychédélique mais le nom du groupe, lui, sonnait désespérément mod. En effet, pour pouvoir jouer dans des clubs comme l’UFO ou le Blaise’s Club, les clubs à la mode, symboles de la culture underground qui fleurissait à Londres à cette époque, le groupe devait changer de nom. Des amis de Twink suggérèrent aux quatre de s’appeler « Now », idée que le batteur proposa au reste du groupe. Wood lui répondit, sous forme de boutade : « Pourquoi pas Tomorrow dans ces cas-là ? ». Avec leur sérieux, ses trois compères lui répondirent que cette idée était géniale et la formation fut définitivement baptisée Tomorrow, en mars 1967. C’est à ce moment que pour différencier les deux John du groupe, on décida d’affubler Wood du surnom de Junior.
Coïncidence ou pas, la formation rencontra un rapide succès. D’ailleurs, la réputation scénique de Tomorrow parvint jusqu’aux oreilles du réalisateur Michelangelo Antonioni qui, cherchant un groupe excitant pour son film Blow Up, leur proposa d’y apparaître. Le groupe joua deux morceaux lors d’une répétition pour le film et, bien qu’Antonioni leur dit qu’il appréciait les chansons, le réalisateur leur préféra finalement The Yardbirds. D’après Steve Howe, Tomorrow ne fut pas engagé car le guitariste refusait notamment de détruire sa guitare sur scène : « L’idée de briser une guitare ne me convenait pas. On m’a alors dit qu’une réplique en carton de la guitare allait être réalisée et que je n’aurais pas à détruire une vraie guitare. Ils l’ont donc fait et puis ils nous ont refusé parce qu’on était pas assez importants, pas assez vendeurs mais pas trop à cause de mon refus de briser la guitare. Il me semble qu’on a pas été retenu parce que les Yardbirds et Jeff Beck étaient plus importants que nous. D’ailleurs, on remarque pendant quelques instants que dans le film, Jeff Beck détruit une guitare en carton. Pourtant on avait bien bossé : on avait écrit des chansons spécialement, on avait enregistré et puis, d’un coup, on nous a refusé au profit des Yardbirds ». Malgré cette déception, cela permit tout de même à Tomorrow de trouver une maison de disques qui n’était autre que... EMI qui avait également signé The In Crowd !
À cette date, il n’était pas rare de voir Twink vêtu d’un chapeau ou de tout code vestimentaire rappelant le flower power, signe que le passage du R&B à la musique dite psychédélique était parfaitement maîtrisé. Les quatre ont justement l’occasion de le prouver puisqu’ils entrent en studio avec le producteur Mark Wirtz. Ce dernier précise que Tomorrow leur a été présenté par les membres de Pink Floyd qu’il avait signé sur EMI - bien qu’il ne les a jamais produit, pensant que son ami Norman Smith était un meilleur producteur pour le groupe de Cambridge - et accepta sur le champ de les produire. West, quant à lui, se rappelle que c’est via la structure managériale commune des deux groupes, la Brian Morrison Agency, que le manager de Tomorrow invita Norman Smith à voir les Londoniens jouer au Blaise’s.
Toujours est-il que ce dernier apprécia ce qu’il vit et entendit, et réserva une plage horaire aux studios Abbey Road pour vérifier ce que ça pourrait donner en studio. Finalement, Smith ne donna pas suite au projet mais Howe, qui avait travaillé en tant que musicien de session avec un certain Mark Wirtz, lui demanda si la musique du groupe lui plaisait. Wirtz montra de l’intérêt pour certains morceaux dont My White Bicycle, tous ces morceaux étant le résultat de la collaboration entre West et Burgess. Il est intéressant de noter que les chansons composées par le duo portent toutes les crédits « Hopkins/Burgess », pour la simple raison que la famille de West ne croyait toujours pas qu’il pouvait être l’auteur de ces chansons jusqu’à temps de le lire noir sur blanc dans les crédits. Le thème de la chanson My White Bicycle colle parfaitement avec l’ambiance de l’époque faite d’évasion, de rejet de la société de consommation. Tout commence à Amsterdam, aux Pays-Bas, où sévissait un groupe radical appelé les Provos (nda : abréviation de Provotariat) et dont les adeptes étaient toujours de plus en plus nombreux. Un de leurs fréquents tours de force consistait à se procurer quelques bicyclettes, de les peindre tout en blanc et de les mettre à la disposition du public. Ainsi, n’importe qui éprouvant le besoin de se rendre quelque part le plus vite possible pouvait simplement enfourcher le vélocipède et l’utiliser à sa guise.
