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par Giom le 28 février 2006
paru en février 1972 (Reprise / Warner Bros)
Harvest est un de ces albums mythiques de l’histoire du rock qu’on ne s’explique pas. Souvent décrit par les spécialistes de Neil Young comme « le moment de calme avant la tempête » ou bien « la parenthèse apaisée du Loner », il est vrai que ce disque, à la tonalité assez euphorique, surprend surtout quand on connaît la suite des compositions de Young beaucoup plus macabres. Mais Harvest est avant tout la conséquence de la vie privée du moment de son auteur : la parfait amour et le mal de dos.
En effet, The Loner n’est plus seul quand il compose ce qui sera son deuxième véritable album solo (le premier, éponyme, est paru en 68) puisqu’il partage sa vie depuis peu avec l’actrice Carrie Snodgrass. Et ça s’entend comme sur le morceau A Man Needs A Maid, au fond assez macho mais qui respire le bonheur conjugal (certes, le titre souffre de l’insistance des cordes du London Symphony Orchestra, mais bon...). Quant au mal de dos et bien à l’époque des sessions de Nashville (où est enregistré la majeure partie du disque), le Loner souffre d’une hernie discale qu’il a chopée en retapant son ranch californien. Le fait qu’il ne puisse pas jouer de la guitare électrique explique donc peut-être cette ambiance apaisée, voire bucolique (Are You Ready For The Country où l’on retrouve les backing vocals de David Crosby et Graham Nash comme sur quelques autres titres du disque) qui règne sur le disque. Hospitalisé pendant les sessions, Young fera même venir tous ses musiciens dans son ranch près de San Francisco pour conclure cet album qui, sortant en février 72, restera son plus grand hit commercial réussissant même l’exploit d’être premier dans notre cher Hexagone pourtant pas spécialiste en matière de classements de bon goût.
Il est aujourd’hui de bon ton, voire même très snob, quand on est fan de Neil Young de mépriser Harvest, moins rageur qu’Everybody Knows This Is Nowhere, moins profond que Tonight’s The Night, ou encore, moins abouti que Zuma. Pourtant, on aurait tort de se priver des mélodies parfaites du disque, basées sur des rythmiques acoustiques entêtantes. Même The Needle And The Damage Done (première chanson de Young sur les ravages de la drogue, sonnant comme un avertissement à son ex-partenaire du Crazy Horse Danny Whitten, avertissement que celui-ci n’écoutera pas), enregistrée en live et à la thématique grave, peut être chantée sous la douche de bon matin. Ne parlons même pas de Heart Of Gold, tube interplanétaire du Loner à la composition imparable et totalement efficace pour marquer les esprits. On appréciera également le titre Old Man, inspiré de l’ancien proprio du ranch de Young qui lui avait demandé, le voyant arriver pour lui racheter sa propriété avec ses cheveux longs et son look de hippie : « Mais d’où sortez-vous tout ce fric ? » (il faut dire que la propriété fait 70 hectares de superficie.) « J’ai eu pas mal de chance. » lui aurait répondu le Loner. Cela donne les paroles suivantes :
« Old man take a look of my lifeI’m a lot like You (...)Ah, one look in my eyes and you can tellThat’s true. »
Le titre entraînant Alabama, également l’un des plus connus du disque, chante l’espoir d’un état sans racisme qui poursuit le message humaniste entamé par Young avec Southern Man sur After The Gold Rush. Les très sudistes Lynyrd Skynyrd lui répondront par le non moins fameux Sweet Home Alabama au message beaucoup moins conciliant, renvoyant chez lui ce Canadien et néo-Californien, rescapé du délire hippie.
Certes, certains titres sont un peu pompeux et empêchent le disque d’être le chef-d’œuvre absolu encore jamais réalisé. There’s A World souffre également de la présence de l’orchestre symphonique de Londres dont Young avait loué les services lors de son passage dans la capitale britannique. Mais, il reste que ce disque, sans le Crazy Horse mais avec à la place The Stray Gators (backing band composé de musiciens de studio de Nashville et de Jack Nitzsche au piano) reste extraordinaire de fraîcheur et n’a pas pris une ride en plus de trente ans, trouvant toujours sa place dans plus d’une chaumière de notre globe. La suite sera moins joyeuse.
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