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Twin Arrows

Twin Arrows

Interview

par La Pèdre le 25 mai 2012

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Autoproduit, volontaire et passionné, le groupe Twin Arrows a travaillé dur pour saisir la bonne formule : ce rock garage à la croisée des chemins, à la fois nostalgique et moderne, résolument cinégénique. Si le genre est insupportablement récupéré, ce quintette parisien a pour son premier album fait le tour de force de ne pas être là où on le redoutait (c’est-à-dire dans les défilés de mode et les happenings arty où coulent les vodkas-carotte - et qu’on ne s’étonne pas que les Kills se soient faits hués durant la première partie de Metallica la semaine dernière).

Un certain engouement s’est vite organisé (jusqu’au père Manoeuvre) pour saluer cet exercice tricolore d’une habilité remarquable, surtout quant on sait les moyens du bord. Il devenait alors intéressant de mieux connaitre le groupe, évidemment son histoire mais surtout ses opinions critiques.

C’est alors au Café Caché (décidément, très caché) du 104, typique nouvel établissement artistique en vogue du nord de Paris, ancien Service Municipal des Pompes Funèbres de la ville, que nous avons rencontré le groupe moins un : Eléonore (chant), Alex (guitare et voix), Aurélien (guitare), Jean-Marc (basse). Histoire de, nous l’aurons bien compris, convoquer quelques âmes maudites à s’attabler pour une binouze...

Inside Rock : Vous êtes un groupe dans une situation atypique, vous vous êtes autoproduit pour votre premier disque, néanmoins beaucoup de critiques internet ont été écrites, unanimement positives et vous avez rempli la Boule Noire du premier coup. Quelles sont vos impressions ?

Éléonore Michelin : Il y a pleins de gens qui nous ont dit « vous êtes fous de faire ça, tous les groupes qui font la Boule Noire ont une prod’ ». Il y a un moment tu te dis si t’attends, tu tentes jamais le coup. On avait attendu suffisamment longtemps sans faire de concert en espérant attiser la curiosité des gens…

Alexandre Saumont : C’est clair. On a vraiment fait un travail de bouche à oreille pendant 3 mois. A l’ancienne. Comme disait Elé on avait pas fait de concert depuis le 18 juin 2011, où on avait joué pour un festival à Issy-les-Moulineaux un peu improbable, en première partie d’Ibrahim Maalouf.

IR : Par rapport à la critique, tout le monde a dit Jack White, Alisson Mosshart, les Dead Weather alors que c’est écrit nulle part au final.

Alex : A ce sujet là, franchement, c’est aussi la référence facile : dans ce qu’il y a de plus récent dans ce genre, c’est ça qui a été fait. Surtout avec une chanteuse, donc forcément c’est très vite assimilé à ça. Après on adore Dead Weather, les Kills, et ils nous ont influencés. Mais il y a pleins d’autres choses qui nous influencent à la base beaucoup plus.

Aurélien Indjoudjian : C’est parce qu’Elé c’est une fille, c’est tout con. Il y beaucoup moins de chanteuses de rock que de chanteurs. Les gens, quand ils ne connaissent pas trop, ils disent aussi « mais ça ressemble à Janis Joplin, carrément ! ».

IR : Je pense que le rapprochement avec les Kills ne se fait pas dans la composition, il se fait vraiment dans la manière dont vous avez arrangé votre album. Quand vous prenez un clavier vintage comme le votre, on ne pense pas aux Doors, on pense au Dead Weather...

Eléonore : Et pourtant c’est le clavier de Manzarek !

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© Noé Termine
De gauche à droite : guitare, voix, guitare, basse

IR : Et une nana qui chante au feedbox, on pense pas au punk underground mais à Alisson Mosshart. Alors est-ce que vous avez composé avant d’écouter ce genre de groupe, puis ensuite il y a eu une influence au niveau des arrangements ?