Évidemment, la police amstellodamoise confisqua les blanches montures parce qu’elles n’appartenaient à personne et traînaient dans les rues, sans antivols. Les faits et gestes des Provos parvinrent jusqu’aux oreilles de Twink qui adorait cette idée de prendre son vélo et d’aller où on le souhaitait. C’est d’ailleurs lui qui suggéra cette idée à West. Pour preuve, quelques paroles du morceau :
Riding all around the street/Four o’clock and they’re all asleep/I’m not tired and it’s so late/Moving fast everything looks great/...See that man, he’s all alone/Looks so happy but he’s far from home/Ring my bell, smile at him/Better kick over his rubbish bin/...Policeman shouts but I don’t see him/They’re one thing I don’t believe in/Find some judge, but it’s not thievin’/Lift both hands, his head in disgrace/Shines no light upon my face/Through the darkness, we still speed/My white bicycle and me
Musicalement, le disque est un mètre-étalon du single psyché/freakbeat/pop. De son ouverture toute en parties de guitares inversées, en cymbales, de la voix nasillarde de West, la basse bien présente et les guitares de Howe flirtant en permanence avec l’improvisation, sans oublier le travail de Twink derrière les fûts, My White Bicycle - en fait une sorte de raga - constituait le single idéal pour présenter Tomorrow et montrait également le rôle plus que précieux du producteur Wirtz. Keith West se remémore des séances d’enregistrement du disque : « C’était encore la période des sessions de trois heures pour faire une face A et une face B. L’argument décisif pour nous, hormis le son que nous avait trouvé Mark Wirtz, était l’introduction de My White Bicycle avec les bandes inversées et les autres trucs. Ça nous l’a fait accepter sur le champ. Pour le sifflet sur le morceau, on est allé dans la rue devant les studios Abbey Road et on a trouvé un policier qui voulait bien nous suivre et siffler dans le micro. Twink courait partout dans le studio avec son chapeau et vu qu’on fumait de la dope, on devait faire extrêmement attention ». Les membres racontent également que les Beatles, enregistrant à l’époque Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band dans le studio voisin, venaient de temps en temps voir ce qui s’y passait, n’oubliant pas de les saluer. De par cet adoubement, Tomorrow devenait un acteur incontournable de la scène underground, au même titre que Soft Machine ou Pink Floyd et multipliaient les engagements à l’UFO, Middle Earth ou le Blaise’s, n’hésitant pas à étirer ses morceaux dans de longues improvisations psychédéliques, à l’instar des autres groupes, sans toutefois tomber dans la jam longue et ennuyeuse. À peine l’enregistrement de My White Bicycle achevé, se profilait déjà le premier grand rendez-vous de la scène underground londonienne en cette fin avril. Le festival 14 Hour Technicolour Dream qui se tenait à Alexandra Palace regroupait la crème des groupes qui florissaient à l’époque et qui pratiquaient une musique psychédélique.
Au programme, Pink Floyd et Soft Machine, évidemment, mais aussi The Crazy World Of Arthur Brown, John’s Children, The Pretty Things, The Move... mais pas de Tomorrow. L’histoire ne nous dit pas quelles raisons ont poussé les programmateurs à se passer de la bande à West, mais ces derniers étaient bien décidés à ne pas manquer cet événement. Bien que non prévu sur la liste des participants au festival, Tomorrow réussit tout de même à jouer quelques titres, appuyés par les différents autres participants. Finalement gagnante dans cette affaire, la maison de disque EMI souhaita profiter de l’événement pour mettre en vente My White Bicycle/Claramount Lake pour le mois de mai.
