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par Gilles Roland le 23 septembre 2011
Que fallait-il attendre d’un nouvel album d’Alice Cooper ? On le sait, notamment depuis son passage en 2010 au HellFest, Alice tient la forme et affiche une motivation intacte.
Maitre de cérémonies toujours grandiloquentes, le parrain du shock rock ne baisse pas la garde et continue avec une fougue admirable d’enchainer les décapitations et autres châtiments corporels sur les planches, devant un public toujours réceptif. Mais c’est une autre histoire quand on en vient à aborder le problème de la musique en elle-même.
Alice, comme Kiss, les Rolling Stones, Bon Jovi, Scorpions ou même U2 (dans une moindre mesure), peine à retrouver la formule du succès dans les charts. Car après tout, les tubes restent et c’est pour eux que les spectateurs (du moins la plupart) achètent leur place. Une tendance qui ne semble pas décourager pour autant ces vieux briscards de l’industrie musicale, qui reviennent régulièrement armés de brûlots, à la qualité parfois variable. Alice Cooper est de ceux-là et déboule, trois ans après son album concept Along Came a Spider, avec la suite de l’un de ses plus grands succès, le bien nommé Welcome to My Nightmare. Pour le coup, celui qui fut un temps appelé Vincent Furnier ne s’est pas foulé pour trouver un nom à son dernier né. Sobrement intitulé Welcome 2 My Nightmare, le disque vient de sortir et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il surprend. Pour le meilleur !
Welcome 2 My Nightmare est donc un très bon disque. Et ce pour une raison très simple : Alice renoue enfin avec la verve progressive de ses débuts. Et si le spectre du heavy rock basique plane ici ou là, on reste quand même très loin du hard fm auquel Cooper semblait abonné depuis le début des années 80, ce qui n’est pas toujours péjoratif, en témoigne les excellents Trash et Hey Stoopid. La cause de ce retour aux sources semble évidente quand on regarde le line-up de Welcome 2 My Nightmare. Un line-up impressionnant car réunissant Michael Bruce (guitare), Neal Smith (batterie), Dennis Dunaway (basse), Steve Hunter (guitare) ou encore Dick Wagner (guitariste sur School’s Out et Billion Dollar Baby – jamais crédité à part ici). Soit la fine équipe du Alice Cooper Band, fleuron du rock scandaleux, malsain et fiévreux de la scène américaine des 70’s. Ne manque plus que le regretté Glen Buxton, décédé en 1997, pour retrouver la formation originale du groupe.
Une grande et bonne nouvelle qui a pour conséquence directe de renouer avec une musique caractérisée par son côté insaisissable, riche en prises de risques. C’est Zappa qui doit être content, lui qui avait immédiatement décelé chez ces trublions azimutés, un talent hors-norme et qui propulsa la formation sous les spotlights de la célébrité dès la fin des années 60. Un groupe, qui, rappelons-le, demeure l’un des plus influents du rock, avec une succession d’albums absolument impeccables comme Pretties for You, Easy Action, Love it to Death, Killer, School’s Out, Billion Dollar Babies ou Muscle of Love... Alice Cooper et ses anciens camarades font donc à nouveau équipe et accouchent (dans la douleur ?) d’un album tour à tour déroutant, stimulant, étrange et globalement attachant.
Les choses commencent paradoxalement assez mal. Le premier morceau, I am Made of You, débute par une ligne de piano très soft sur laquelle vient se greffer la voix d’un Alice Cooper sous auto-tune. Ce qui fait penser, au choix, à Cher ou à T-Pain, ce qui dans les deux cas est catastrophique. On craint alors le pire, même si en lui-même le morceau est plutôt pas mal. Une faute de goût qui ne donne heureusement pas la tonalité de la suite... Caffeine se charge d’éloigner peu à peu les craintes, à grand renfort d’une structure basique mais efficace et d’un bon gros riff rentre-dedans. Si le morceau ne brille pas par son originalité, il s’illustre par contre par sa production impeccable (merci Bob Ezrin, producteur du premier Welcome) et Cooper, très en voix sur tous les morceaux de faire ce qu’il fait de mieux. Une simple mise en bouche au regard de la suite des réjouissances. Alice Cooper nous annonce que le cauchemar est de retour (The Nightmare Return) et plonge contre toute attente à pieds joints dans une country rock aussi surprenante qu’entrainante, pour ne pas dire carrément jubilatoire. Une chevauché couillue et hors sujet, qui lorgne du côté d’Hank Williams troisième du nom et qui défouraille avec joie les idées reçues.
