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mercredi 15 avril 2015
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par Yuri-G le 24 mars 2009
paru le 16 mars 2009 (Tôt Ou Tard/Warner)
Peter Von Poehl... C’était l’été 2006. Le songwriter suédois s’était emparé de nous. Dans l’air lourd et indolent, il y avait une chanson, une seule alors : Going To Where The Tea Trees Are. La mélodie semblait entièrement liée à cette saison de crépuscule, toute en apesanteur, en nuances fragiles. Elle passait, repassait comme une vérité de circonstance. Incontestable découverte. L’album qui portait son titre était l’éclosion d’une personnalité. Peter Von Poehl : voix ballottée dans les sommets, folk gracile sans mièvreries. Et, en tout point, un sens de l’arrangement hors pair, utilisant cuivres, chœurs, claviers pour une féerie économe, scandinave dira-t-on, parfaitement imaginative. Aussi simple que ça, on avait été conquis.
Quelques paragraphes élogieux pourraient encore s’écrire sur le sujet, mais c’était il y a trois ans. Aujourd’hui, Peter Von Poehl a écrit un nouvel album, c’est de lui qu’il s’agit. May Day change de touche. Il exprime l’envie d’un son plus volumineux, explorant davantage ses influences pop. Évitant de reproduire mot à mot la mélancolie calfeutrée du précédent opus, l’artiste consacre désormais son talent de composition sur plusieurs registres. Parliament, premier single placé en ouverture, met les choses au point. On s’y sent comme dans une étoffe de northern soul, à savoir production peaufinée, tempo enjoué, sonorités pleines et lumineuses. Pour donner le ton, il y a longtemps qu’on n’avait entendu un single, hum, francophone - du moins, distribué en premier lieu sur le territoire - aussi réussi. Sans complexe, avec de l’ambition et peut-être même de l’audace. De l’audace ? Pourquoi pas. Von Poehl a une écriture qui supporte ce sens, lorsqu’on considère les productions, hum, francophones qui font fureur. Il se permet sur un titre à la facture aussi ensoleillée que Parliament, de confectionner un refrain étrangement déconnecté. L’apparition éloquente de cuivres y fait résonner une poésie ombragée ; l’air tourne à la nostalgie, sans que la cohérence du morceau en pâtisse. Et c’est dans la rondeur de la basse, dans le pépiement des chœurs qu’on continue de goûter l’allégresse des débuts. Cela peut paraître infime, mais c’est précisément dans ce registre d’orfèvre que May Day dévoile ses prouesses.
Chaque arrangement trouve sa place l’air de rien, quand il le faut, afin que les sonorités se disposent en couleurs épanouies, parfois même diffusent de l’inattendu. Pour faire court, Peter Von Poehl a l’art de faire chanter les sons. May Day, dans le domaine, est peut-être plus conventionnel que son prédécesseur, moins fulgurant. Mais il offre de belles choses qu’on ne peut repousser. C’est aussi bien un disque doux et secret, que galvanisant et insouciant. On peut l’écouter sans arrière pensée, comme un pur album de pop, retentissant de vitalité (Moonshot Falls). Un autre jour, on ira explorer ses contours incertains, quand les mélodies se piquent d’esquisses comparables à Robert Wyatt (Dust Of Heaven, Near The End Of The World, Carrier Pigeon, des cuivres qui côtoient des sentiments étranges). Enfin, il arrivera de se laisser bercer par ses simples arpèges folk. Simples, mais dans May Day ou Silent As Gold, pas très loin de certaines splendeurs telles qu’en composaient Simon & Garfunkel. Sans surenchère, ni pose, ici la musique se laisse vivre... Par ce credo (atemporalité, minutie et subtilité), voire, en l’état actuel, cette profession de foi, Peter Von Poehl rallie la frange des artistes qui, sous des dehors discrets, redonnent du prestige à la pop music.
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