Inexplicablement, le simple rencontra un succès relativement confidentiel en Angleterre, n’entrant même pas dans le classement des meilleurs ventes. Cependant, le disque fut plébiscité à l’étranger et notamment dans le reste de l’Europe. Il faut sûrement voir dans ce succès continental le contenu des paroles qui mentionne des évènements se déroulant à Amsterdam. Cet échec, aussi cuisant qu’imprévisible, eut pour conséquences le retrait du soutien total d’EMI dont disposait le groupe. Bien qu’affectés par cette débâcle, les membres du groupe se concentrèrent sur la scène pour devenir l’un des groupes à voir à Londres.
Des journalistes et des musiciens n’hésitaient pas à parler de Tomorrow comme le « groupe ayant le plus de succès parmi toute le scène de l’UFO ». Il faut dire que le spectacle que proposait le groupe était plus qu’original et se posa comme le travail précurseur pour de nombreux autres artistes par la suite. En fait, c’est toute la scène underground qui tente de rivaliser d’originalité dans ses prestations. Il n’était pas rare de voir Syd Barrett de Pink Floyd se faire frire des œufs sur les planches du Middle Earth et Arthur Brown mettait le feu quotidiennement au-dessus de sa tête. Steve Howe nous relate ce à quoi pouvait correspondre un concert de Tomorrow : « Il y avait des happenings augmentés à l’occasion par une certaine Susie Creamcheese (nda : qui deviendra une célèbre groupie par la suite) qui traînait à l’UFO du temps où on y jouait. J’imagine que c’était une danseuse et donc, quand elle montait sur scène, Junior commençait à danser autour d’elle et ils avaient l’habitude de prétendre qu’ils faisaient l’amour et ce genre de choses. Keith devenait complètement fou, d’une manière très rock’n’roll. Moi, je continuais de jouer et parfois Twink me suivait pendant un moment mais devait s’arrêter également ».
On a dit des prestations scéniques de Tomorrow qu’elles étaient parmi les plus notables de la scène britannique et que la formation aurait pu facilement connaître une destinée à la Pink Floyd. Le groupe était un précurseur du port de masques rituels ou de maquillage et agrémentait son spectacle d’un numéro de mime. On dispose à ce sujet de nombreux témoignages dont celui du journaliste du Melody Maker, Steve Lake, qui écrivit en 1975 : « Tomorrow était le premier des groupes à baser son spectacle sur le mime, à le conjuguer dans de nombreuses gesticulations théâtrales et ce, bien avant David Bowie. Toutes les lumières de la salle et de la scène s’éteignaient, un seul spot éclairait le visage du bassiste Junior, qui marchait à grand pas vers la scène, son instrument porté haut comme une lance, le visage grotesquement peint. Le public féminin de province poussait habituellement des cris perçants à ce moment-là. Rapidement après cela, le reste du groupe débarquait dans de chics pantalons violet achetés à Portobello Road, attractifs car flamboyants avec des étoiles fixées dessus. Une entrée soigneusement calculée. Le chanteur Keith West, qui était rarement sur scène plus de la moitié de la prestation, portait invariablement des gants en cuir noir de motards qui laissaient libres ses doigts et Steve Howe était un pionnier dans le port de chaussures-sandales à talons de bois agrémentées de boucles d’argent. Tomorrow ouvraient généralement avec Why des Byrds suivi par My White Bicycle ».
Évidemment, cette présence suscitait l’enthousiasme des spectateurs mais également celui des autres musiciens. C’est ainsi que durant ses premières apparitions en Angleterre avec son nouveau groupe, Jimi Hendrix se trouvait un soir à jouer en première partie de Tomorrow au Saville Theater qui appartenait à Brian Epstein, le manager des Beatles. Le guitariste gaucher monta sur scène, prit la basse et jamma brièvement avec le groupe. Steve Howe se souvient particulièrement de ce moment : « Personne ne savait qu’il allait monter sur scène et c’est seulement parce que Junior posa sa basse noyée de larsens et commença à délirer et danser que Jimi monta sur scène et commença à en jouer. Dans les dix minutes qui suivirent, je continuais à jouer.
J’improvisais et nous ronronnions... il jouait juste de la basse et puis, je ne sais plus ce qu’il s’est passé jusqu’à temps qu’il s’arrête et qu’il quitte la scène. Tout le monde applaudissait. Je n’en reviens pas que Keith se soit agenouillé et que quelqu’un prenne une photo de Jimi Hendrix jouant de la basse avec nous ».
