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par Our Kid le 31 janvier 2006
paru en février 1968 (Parlophone / EMI)
Disque occulté, volontairement mis dans les bacs à soldes ou utilisé comme support permettant de vérifier si les stylos fonctionnaient bien, Tomorrow émerge tranquillement des profondeurs de l’oubli. Pourtant, quand on se penche sur la biographie du groupe, on n’a quand même pas affaire à de parfaits inconnus, contrairement à Nirvana - pas le groupe de Seattle, l’autre, bien anglais celui-ci - dont les membres n’ont plus rien fait depuis 1969. L’album a été enregistré aux studios Abbey Road en présence d’un producteur inventif et plus que compétent, Mark Wirtz. De même, les musiciens ne sont pas manchots dans leurs registres (ils ont pratiquement tous connu une carrière après l’épisode Tomorrow) et c’est remplie de confiance et d’idées que la bande entre en studio à l’automne 1967. Trois semaines plus tard, l’affaire était mise en boîte mais, mystérieusement, l’album ne fut mis en vente qu’en février 1968, soit quatre mois après son enregistrement, autant dire des siècles trop tard si l’on consulte notre calendrier des productions discographiques de l’année 1967. Trop tard, en effet, car la musique se voulait un instantané du Summer of Love qui embrassait toute l’archipel britannique, au même titre que Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band des Beatles ou The Piper At The Gates Of Dawn de Pink Floyd - pour trouver un versant plus sous-terrain.
D’ailleurs, Tomorrow appuie encore plus sur cette filiation puisqu’il se propose de reprendre l’hallucinant Strawberry Fields Forever des Scarabées, en l’enlevant cette fois de tout attirail superflu tels que les cordes, le mellotron, les cuivres... pour une version brute du morceau, s’apparentant plus à une réinterprétation guitare/basse/batterie, en fin de compte. L’album comporte également ses deux singles, My White Bicycle et Revolution. Avec le premier titre, on pense immédiatement au Bike du Floyd de Barrett mais au-delà du titre, My White Bicycle est une composition importante du mouvement freakbeat naissant, disponible sur toutes les compilations du genre. Et pour cause : travail de studio plus que de raison (phasing, stéréo, trouvailles guitaristiques alimentées par une multitude de pédales...) et paroles en totale adéquation avec la pensée de l’époque (celle des plus jeunes en tous cas). Ce titre ouvrant l’album est donc le morceau de référence de la musique freakbeat.
Sur Revolution, le groupe s’accapare l’idéologie hippie de changer le monde par la paix et les fleurs dans un maelström tourbillonnant de guitares. Certes, l’introduction a bien vieilli et paraît naïve de nos jours - des enfants à propos de la révolution : « Well, it’s a good thing » - mais replacée dans le contexte de l’époque, l’effet était saisissant. Les arrangements complexes du morceau, la guitare de Howe et les différents styles qu’il joue font de Revolution un sommet de l’album, musicalement parlant. Pour ce qui est des paroles, West est à son aise et, à l’instar des comptines féériques de Syd Barrett ou des chansons composées with a little help from LSD de John Lennon, il met en scène des histoires qui lui sont propres. Ainsi, Colonel Brown présente un vétéran de la guerre nostalgique qui passe son temps à contempler ses médailles et des photographies de son mariage, son seul plaisir. On est loin du Corporal Clegg du Floyd qui présente un militaire fort peu sympathique et estropié. Dans le même genre d’idées, Auntie Mary’s Dress Shop narre avec humour les changements dans la vie d’une vendeuse de robe lorsqu’elle apprend que la famille royale souhaite s’attacher ses services.
Mais, ne nous méprenons pas, l’écriture de West comporte également des aspects plus lysergiques comme Three Jolly Little Dwarfs, inspiré d’une vision du chanteur un soir et écrit comme une blague potache au départ (et qui deviendra l’une des chansons préférées du DJ John Peel). Real Life Permanent Dream et son introduction au sitar, reprend, derrière un motif hindouisant, le thème du rêve éveillé, le tout, servi par l’une des meilleurs prestations collectives du groupe. La plus qu’explicite Hallucinations, comporte une intro acoustique jouée par Howe plutôt sombre, idéale pour accompagner les paroles de son chanteur. L’alternance de passages vocaux et instrumentaux est une vraie réussite et la preuve que Wirtz n’avait rien à envier à Norman Smith.
Tomorrow n’est pas le parfait unique album d’un groupe disparu par la suite car le disque contient quelques morceaux faiblards (Shy Boy et The Incredible Journey Of Timothy Chase) qui passent difficilement l’épreuve du temps, même si on trouve ici et là quelques trouvailles accrocheuses mais malheureusement insuffisamment pour faire de l’opus un chef-d’œuvre. La pochette passée sous les cylindres du journal des anciens amis de la reine Victoria - soit bicolore - ne donne guère l’impression d’un disque honnête. D’ailleurs, à sa sortie, les quatre se sépareront chacun de leurs côtés mais, avec tous les éléments en leur défaveur, c’est déjà un miracle que l’on puisse parler de cet album en 2006.
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