Eléonore : Je n’en sais rien franchement. Tu prends Jinx qui existait depuis 2, 3 ans, qui a évolué, on a rajouté des parties. Ça a pris tellement de temps qu’à la fin tu ne sais plus d’où les idées sont venues.

Aurélien : Puis il y a le fait d’enregistrer. Disons qu’assez vite si tu as des morceaux qui sonnent rock, énergiques, en live ça se passe bien, on prend du plaisir à les jouer et le public à les écouter. Puis quand tu les enregistres, tu te dis que ça manque de quelque chose. Et c’est là qu’il y a pas mal d’arrangements que tu commences à peaufiner en studio, parce que tu te rends compte qu’il n’y a pas que l’énergie qui compte.

Alex : Et puis on avait vraiment envie d’essayer des trucs, faire un peu de recherche, tourner des boutons, rajouter des couches d’instrument, des effets. Il y a eu la nouveauté des orgues, des rhodes bass sur certains morceaux.

Éléonore : Le studio venait d’être construit. On était comme chez nous, c’est pour ça qu’on s’est permis pleins de trucs, en faisant beaucoup de conneries aussi.

IR : Après il y a une puissance évocatrice dans votre musique qui nous renvoie à autre chose, à un blues rock psyché des années 70 par exemple. Quelles sont vos références ?

Aurélien : Il y a des groupes qui mettent tout le monde d’accord, tu prends évidement les Doors, Hendrix, Led Zep. Ça c’est des références que tout le monde a en commun, mais avec un degré de fanatisme divers. Après, chacun a été traumatisé par un truc différent. Moi longtemps j’ai eu la maladie Jimmy Page, ça a été très dur. Je ne pouvais rien écouter d’autre. Je me suis déjà battu avec un mec qui a coupé Stairway to Heaven en soirée quand j’étais ado. Après on en revient. Elé son traumatisme d’enfance c’est clairement les Doors et Tom Waits…

Jean-Marc Filipe : Iggy Pop, aussi... c’est le passif commun à tout le monde.

Alex : Bref, des groupes de rock qu’on adore, des années 60, 70. Mais après on a chacun bien sûr beaucoup de références différentes dans d’autres genres.

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Appréciez le soutien-gorge sur le pied du micro

IR : Les morceaux justement comment vous les avez travaillés ?

Éléonore : J’imagine que c’est comme pour tous les groupes : soit tu composes à partir d’une structure assez simple basée sur les paroles et sur l’histoire que tu veux raconter, soit d’un seul coup il y a une idée qui sort du lot dans un bœuf, et tu te dis putain, il faut en faire quelque chose. Et d’un seul coup c’est les paroles d’un autre morceau qui vont en fait finir sur celui là. Ca circule…

Alex : Il y a eu deux morceaux qui ont été vraiment créés en studio, qui sont Soup of Rocks et Hey Day, la ballade de l’album. Avant de les enregistrer, on n’avait pas fait de version live. C’était assez plaisant, parce que c’était les premières expériences du tu fais un morceau, direct dans la boite. Au lieu de composer un morceau ensemble, le jouer en live et essayer de retrouver comment le faire sonner en studio, ce qu’on fait le plus souvent, on l’a d’abord enregistré en studio puis on s’est dit « putain, mais comment on va le faire sonner en live ? ». Du coup on s’est retrouvé à rajouter par exemple des toms basses sur scène, où il y a Jean-Marc qui lâche sa basse et qui vient taper comme un dingue pour renforcer le côté percutant, notamment sur Soup Of Rocks.

Aurélien : Parce qu’en studio on tapait sur une armoire en métal !

IR : C’est un côté très Tom Waits justement, on tape entre les bouts de fers, on voit ce que ça fait.

Alex : Oui, pour Soup of Rocks on a tiré un micro dehors et Elé est sortie avec un gros bâton et elle tapait dessus (rire) !

IR : Comment vous avez fait pour rendre les ballades plus burnées sur scène ?