Une autre rencontre se produisit avec Frank Zappa alors que ce dernier et ses Mothers Of Invention se produisaient à Londres. Twink avait arrangé cette rencontre avec l’Américain et les autres membres du groupe attendait à l’appartement du batteur pendant que ce dernier rencontrait Zappa et le menait à son logement. Le groupe adorait les Mothers et était excité de pouvoir rencontrer une de leurs idoles. Le guitariste entra et s’ensuivit une discussion d’une vingtaine de minutes. À un moment Zappa s’adressa à Howe : « Je ne pourrais jamais oublier le choc que cela m’a fait d’entendre Frank me dire : « J’ai vraiment adoré le solo de guitare sur Claramount Lake (nda : la face B du single My White Bicycle) ». Je lui ai répondu : « Hein ? Quoi ? Ce solo sur Claramount Lake ? » et lui : « Oui, il est formidable ». Je n’en revenais pas qu’il connaisse tout de Tomorrow. C’est là qu’on voit qu’il était curieux de tout ce qui se passait ».
Bien qu’adulés sur scène, les membres du combo ne parvenaient pas à traduire ce succès dans les charts. Cependant, en guise de consolation, quelques mois avant l’arrêt des stations radio pirates, l’émission très appréciée du DJ John Peel, The Perfumed Garden, qui se tenait sur un vieux bateau au large des côtes britanniques, diffusa largement My White Bicycle.
En dépit de la présence des quatre lors du second rassemblement important de l’année à l’Alexandra Palace, cette fois pour le festival "Love-In", EMI annonça au groupe, au début de l’été 1967, qu’un album serait repoussé du fait du succès de Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, également sur le même label Parlophone. À cette époque, EMI ne laissait personne enregistrer d’album avant d’avoir obtenu un tube mais autorisa toutefois Tomorrow à le faire, cependant pas avant la fin de l’année. Le producteur Mark Wirtz, sentant que le temps était compté pour ses protégés et que la maison de disque ne voulait pas entendre parler de Tomorrow, décida d’utiliser les services de Keith West pour les biens du projet qu’il menait depuis 1964. Il rêvait de réaliser un album qui mêlerait opéra et musique populaire. Ce projet avait même un titre : Teenage Opera. Il souhaitait enregistrer des morceaux pop instrumentaux, y insérer des cycles et éventuellement s’accompagner de paroliers. S’inspirant des productions de Phil Spector et même de Joe Meek, son projet pouvait enfin se concrétiser puisque Tomorrow et son compositeur Keith West étaient libres.
C’est ainsi que Wirtz emmena West en studio pour y enregistrer Excerpt From A Teenage Opera, sans convier les autres membres. Le morceau est une histoire tarabiscottée à propos de la mort d’un épicier nommé Jack. Produit comme il se doit, le morceau comporte un refrain chanté par des enfants et orné par des arrangements de pop psychédélique - plus pop que psychédélique pour être honnête - qui font de ce morceau un moment de grandeur qui aurait influencé Pete Townshend dans l’écriture de son opéra-rock Tommy. Excerpt From A Teenage Opera sortit en single fin juillet 1967, en plein été de l’amour, sous le nom de Keith West et était vraiment représentatif des vibrations qui excitaient l’Angleterre. Ce single lança en fait la carrière solo de West qui menait alors de front les deux projets. La presse britannique encensa carrément le disque et alla même jusqu’à dire que ce n’était qu’une partie du projet d’opéra à venir sous forme de double-album, bien qu’à l’époque, il n’y avait rien de plus d’enregistré. Avec le soutien de la presse, Excerpt From A Teenage Opera devint un tube immédiat, atteignant la deuxième place des charts britanniques le mois suivant et devenant numéro un dans 17 autres pays européens, offrant au producteur un Ivor Novello Award.
