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mercredi 15 avril 2015
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par Sylvain Golvet le 19 février 2008
Ce genre de concert événement comme il en arrive relativement peu souvent permet l‘observation d’un phénomène sociologique tout à fait captivant. Devant les portes du Grand Rex se remplissant progressivement, on peut en effet passer le temps à observer la ronde des vendeurs de places à la sauvette. Une activité semble-t-il bien lucrative, et qui, grâce aux ventes de billets sur internet a prit un essor considérable, au point de voir une bonne dizaine de lascars se tirer la bourre sur un trottoir pour vendre leurs places à 300 euros minimum avec des « Si, si, c’est au premier rang, je t’assure ! ». Cela dit, on ne saurait leur donner tort quand on voit que le fan de base est prêt à débourser 600 euros pour voir son idole. Mais cette pratique est surtout perverse pour une chose : il est de plus en plus difficile d’acheter sa place avant que le concert soit complet. Ce qui a le don d’énerver quand on se retrouve bredouille une heure à peine après la mise en vente. Bien content d’avoir acheté ma place au prix indiqué (ce qui est déjà pas donné), je pénètre donc dans le théâtre.
Le public de la soirée est, comme souvent chez les artistes trans-générationnels comme Neil Young, composé de toutes les tranches d’âge, même si la jeunesse a dû être bien dissuadée par le prix de l’évènement. Des familles, de jeunes couples ou de vieux célibataires mal rasés vont pouvoir ce soir profiter de la première partie dispensée par la femme du chanteur, Pegi Young. Exploitant la présence des musiciens de son mari, Mrs Young propose une musique tout ce qu’il y a de plus country, chapeau et santiags à l’appui, avec guitare-steel qui convient si bien aux rythmes traînants de ses chansons de son premier album. Sympathique sans être transcendant, le set commence à se faire long à mesure que l’attente de voir le Loner se fait ressentir. Rien de personnel, puisque c’est avec plaisir qu’on la retrouvera en choriste de son mari, mais là le moment est mal choisi pour faire traîner les choses. D’autant qu’on aura le droit à une bonne demi-heure d’attente avant la prestation de la tête d’affiche.
Avec un cercle de guitares disposées en cercle autour d’une chaise et un piano pas très loin, la scène est donc prête pour accueillir ce qui semble être une première partie acoustique du set de Neil Young. Ce qui augure du meilleur, surtout quand on a eu le bonheur d’écouter le magnifique Live At Massey Hall sorti en 2007. Mais on ne se méprend pas, la présence de la batterie en fond de scène atteste bien que la partie électrique sera de la partie. Accueilli triomphalement, c’est pourtant un vieil homme tout simple qui vient s’installer au milieu des ses instruments, avec juste une veste et un pantalon couvert de taches de peinture, et dont les gestes hésitants séduisent d’emblée. Il a même l’air d’hésiter quant au choix de sa guitare pour lancer un tracklisting qui a pourtant l’air d’être relativement calé (si l’on en croit les diverses setlists installées dans des cadres sur la scène). C’est From Hank To Hendrix, un morceau d’Harvest Moon, qui démarre cette heure de performance solo émouvante et rare, surtout chez un artiste ayant dépassé les quarante années de carrière.
Finalement, je ne suis peut-être pas la meilleure personne qui puisse parler de Neil Young. Malgré tout le respect que j’ai pour l’artiste, je ne me suis jamais vraiment plongé dans son œuvre, connaissant quelques titres par-ci, par-là. Me raccrochant aux quelques titres archi-connus du répertoire, notamment ceux d’Harvest, je me laisse imprégner des délicats morceaux, souvent agrémentés de ce son d’harmonica qu’on reconnaîtrait entre mille. Des chansons qui parlent d’une cowgirl dans le sable, de films tristes et de voyages dans le passé comme d’autant de retours aux sources nostalgiques. Toute une gamme d’émotions interprétées avec une sincérité touchante par un gars plein d’expérience et d’histoires, comme celle de sa grand-mère qui gardait les clés des hommes de la mine, et qui vérifiait bien qu’en fin de journée, tout le monde était bien remonté. Bref, le genre d’anecdote qui donne corps à une prestation. Cela dit, le set aurait été parfait si A Man Needs A Maid ne s’était pas retrouvé entaché par une facétie du Loner : reproduire les cordes du morceau via un son de synthé tout ce qu’il y a d’inélégant. De quoi gâcher un morceau déchirant, mais pas une prestation non plus. D’autant qu’une demi-heure d’entracte nous permettra de nous remettre de ces émotions, et nous en faire attendre de nouvelles.
Même si cette première parie acoustique sentait bon le best of, Neil Young n’est toujours pas hors de la course, il vient même de sortir un nouvel album qu’il va nous faire découvrir en formation électrique, accompagné par Rick Rosas à la basse, Ben Keith à la guitare, et Ralph Molina du Crazy Horse à la batterie. Pas besoin d’être cinquante donc pour faire rugir les guitares et transformer le Rex en club surchauffé (enfin surtout en bas devant la scène). Ici pas de country à la Heart of Gold (le film de 2006), pas de diatribe facile contre le président texan, que du rock’n’roll. De Don’t Cry No Tears à Bad Fog of Loneliness, on retrouve tout de même quelques vieux titres. Mais le groupe s’éclate autant sur les nouveaux, et ce Dirty Old Man ou ce Spirit Road sonnent alors bien binaires comme il faut, tandis qu’un peintre s’amuse derrière la scène à peindre un tableau pour chaque titre. Il a beau être papy, le gars Young se remue comme un beau diable, enchaîne les solos avec une belle énergie. Une vitalité et une envie d’en découdre qui culminera avec le sommet de cette soirée : le morceau No Hidden Path, digne de ses plus grands succès et prétexte à plus de 15 minutes de solos déstructurés, où Neil Young triture ses cordes, maltraite ses pédales et remue en transe jusqu’à défier la lumière aveuglante d’un spot posé sur scène comme s’il affrontait le soleil lui-même. Une tuerie. Sans compter le rappel ovationné, enchaînant Cinnamon Girl et Like A Hurricane, qui n’est décidément pas une reprise de Comme Un Ouragan, comblant les attentes des fans, et des autres.
Comme quoi pas besoin d’être un fanatique pour reconnaître le caractère mythique d’un artiste, surtout quand le mythe est toujours si bien incarné. Quand bien même l’acoustique était loin d’être magnifique, dès son arrivée sur scène, Neil Young impose le respect, avec tout simplement une classe unique, tout en ne dégageant aucune once de mégalomanie ou de caprices de star. Longue vie au Loner et que son talent touche encore de nombreuses générations (et à un prix plus abordable, ce serait encore mieux).
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