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mercredi 15 avril 2015
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par Emmanuel Chirache le 15 mai 2007
Ville stratégique de l’Union européenne, capitale de la gueuze lambic, haut lieu de la bande dessinée belge, Bruxelles sait aussi prendre des accents rock’n’roll. Ce fut le cas dimanche 15 avril où, de passage chez nos cousins outre-quiévrins, je m’en fus voir Archie Bronson Outfit en concert. Archie Bronson Outfit, c’est ce groupe épatant dont je vous ai déjà parlé avec ferveur (voir ici), une musique énergique et habitée que j’étais impatient de découvrir en chair et en os.
Me voici donc au Jardin Botanique de Bruxelles dans une salle nommée la Rotonde. 1ere bonne surprise : l’endroit est splendide. Il s’agit d’une pièce minuscule, sombre et circulaire, chapeautée par une coupole en forme d’ogive d’où pend une boule à facettes qui éclabousse de petites taches de lumière toute la pièce, les stores déployées le long des fenêtres, le plancher, le public et les musiciens. Une vision féerique d’autant plus appréciable que je suis aux premières loges pour profiter du spectacle.
2e bonne surprise : la bière n’est vraiment pas chère en Belgique ! m’aperçois-je en écumant le bar. 1,70€ le gobelet de "Maes", la binouze de base locale, sorte de Kro du crû, qui l’eût cru ? Enfin 3e bonne surprise : En guest, les ABO ont choisi un groupe inconnu et au nom improbable, Joe Gideon & The Shark, qui s’avère l’une des meilleures premières parties que j’ai vues. Le temps d’une demi-douzaine de chansons environ, ce duo mixte à la White Stripes a d’ailleurs mis toute l’audience dans sa poche. Les morceaux débutent souvent par quelques arpèges hypnotiques de Gideon, un sympathique barbu qui pose alors sa voix chaude et grave pour parler davantage que chanter, à la manière d’un Lou Reed, voire d’un Eddie Vedder période I’m Open. Après quoi la musique s’emballe, le rythme s’accélère, la mélodie devient plus rock tout en restant planante, et Gideon finit par chanter. C’est à ce moment là que sa petite soeur, Viva (ou The Shark), entre véritablement en scène. Brunette longiligne et à frange, Viva joue la plupart du temps de deux instruments à la fois : la batterie toujours, et la guitare ou le clavier, au choix. La jeune fille fait aussi les choeurs, et probablement le café. Impressionnant. A l’arrivée, cela donne un excellent groupe très prometteur, dont la musique envoûtante rappelle par instants le Velvet Underground. Paf, allez je m’inscris sur leur mailing list et leur propose de se revoir sur Paris un de ces quatre, on en reparlera...
Avec tout ça j’allais presque oublier Archie Bronson Outfit. Il faut dire que la prestation, pour agréable qu’elle fût, n’a pas été à la hauteur des espérances. Dès le départ, le génial Cherry Lips s’est vu gâcher par un détestable son de micro qui nous priva des cris chevrotants de Sam Windett, pourtant si primordiaux ! Le problème fut peu à peu réglé au fil des chefs d’oeuvre de Derdang Derdang, de Kink à Dart For My Sweetheart en passant par Dead Funny, Jab Jab ou How I Sang Dang, mais ces morceaux parfaits furent hélas expédiés fugitivement sans une seule modification par rapport aux versions studio, ni un seul mot pour le public. Car les Archie Bronson Outfit n’ont pas seulement un look d’amiches avec leur barbe et leur cheveux ras, il semble également que ces trois hommes aient prononcé un voeu de silence. Pour ceux qui l’ignoreraient, les amiches, ce sympathique peuple de culs-bénis que l’on aperçoit dans le film Witness avec Harrison Ford, ont fait profession de foi de vivre en dehors de la modernité, dans l’austérité la plus totale. Guitares électriques mises à part, on jurerait que les Archie Bronson Outfit ont fait le même serment.
Heureusement, il y a Arp Cleveland ! Clairement, le batteur éclipse le reste du groupe sur scène. Disposant d’un kit réduit à l’essentiel (cymbales, charleston, caisse claire, toms et grosse caisse), le garçon s’impose avec une énergie et une efficacité remarquables derrière ses fûts. Moins remuant, le bassiste Dor Hobday (alternativement à la guitare) semble toutefois entrer en transe à chaque chanson, les yeux exorbités, la sueur perlant à grosses gouttes de son front, tout en retenue mais comme prêt à imploser. En définitive, et c’est une surprise, seul le chanteur/guitariste Sam Windett déçoit. Sa voix si particulière et son style unique passent soudain presque à la trappe, question d’ingéniérie sonore défaillante ou de mauvais soir, on ne saurait dire. Le plus regrettable reste cette façon peu élégante d’enchaîner les titres à la manière d’ouvriers stakhanovistes, puis cette fin de concert qui vit le groupe filer à l’anglaise, sans prêter la moindre attention aux fans réclamant un second rappel. Espérons que pour se faire pardonner, le trio nous offrira un troisième album épique. En effet, posséder autant de talent et ne pas en faire profiter davantage les autres, voilà qui serait un crime impardonnable.
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