Ce succès soudain devint cependant problématique pour Tomorrow : leur leader était à la fois en tête des classements pop et une figure de proue de la scène underground psychédélique, ce qui s’avérait plus qu’incohérent. Toutefois, West, à la suite de cet intermède solo revint avec son groupe qui était autorisé à enregistrer un deuxième single, histoire de profiter du succès de Excerpt From A Teenage Opera. En septembre, sort Revolution - sans rapport avec le morceau des Beatles sorti l’année suivante - un morceau engagé dont Twink serait encore une fois à l’origine. Alors que le groupe donnait une représentation à l’UFO, le soir où Mick Jagger des Rolling Stones fut mis en prison pour possession de stupéfiants, le groupe dut attendre jusqu’à cinq heures du matin pour jouer car toute l’audience était sortie pour acheter le tabloïd News Of The World ! Comme à son habitude, les membres mettaient en place leur spectacle : mimes et participation du public, ainsi que lancers de jonquilles sur l’assistance quand tout d’un coup, pendant le solo de guitare, le batteur se leva et courut au milieu de l’assistance en hurlant « Revolution ! What we need is revolution NOW ! ». Deux jours plus tard, West tenait la chanson entre ses mains. Bien que Keith West fasse désormais la une des journaux,
le single ne fut que faiblement promu, ce qui explique que Tomorrow échoua encore une fois à entrer dans les charts. Revolution était pourtant un bon morceau, dans l’esprit freakbeat, remplis de wah-wah, avec des paroles bien en phase avec le temps et une introduction mémorable chantée par des enfants :
The time will come when you’ll be free/...Flower Children spreading love/That’s the start/...Happinness is hard to find/We just want peace to blow our mind/...Have your own little revolution now !
Une fois encore, la production de Wirtz ne suffit pas et le groupe se résolut à reprendre le chemin des clubs en attendant d’enregistrer l’album. Cependant, le passage du chanteur en solo ne fut pas du goût de tous. Twink, en particulier, ne mâcha pas ses mots : « Ça avait causé un truc bizarre. J’avais l’impressoin qu’il y avait eu un accord secret pour que le disque sorte sous l’appellation Keith Tomorow et que Steve allait faire un disque intitulé « Steve Tomorrow » et également « Junior et Twink », car on essayait de faire pression sur le groupe. Et puis, bien entendu, le disque de Keith est sorti en tant que Keith Tomorrow et il y a eu immédiatement un sentiment de « qu’est-ce qu’il se passe ? ». Et puis, c’est devenu un hit. On a commencé à faire ces concerts bizarres qu’on ne pouvait pas jouer de la façon dont on voulait parce que tout le monde réclamait le single de Keith ». Pour West, c’est le moment où les choses commencèrent à mal tourner : « Avec Teenage Opera qui cartonnait, ça a vraiment compromis les choses pour le groupe. C’était réellement ma faute. Je n’avais pas de management fort pour me dire de ne pas le faire car ça allait bousiller ma carrière avec Tomorrow. J’ai pensé que je pouvais sortir un single juste pour rire mais soudainement, c’est devenu Tomorrow featuring Keith West parce que les promoteurs pouvaient vendre plus de tickets avec un nom et ça se termina par le groupe qui se trouvait être mon orchestre d’accompagnement, ce qui ne pouvait jamais arriver. On a fait des concerts pas très heureux en Irlande où les promoteurs insistaient pour que nous jouions Teenage Opera avec Twink, Steve et Junior. Il y avait beaucoup d’argent en jeu donc on devait le faire. On n’était pas assez riches pour refuser. On a partagé l’argent en parts égales ce qui nous a permis d’aller un peu mieux ».
Les quatre ne perdaient rien de leur légendaire énergie sur scène et y incorporaient toujours autant d’effets lumineux. Tomorrow ne tourna cependant jamais à l’étranger mais fit de courtes tournées avec Traffic et les Américains de Vanilla Fudge. Ils se retouvèrent même pour le promoteur Larry Parnes sur la même affiche que le rocker Billy Fury et étaient confrontés à une audience composée de seniors qui attendaient de voir Fury. West rigole encore de cette anecdote : « Nous avons décidé de se retirer de l’affiche, qui comprenait également The Move et Amen Corner. On a joué si fort durant le premier passage que Larry Parnes est venu nous voir pour nous dire : « Si vous recommencez ça encore au second passage, vous êtes virés de la tournée ». On a donc joué encore plus fort et on s’est fait jeté, et The Move a fait de même mais pas Amen Corner, ce qui explique pourquoi on ne s’est jamais entendu avec eux ».