Aurélien : On les a réarrangées. Sur Hey Day, c’est pas le même arrangement qu’en studio, mais on a gardé la couleur un peu hypnotique, folk-sombre progressive…

Éléonore : On aime faire évoluer les morceaux. On a rajouté de nouvelles parties avec Pierrot, le nouveau batteur. On ne voulait pas qu’il arrive dans le groupe et qu’il apprenne juste ce que Remy avait fait sur l’album. C’était aussi quelque chose de franchement agréable : quand l’album s’est fini, on a tous réappris le set. Sinon tu t’emmerdes, tu passes un an à faire un album et après tu joues exactement la même chose…

Aurélien : T’imagines les Stones ils jouent Satisfaction depuis 50 ans ? Comment tu peux prendre le même plaisir à jouer de la même façon une chanson que tu joues depuis si longtemps ? Je comprends que la première fois qu’ils l’ont sortie en répèt’ ils devaient kiffer, mais ça fait 50 ans quoi !

Jean-Marc : Oui mais ça devient un automatisme, vu qu’ils pensent plus à ce qu’ils font, ils peuvent profiter, regarder le public, de se boire une bière en même temps…

IR : Au final, comment vous avez fait pour avoir une ambiance évocatrice ?

Eléonore : Quand j’écris des textes, je suis très souvent influencée par un film. Du coup c’est vrai que le cheminement que je fais sur chaque morceau est assez visuel. Au lieu de parler riff, tempo, on se dit souvent « il faut que ce soit comme dans tel film », alors que tu n’as pas forcément de musique dans ce film là. C’est un langage que l’on utilise pas mal.

IR : Puis la rencontre même du groupe est assez cinégénique ! Ensuite il y a cette recherche : le nom du groupe c’est une ville fantôme, la pochette et son côté mystique…

Alex : Pour l’anecdote, quand on a rencontré Elé, on était sur les quais un soir à Paris, Jean-Marc était avec sa contrebasse, et moi avec la gratte manouche. On était en train de jouer Bei Mir Bist Du Schön, et là tu as Elé qui sort de nulle part et qui commence à chanter ! On s’est rencontré comme ça, vraiment sans déconner. Après on a finit la soirée ensemble jusqu’au petit matin en parlant musique, mais surtout de cinéma. Il y a eu tout de suite un truc visuel…

Eléonore : Pendant l’enregistrement de l’album, au fur et à mesure que les morceaux se mettaient ensemble, ça ressemblait de plus en plus à un road trip aux Etats Unis.

Aurélien : Nous le rock on se l’est beaucoup approprié au travers des films. On l’a pas vécu comme ceux qui ont grandi dans les années 60. C’est juste qu’on a grandi en regardant des films, ça évoquait une forme de voyage, un truc fort, qui fait qu’on vit les choses comme ça.

IR : Vous avez les moyens de continuer à vous autoproduire ?

Aurélien : Pour cet album-là, on était en effet en autoproduction mais on ne s’est pas dit qu’on faisait un album à l’arrache qui allait nous servir à être ensuite produits. On s’est dit au contraire qu’on avait nos moyens en autoprod’, qui étaient des petits moyens mais qui étaient quand même suffisants pour bien sonner.

Jean-Marc : L’effort matériel il est déjà fait à priori : on a le studio et le matériel. Après la question c‘est est-ce qu’on voudrait avoir des conditions un peu plus pro, et là il faudrait peut-être faire appelle à un studio qui nous couterait un peu plus cher.

Alex : Je t’avoue que l’on avance au gré du vent, pour l’instant on a envie de tourner, diffuser la musique, faire des scènes et se faire connaître au maximum.

Inside Rock remercie chaleureusement Noé Termine et les membres de Twin Arrows.



Vos commentaires

  • Le 6 juin 2012 à 11:47, par K.S En réponse à : Twin Arrows

    Merci pour l’interview !
  • Le 11 juin 2012 à 01:00, par La Pèdre En réponse à : Twin Arrows

    C’t’un plaisir !

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