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par Sylvain Golvet le 23 septembre 2008
Le tribute est dans l’air du temps, plus que jamais même, et surtout à l’intérieur de ce genre vieillissant qu’est le rock. Les tribute albums sont certes des exercices courants depuis une bonne quinzaine d’années, on a pourtant jamais vu fleurir autant d’hommages scéniques ou discographiques à un genre, une scène ou un groupe. Une formation comme The Musical Box rencontre un succès phénoménal. Sans compter que la plupart des reformations actuelles (Led Zeppelin, The Police, Genesis,…) font en réalité de l’auto-tribute : on ressort notre répertoire à l’identique, on remplit les salles à peu de frais et hop, par ici la monnaie. Ceci dit, est-il si horrible d’entendre régulièrement des classiques du rock et de la pop sous un nouveau jour ? N’est-ce pas le propre des grandes chansons et des grands artistes d’être revisités, appropriés, remâchés et recrachés ? On ne jettera pas de pierres à ceux qui s’adonnent à la reprise ou au tribute, après tout le catalogue du rock est assez fourni après cinquante ans de bons (et moins bons) et loyaux services.
C’est probablement dans cette envie de fouiller dans la grande malle des chefs-d’œuvre pop et rock que David Haerle fonde en 1999 un label dédié exclusivement aux albums tribute. On connaissait Apocalyptica, voici Vitamin Records, la partie immergée de l’iceberg. Fondé suite à la parution d’un tribute album à Led Zeppelin, le label a vu son catalogue se multiplier exponentiellement. Le site officiel [1] répertorie aujourd’hui 411 albums, dont 286 tributes au quatuor à cordes. Le reste se compose d’albums revisitant des artistes au piano, en version swing ou même en mode chansons de noël ! Oui, vous ne rêvez pas, il existe un Christmas Album dédié à Metallica !
Mais c’est bien aux string quartets que le label doit sa renommée. Cette sorte d’équivalent classique de la formation rock de base est la composition idéale pour retranscrire ces disques composés et joués par le même nombre de musiciens. Point d’orchestre symphonique ici, juste un violoncelle pour les basses, deux violons pour les guitares, et un alto pour la voix (pour simplifier). Sur le papier, cette configuration semble s’adapter à tous les styles, de Korn à Interpol, d’AC/DC à Oasis.
Star du label, le groupe The Section Quartet a même réussi à se faire une réputation en tant que groupe à part entière, notamment grâce à ses prestations au festival de Coachella. Musiciens de sessions à la base, ils ont su se faire remarquer par des artistes confirmés grâce à leur expérience de la reprise. Maynard James Keenan, impressionné par leur travail sur leur album consacré à Tool, n’a pas hésité à les contacter au moment de l’enregistrement de l’album Thirteenth Step pour A Perfect Circle afin d’en assurer les partie de cordes. Même topo pour Christina Aguilera (yeah !). Maintenant le quartet vole même de ses propres ailes, ayant sortit un album Fuzzbox chez Decca en 2007. Signe d’une émancipation artistique ? Pas vraiment, car cet album n’est en fait constitué que d’une compilation de reprises de Radiohead, Led Zep ou David Bowie. Un choix d’artistes et de morceaux qui sent assez peu la réelle prise de risque, d’autant que sur son site, la bio ne cesse de fanfaronner à tout va sur le caractère unique de la démarche du groupe, à base de « The Section Quartet is
The Loudest String Quartet on the Planet ! » par-ci ou des déclarations du genre « We think of ourselves as a rock band that just happens to play classical instruments. » par là. Dans les faits, c’est autre chose. Car assez souvent, loin de réinventer les morceaux auxquels ils se réfèrent, les quatre musiciens reprennent juste à l’identique les mélodies et accords des instruments originaux et les transposent sur les cordes, poussant le vice jusqu’à mettre la mélodie de la voix bien en avant. L’auditeur reconnaît sa chanson préférée, il peut la fredonner tout en appréciant le décalage des instruments : bling-bling, fait le tiroir-caisse. Quand on sait que la plupart des musiciens du label ont une formation classique, on imagine très bien que ce n’est pas le défi artistique seul qui les intéresse ici.
De fait, en jetant un rapide coup d’œil au catalogue du label, on se rend bien vite compte de son caractère très What The Fuck ! The String Quartet Tribute to Limp Bizkit, Electronic Tribute to Abba ou, un de mes préférés, The Definitive Trance & Dance Tribute to ‘N Sync... Tous les gros vendeurs de la pop sont présents, en dépit de toute cohérence ou classement. Un principe presque industriel, avec quelques réussites tout de même (la musique de Tool convient assez bien à ce genre d’exercice, No One Knows se révèle assez tétanisant), mais qui peine à convaincre sur la longueur. On se retrouve alors avec une version raide et brouillonne de She’s Lost Control. Une reprise orientalisante des Red Hot tout ce qu’il y a de plus ridicule. Et des tentatives de reproduire la diction particulière d’Hendrix qui ont le mérite de bien faire marrer l’auditeur. Pas très lourd dans la balance tout ça, et pourtant le label semble en expansion constante. En 2008, le tribute est donc un commerce très rentable et les peu scrupuleux auraient tort de s’en priver.
Si l’idée de l’hommage discographique est tout à fait louable, voire appréciable dans certains cas (les magnifiques covers de Johnny Cash en sont de parfaits exemples), elle ne saurait bien souvent se substituer aux originaux. Sans un vrai travail de ré-appropriation, et en la considérant autrement qu’une fin en soi, la reprise est une émulation positive, une mise en perspective constructive. Ici, on a tout au plus affaire à des objets de curiosité. Car honnêtement, qui pourrait se farcir une discothèque entière de tribute à cordes ? Sans parler de les écouter… Mais dans une industrie en crise, une recette à succès fait forcément des petits.
[1] http ://www.vitaminrecords.com/ Toi aussi, amuse-toi à parcourir la liste des albums en te marrant comme un bossu.
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