Après cet événement, EMI autorisa le groupe à filer en studio pour enregistrer le très attendu album dont le contenu était plus ou moins déjà rodé sur scène. Sous la conduite de Wirtz - qui se pose comme le George Martin de Tomorrow puisqu’il joue de tous les claviers et participe parfois aux chœurs - les morceaux, souvents taillés pour la scène, sont retravaillés pour offrir un concentré de la musique du groupe. Le producteur transforme les collages divers en chansons, ce qui explique les changements de rythmes que l’on retrouve par exemple sur The Incredible Journey Of Timothy Chase. Il apporte également sa touche de music-hall, entrevue par le projet Teenage Opera, sur des morceaux comme Shy Boy ou Auntie Mary’s Dress Shop. Les arrangements sont plus que soignés et on y entend des trompettes, des mandolines, des chœurs d’enfants mais on retrouve également la base rhythm & blues du combo. Loin des délires de la scène, les 11 morceaux, qui comprennent également les singles My White Bicycle - qui ouvre magistralement l’album - et Revolution, ne dépassent que rarement les trois minutes mais permettent à tous les musiciens de se mettre en valeur. La guitare de Howe est tout bonnement incroyable car d’une variété rare. Le virtuose utilise de multiples pédales et son feeling naturel n’est jamais freiné. Tantôt électriques, tantôt acoustiques, les parties de six cordes constituent la clé du son de l’album. Twink se donne également à cœur joie sur l’album où son jeu léché constitué de multiples interventions aux cymbales et de roulements de toms opportuns se confond avec un jeu plus pop, plus sobre. Quant à Junior, sa basse groovante complète le son d’ensemble. L’album est surtout le témoignage de la qualité des compositions du duo West/Burgess et du talent de parolier du chanteur dont les thèmes des textes, parfois féériques, font souvent référence à ses expérimentatons lysergiques. « Three Jolly Little Dwarfs, c’était en fait quand on expérimentait le LSD et ces choses-là, et je suis sorti de l’appartement de quelqu’un une nuit et il y avait comme une espèce de dessin animé de Walt Disney qui tournait dans ma tête et quand je suis rentré à la maison, j’ai gribouillé quelques mots. Je ne pensais pas que quelqu’un d’autre allait apprécier, c’était juste une sorte de plaisanterie. Quand je l’ai jouée au groupe, ils l’ont adorée et John Peel l’a plébiscitée ». L’influence des drogues est également présente dans des morceaux comme Real Life Permanent Dream ou Hallucinations. Bien dans l’esprit psychédélique, les ambiances hindouisantes, raga-rock ou vaudeville sont récitées avec classe et la voix de West, tantôt nasillarde, tantôt soul est d’autant plus charmante. Pour finir, n’oublions pas de mentionner la reprise de Strawberry Fields Forever des Beatles, traitée à la manière de Vanilla Fudge et qui se veut totalement rock, sans autres artifices.
À la fin de ces séances, EMI attendit avant de faire paraître l’album, préférant, avec la fin d’année approchant, mettre en vente un second single de Keith West, toujours partie du projet de Mark Wirtz Teenage Opera. Le disque était encore plus « rococo » que le précédent et, bien que l’on retrouve Howe à la guitare, il s’avéra que Sam était peut-être desservi par une production orchestralo-psychédélique trop ambitieuse qui ne convainquit pas grand monde même si le disque entra dans le top 40. Invité au festival Christmas On Earth Continued du 22 décembre à l’Olympia de Londres, censé terminer l’année 1967 en beauté, Tomorrow livra une excellente prestation et qui constitue à coup sûr, le chant du cygne du groupe. Une compilation posthume, 50 Minute Technicolour Dream, est le plus formidable témoignage de cet évènement.
Ce disque regroupe en partie la prestation du groupe de ce soir-là et on y découvre le rôle important de Junior, les longues improvisations de Steve Howe sur des morceaux comme Why et on retrouve même le groupe reprenant Strawberry Fields Forever. Au début de l’année 1968, John Peel invita le quatuor pour une de ses Night Ride Sessions qui fut diffusée bien que les bandes furent perdues par la suite, ce qui signifie, en langage BBC, effacées. Pour maintenir la pression sur Keith West, EMI mis en vente un single Weatherman qui échoua encore une fois dans sa tentative de répéter le succès de Excerpt From A Teenage Opera et la maison de disque refusa de donner son feu vert pour la réalisation du projet de Wirtz qui disparut définitivement, même si en 1996, une compilation tenta de restituer l’intégralité du projet.