Et ce n’est pas Last Man on Earth, le morceau suivant qui va démentir cette apparente volonté de vouloir transporter l’auditeur au cœur de contrées étranges. Ici, nous sommes clairement en plein cabaret. Cette vieille branche de Vincent Furnier s’amuse à brouiller les pistes, convie un piano honky-tonk et un violon et raconte son histoire comme une vieille tapineuse à qui on ne la fait pas. Un tour de force totalement contraire à l’image que l’on peut se faire d’Alice Cooper et qui prouve que le bougre possède une aisance et une assurance que l’on croyait perdue. Inutile de préciser que ce morceau est l’un des grands sommets de l’album. Pour preuve, les applaudissements à la fin, qu’il convient d’accompagner.
Arrive The Congregation, qui fait le pont entre l’Alice de 1975 et celui de 2011, avec en bonus une intervention de Rob Zombie, enfant légitime du shock rock de papa Cooper (et remplaçant de feu Vincent Price, présent sur le premier « Cauchemar »). Et si la jeune garde ne rechigne jamais à affirmer son attachement à l’univers d’Alice Cooper, ce dernier ne cache pas non plus ses influences et tient à leur rendre hommage. Une tendance très présente dans cette album, qui explique partiellement la multitudes de parfums. À commencer par I’ll Bite Your Face Off, superbe hommage affirmé aux Stones de Jumpin’ Jack Flash ou de Brown Sugar. Difficile également de ne pas reconnaître dans Ghouls Gone Wild de multiples clins d’œil aux Ramones, aux Beach Boys (pour le côté enlevé des chœurs harmoniques) ainsi qu’au Summertime Blues d’Eddie Cochran, auquel Cooper emprunte en toute quiétude le riff principal. Emprunter oui, car le tout sonne comme profondément respectueux, limite humble et finalement très inspiré. Un qualificatif qui colle à l’album.
Et ce n’est pas What Baby Wants, le morceau co-écrit avec la terrifiante Ke$ha et sa pop estampillée MTV, qui va faire baisser la côte du disque (malgré ce que l’on pourrait croire). Bien, qu’il faut l’avouer, le titre a de quoi donner des sueurs aux fans hardcore. Des fans qui seront mis à rude épreuve avec LE morceau le plus étrange de l’album et peut-être celui qu’il convient de qualifier le plus de cauchemardesque. Sobrement intitulé Disco Bloobath Boogie Fever, le titre rameute la boule à facettes pour un grand moment positivement (ou pas c’est selon) à côté de la plaque. Une curiosité idéale pour bouger son boule, qui louche sur la pop synthétique de Britney Spears et qui pourra au mieux s’appréhender comme un délire totalement assumé, volontairement daté et pourquoi pas très second degré (avec de vrais bout de déboule made in John 5 dedans).
Finalement, Welcome 2 My Nightmare compte très peu de déchets. Tout n’est pas parfait certes, mais Furnier arrive à se sortir de tout (y compris du ridicule), s’amuse et ça s’entend. Il surprend avant de rassurer (cf. When Hell Comes Home et sa mélancolie qui replace illico l’auditeur dans un contexte plus sombre), secoue avant d’apaiser (la ballade, Something to Remember, qui reprend les gimmicks des tubes I’ll Never Cry et You and Me) et arrive à poser un décors, qui, s’il manque de cohérence, dénote joliment. Rien que pour ça, chapeau Alice ! Mine de rien, tu viens de pondre ton meilleur disque depuis plus de 20 ans !
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