Concerts
Wilco

Paris (Le Bataclan)

Wilco

Le 29 mai 2007

par Sylvain Golvet le 5 juin 2007

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À peine a-t-on eu le temps de digérer l’écoute de leur dernier Sky Blue Sky, excellent sixème album du groupe de Chicago, que ceux-ci débarquent à Paris, dans l’élégante salle du Bataclan pour être précis. On était en droit d’être impatient connaissant leurs capacités à l’écoute du double live Kicking Television paru en 2005, dévoilant un line up à son sommet et maîtrisant son répertoire. Ne restait plus qu’à confirmer cet état de grâce en y incorporant de nouveaux morceaux dignes de leurs meilleurs.

Le public est encore clairsemé lorsqu’arrive sur scène Carla Bozulich, accompagnée par Nels Cline, son (paraît-il) compagnon à la ville et par ailleurs guitariste au sein de Wilco. Bref, tout se tient. Elle aura même droit au fil des morceaux à la visite d’un bassiste et de Glenn Kotche et Mikael Jorgensen, respectivement batteur et clavier du groupe tête d’affiche ce soir. Officiant sur le label canadien Constellation, Carla Bozulich a délaissé sa carrière de punk au sein de The Geraldine Fibbers pour privilégier ici une ambiance plus intimiste, à la frontière du post-rock, de la musique instrumentale avec des accents presque gothiques. Malheureusement, ses morceaux assez délayés, aux structures « libres » peinent à passionner et souffrent d’un déficit rythmique assez plombant, même accompagnés de si bons musiciens. Ajouté à cela une attitude plutôt "dark" qui n’engage pas plus le public qui préfère papoter au bar. Tout ça est bien dommage, puisque la jeune femme possède un timbre profond assez touchant. Allez, laissons-lui le bénéfice du doute puisque le tout doit sûrement être redécouvert sur disque, au casque et seul dans le noir pour donner pleine mesure aux ambiances voulues.

Jeff Tweedy l’a déclaré par-ci par-là, il s’est débarrassé de son addiction à l’alcool, il voit sa récente rupture avec sérénité et il n’a de cesse de déclarer que son groupe actuel est le meilleur avec lequel il ait pu jouer. En gros, tout est réuni pour faire fuir n’importe quel fan tant on sait que le confort sied assez peu au rock en général. Loin de lui souhaiter quelconque malheur, un peu de vie mouvementé ne saurait lui faire du mal. Pourtant, avec ce nouvel album plus simple, Tweedy semble avoir trouvé l’inspiration dans un retour à un état d’apaisement, où la sérénité, la réflexion et la contemplation des choses simples sont préférable à la colère, la mélancolie ou la dépression.

Ce groupe débarque donc au complet sur scène en illustrant l’expression « qui va piano va sano » via l’élégant You Are My Face, strié de décharges de guitares. Le groupe ne choisit pas la facilité en ne privilégiant pas l’efficacité en ce début de set, entre un I Am Trying to Break Your Heart quasi bruitiste ou un Muzzle Of Bees mélancolique. Mais, ils en ont sous le coude pour tenir la longueur, montrant petit à petit leur puissance mais aussi leur éclectisme. Car Wilco est un groupe qui a toujours bougé d’album en album, prenant des directions, en délaissant d’autres, aboutissant à une variété de jeu exceptionnelle et en donnant pour tous les goûts. Pourtant le groupe n’a pas l’air d’être venu donner le concert de leur vie. Mais au contact d’un public enthousiaste, Jeff Tweedy va commencer à s’ouvrir au dialogue, et le groupe se relâchera pour puiser dans ses réserves.

Puisque Jeff Tweedy en est si fier, parlons-en de ce groupe. Un peu comme une sorte de petit E-Street Band, Wilco est composé de musiciens uniques, parant les compositions de Tweedy d’un écrin particulier, aidés par leur talent respectif. Cela va du fidèle bassiste/choriste John Stirratt, tout en élégance désinvolte, au clavier Mikael Jorgensen, un peu en retrait mais essentiel, au multi-instrumentiste Pat Sansone, un petit Beck d’une coolitude effarante. Passons aux virtuoses : Nels Cline à la guitare fait des merveilles, des solos incendiaires de Side With The Seeds ou Walken, mais toujours avec ce son fin et précis, jusqu’à la guitare slide du tube Jesus, Etc. Il apporte même cette touche expérimentale en triturant ses pédales d’effets sur les passages bruitistes de certains morceaux. Mais ce serait oublier le talent du batteur Glenn Kotche, impressionnant de maîtrise. Véritable assise comme tout bon batteur se doit d’être, il se permet également quelques virtuosités passagères, comme de jouer du xylophone tout en tenant le rythme derrière ses fûts, ou en se permettant quelques embardées tout en précision et en souplesse (Via Chicago, Hate It Here). Jeff Tweedy peut alors poser sa guitare et sa voix déchirante par dessus ce agglomérat cohérent de talents.

La setlist sera presque identique à l’album live, les nouveaux morceaux en plus, contenant ses morceaux de bravoures. Tweedy fera parler sa guitare avec le magnifique At Least That’s What You Said, digne d’un Neil Young électrique en pleine forme. Le triple solo très « freebirdien » d’Impossible Germany confirmera cette aisance dans le classic-rock, tandis qu’Hummingbird ou War On War joueront à merveille leur rôle de bijoux pop beatlesiennes. En rappel, le monumental Spiders, onze minutes de jam tiendra le public en haleine jusqu’au deuxième rappel, généreux mais vite expédié pour cause de départ du groupe juste après le set, pour leur concert en Belgique du lendemain.

À la lecture, ce compte-rendu peut paraître d’une objectivité bien relative. Il est vrai que je parle en convaincu, alors que Wilco ne semble pas jouir d’une grande notoriété en France. Et finalement, ce groupe officie la plupart du temps dans un mid-tempo classic rock très influencé par les années soixante-dix, donc rien de bien glamour en apparance, malgré leurs collaborations avec Jim O’Rourke ou Sonic Youth. Mais pour peu qu’on s’y penche leur musique est d’une sensibilité et d’une richesse peu commune et ce soir, on a eu l’impression d’assister à un show de groupe star du rock sans la grandiloquence et la mégalomanie qui l’accompagnent. Faudrait pas qu’il soit plus connu en fait !



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Setlist :
 
You Are My Face
I Am Trying To Break Your Heart
Muzzle Of Bees
Handshake Drugs
Shot In The Arm
At Least That’s What You Said
Side With The Seeds
Either Way
War On War
Via Chicago
Jesus, Etc.
Walken
I’m The Man Who Loves You
Hummingbird
On And On And On
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Impossible Germany
Sky Blue Sky
Spiders (Kidsmoke)
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Hate It Here
I’m Always In Love
The Late Greats