C’est à ce moment, en février, que l’album sortit sous l’appellation Tomorrow featuring Keith West. Mais à la suite de la parution de l’effort, deux clans bien distincts s’étaient créés au sein de Tomorrow : Keith et Steve d’un côté et Junior et Twink de l’autre, précipitant la fin, inévitable, du groupe. Twink, notamment, se plaignait de ne plus rien contrôler : « On n’avait même pas le contrôle sur la pochette noir et blanc, ou encore le mixage qui aurait pu être bien mieux sur certains morceaux ».
Les notes de pochettes étaient signées Roger Fennings, un inconnu pour West : « Je n’ai aucune idée de qui est cette personne ! Je ne l’ai seulement vue une fois, ça devait être un ami de Mark Wirtz. Nous n’avions aucun contrôle sur la pochette, l’ordre des morceaux ou les illustrations. Je déteste l’illustration qu’ils ont mis au dos de l’album. Aucun de nous n’avait vu la pochette avant qu’elle ne sorte ». Le chanteur, visiblement déçu des pratiques de EMI, s’étonne de la date de sortie de l’album prêt depuis quatre mois : « Aujourd’hui, je ne comprends pas pourquoi on a fait un album pendant que j’avais un hit avec Excerpt From A Teenage Opera et que je n’ai jamais enregistré d’album solo. [...] Je pense que EMI espérait que l’album de Tomorrow allait se vendre auprès des fans très rapidement, mais ça n’a pas vraiment marché comme cela. Ils l’ont sorti trop tard. Ça a pris longtemps pour le finaliser et je ne sais pas pourquoi d’ailleurs. Quand il est finalement sorti, on était au début 1968 et tout le truc psychédélique était quasiment terminé. Les gens oublient le peu de temps que cela a existé ». L’album, pas aidé par sa pochette sans couleurs - une infamie en plein flower power - s’avéra être le dernier testament livré par la formation, même si on retrouve cette dernière dans le film Smashing Time où ils jouent sous le nom de The Snarks.
Il s’en suivit d’après Twink une réunion dans laquelle West disait : « Dorénavant, vous allez être un trio et je serai Keith West, mais je continuerai à vous écrire toutes les chansons et à vous produire et probablement à chanter sur les disques mais je ne ferai en fait pas partie du groupe ». Ce à quoi Twink lui répondit d’aller se faire foutre. Le divorce était définitif et deux formations résultèrent de cette séparation douloureuse : Keith West d’un côté et The Aquarian Age de l’autre. Cette dernière était le projet de Junior et de Twink, bien que Howe leur prêta un coup de main. Le trio sortit un single 10,000 Words In A Cardboard Box, dans le même style que Tomorrow, soit une touche de freakbeat, de psychédélisme et une pincée d’orchestration classique. Le succès ne fut évidemment pas au rendez-vous puisque la presse et le management du défunt groupe avait déjà choisi le camp West. Bien qu’ayant également une petite poignée de morceaux à l’état de démos, dont une mélangeant musique et pièce de théâtre en présentant la rencontre d’un bon et d’un méchant magicien, la fin de The Aquarian Age fut précipitée par un événement concernant l’inénarrable Twink : « Un jour, Junior et moi sommes allés à l’agence de Bryan Morrison, l’ancien agent de Tomorrow qui s’occupait également des Pretty Things. À l’époque, le batteur de ces derniers, Skip Alan, avait quitté la formation. Alors, Dick Taylor (nda : guitariste et leader de The Pretty Things) dit : « Twink, Skip s’est barré et nous devons nous rendre en Italie pour le week-end, tu pourrais nous aider ? ». J’ai dit d’accord mais seulement pour le mois suivant car je travaillais sur ce projet, Aquarian Age avec Junior. En fait, je suis resté avec eux plus longtemps que prévu et Junior, évidemment, n’allait pas s’assoir et se tourner les pouces pendant que Twink décidait de faire partie des Pretty Things, ce qui était plus simple pour moi vu que j’étais carrément bien payé. Junior s’est donc tiré dans son propre truc et est devenu croupier dans un casino en Grèce ».
La carrière des Pretty Things connaissait justement à cette époque un tournant décisif et la formation avait parfaitement réussi la transition du R&B vers la musique psychédélique, là où d’autres ont connu plus de difficultés, tels les Rolling Stones. Ils sont même considérés par certains comme les créateurs du premier opéra-rock avec S.F. Sorrow, et ce, bien avant Tommy des Who. Après deux albums au sein de la bande à Taylor, Twink rejoignit en 1970 Pink Fairies, qu’il avait rencontré sur scène auparavant et sortit avec eux un premier album culte, Never Never Land. Au bout d’une année passée à tourner inlassablement et à festoyer quand il ne tournait pas, Twink quitta une nouvelle fois sa formation avant la sortie de What A bunch Of Sweeties, album sur lequel il ne collabore pas. Il partit vivre un moment au Maroc puis en Normandie avant de revenir en Angleterre en 1972 et de fréquenter la scène de Cambridge, toujours active suite à l’effervescence provoquée par le groupe local Pink Floyd depuis déjà cinq ans. Il offrit d’abord ses services à The Last Minute Put Together Boogie Band, dont le chanteur, Bruce Payne, était la voix de la version américaine de Hair. Il fit de nombreux concerts dans la ville, sans réelles prétentions sinon de s’amuser, avant que ne déboule sur scène, un beau jour Syd Barrett. Twink connaissait Syd puisque Tomorrow avait souvent tourné avec Pink Floyd du temps où Barrett était encore leur guitariste. Invité par la petite amie du bassiste de The Last Minute Put Together Boogie Band, elle-même ancienne petite amie de Twink et de Barrett, Syd débarqua avec sa guitare et jamma avec le groupe. Twink alla même jusqu’à répéter avec l’ange déchu et former un trio avec lui et Jack Monk appelé Stars qui donna une demi-douzaine de concerts dans des lieux saugrenus de Cambridge comme sur la place du marché. Toutefois, après ces concerts, l’aventure se termina à cause d’une mauvaise critique que Barrett n’aurait pas supporté. Twink retourna à Londres et joua dans une multitude de groupes, toujours derrière ses fûts, pratiquant toute sorte de styles (new-wave, pub-rock...). Installé en Belgique à partir de 1985, Twink a monté son propre label mais a raccroché ses baguettes.
Suite à la séparation de Tomorrow, West tenta, en vain, de monter un super-groupe avec l’aide de Mark Wirtz. Aidé de Steve Howe, le chanteur s’adjoint les sevices du flamboyant batteur Aynsley Dunbar (Bluesbreakers de John Mayall notamment) et de Ron Wood à la basse (Jeff Beck Group, The Creation, désormais chez The Rolling Stones) pour quelques morceaux enregistrés en décembre 1968, On A Saturday, The Kid Was A Killer, She et The Visit. Il faut également signaler la présence du pianiste Nicky Hopkins durant ces sessions dont le style se veut plus blues-rock teinté de soul.
Jusqu’en 1974, il réalisa quelques enregistrements avant de disparaître du circuit malgré son travail de producteur pour quelques groupes inconnus. Il demeure aujourd’hui l’archétype du talent de la scène psychédélique sixties qui n’a pas concrétisé son potentiel, à l’instar d’un Syd Barrett ou d’un Kevin Ayers.
Quant à Howe, après avoir collaboré avec West, il joua avec Bodast à partir de 1969 avant de rencontrer le succès avec le groupe progressif Yes dont il est toujours membre malgré ses excursions avec Asia dans les années 1980.
Juste retour des choses, en juin 1975, le groupe britannique Nazareth ressuscita le classique de Tomorrow My White Bicycle en le hissant à la 14ème place des classements. Preuve que Tomorrow a encore de l’avenir.
DISCOGRAPHIE :
Singles
Albums
[1]
[1] SOURCES :
-* Unknown Legends Of Rock’N’Roll par Richie Unterberger, Miller Freeman, San Francisco, 1998.-* The Tapestry Of Delights : British Beat, R&B, Psychedelic and Progressive Rock 1963-1976, par Vernon Joynson, Borderline, Londres.
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