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mercredi 15 avril 2015
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par Le Daim le 22 février 2011
Enregistré non-officiellement le 1er octobre 1994 à San Francisco, à l’occasion du Bridge School Benefit Concert. Copie produite par Why Not, partagée ici où là...
Il suffira au lecteur de parcourir l’excellente story qui lui est consacrée sur B-SIDE ROCK pour comprendre à quel point le Loner est concerné par les problèmes des enfants handicapés. C’est dans le but de récolter des fonds destinés à la Bridge School, institution soutenant un programme éducatif consacré à l’insertion d’enfants atteints de graves troubles du langage et moteurs, que Neil Young a lancé il y a plus de 20 ans l’idée d’un grand concert fédérant à chaque édition de nombreuses stars. Ce concert se déroule traditionnellement au Shoreline Amphitheater de Mountain View en Californie, et a la particularité d’imposer aux artistes invités le format unplugged. Une très bonne compilation des meilleurs moments de ces concerts a vu le jour en 1997 (The Bridge School Concerts, Vol.1). On y retrouve des artistes comme Tom Petty, Beck, David Bowie ou Pearl Jam ainsi que Neil Young, bien évidemment, qui ouvre l’album avec son émouvant I Am A Child. Il va de soit que les bénéfices de la vente de ce disque sont reversés à la Bridge School... Pour autant, serait-il immoral de faire ici l’éloge d’un bootleg proposant la quasi-intégralité du show que le Loner a donné en 1994 à l’occasion de la 8ème édition du concert ? Ce serait fort dommage de s’en priver, étant donné la très haute qualité de l’enregistrement et de la performance.
Ce disque a pour titre Frisco : San Francisco, en raccourci. Une autre copie intitulée Fallen Angel In Frisco circule également, sur laquelle figurent des titres supplémentaires n’ayant strictement rien à voir avec ce concert du 1er octobre 1994. Ce soir-là, Neil Young arrive comme à chaque fois tout seul sur la scène, simplement muni d’une guitare acoustique, et introduit le concert avec Comes A Time et Transformer Man. Viennent ensuite Mazzy Star, Ministry, The Indigo Girls, Tom Petty & The Heartbreakers et Pearl Jam. Le groupe de Seattle est acceuilli par une bande de fans hystériques dont les manifestations d’enthousiasme gâchent le spectacle. A les écouter, personne ne saurait faire mieux que leur groupe fétiche et pourtant nombre d’entre eux repartiront sous le choc après la prestation suivante, celle du "vieux hippie" : Neil Young...
A la suprise générale, c’est flanqué de ses compères du Crazy Horse que le Loner déboule. Le concert sera bien acoustique, comme il se doit, alors que le groupe est surtout connu pour son usage intensif de l’électricité (ayant valu à Neil Young quelques uns de ses plus grands albums tels que Rust Never Sleeps ou le double-live Weld, monument à la gloire de la distorsion et du feedback). Le spectacle débute par la chanson My Heart, qui ne figure malheureusement pas sur le bootleg. Ce titre, comme la quasi-totalité du répertoire de cette soirée, est issu de l’album Sleeps With Angels, paru quelques mois auparavant. Sleeps With Angels est un hommage avoué à Kurt Cobain, défunt leader de Nirvana, et reste avec On The Beach et Tonight’s The Night l’un des albums parmi les plus personnels, fragiles et touchants de Neil Young. Le morceau suivant est Prime Of Life ; c’est donc aussi le premier qui figure sur cet enregistrement. Le son semble avoir été capté depuis le devant de la scène, non loin d’un public dont on perçoit toutes les réactions ce qui n’est pas sans charme et n’enlève rien à l’exceptionnelle qualité sonore de l’objet. Si la voix du Loner comporte un peu trop d’aigus (sans doute le fait d’une mauvaise balance), les sons des instruments sont par contre parfaitement clairs et équilibrés. Prime Of Life est magnifié par le traitement acoustique et Crazy Horse reste lui-même dans cette interprétation inédite : parfaitement en phase avec le Loner, guettant ses moindres changements d’humeur, suivant à la perfection ses improvisations. Il en sera de même et plus encore jusqu’au dernier morceau. Force est de constater que Crazy Horse n’a pas besoin d’électricité pour faire parler la poudre ; si le groupe est capable d’une grande sensibilité, il lui arrive aussi quand c’est nécessaire de basculer dans une dangereuse brutalité, n’hésitant pas à marteler les instruments et à produire des dissonances. Le second morceau du disque est Driveby, interprété tout en tranquilité avec de splendides soli de guitare acoustique et de mélancoliques parties de piano. Dans la foule, les fans de Pearl Jam commencent à s’endormir... C’est à cet instant que Young & Cie changent de registre en matraquant Sleeps With Angels, devenu rageur et effrayant. Suite logique de ce passage à tabac : Hey Hey My My (Into The Black) que Cobain cita dans sa lettre d’adieu. Puis vient Train Of Love, aussi sensuel et paisible que Driveby.
Le groupe entretient cette atmosphère propice à la rêverie avec le titre suivant, Change Your Mind, qui vaut à lui seul l’acquisition de ce bootleg. C’est une version de 19 minutes, pas moins, qui nous est proposée... Mais elle comprend une intéressante surprise ! La voix fragile du Loner est portée par un accompagnement qui favorise une ambiance fiévreuse et nocturne. Les refrains sont à la fois aériens et mélancoliques... Et puis les soli de guitare, purs éclairs de génie d’un musicien toujours très à l’aise quand il s’agit d’improviser et de varier les climats... Cependant, à la 13ème minute du morceau une tempête s’annonce : un léger larsen apparement involontaire vient chatouiller nos oreilles. Immédiatement, le nerveux Billy Talbot réagit par une série de slaps sur ses cordes de basse, et l’atmosphère devient vraiment menaçante. 25 secondes plus tard, la guitare de Young poursuit cette montée des hostilités en lâchants quelques rafales de feedback crissant. Le Loner se rapproche des retours, et tire tant qu’il peut sur les cordes aigues de son instrument... Au bout de 15 secondes le public est submergé par une apocalypse de larsen saturé et hurlant tandis que la basse et la batterie sont brutalisées aux limites du raisonnable.
Il aura suffit de moins d’une minute pour que les insupportables fans de Pearl Jam, dorénavant en proie au délire, comprennent enfin qui est le véritable maître de cérémonie. Il faut avoir vu de ses propres yeux Neil Young & son Cheval Fou en concert pour réellement imaginer cette sorte de spectacle. Le Loner et ses sbires ne cessent de mouliner leurs soli tant qu’ils ne sont pas arrivés à cet éclatement quasi-chamanique de la conscience, à cette dérive brutale, à cette mise en danger complète, lorsque la musique échappe aux interprètes et devient une bête sauvage à laquelle il faut se soumettre. Cette perte de la maîtrise est au coeur de l’œuvre électrique du Loner et se trouve également ici, au beau milieu d’un concert acoustique qui du coup ne ressemble plus en rien à la sage prestation de l’artiste sur MTV (immortalisée via son album Unplugged en 1993). Le lendemain Neil Young & Crazy Horse donneront un second concert au même endroit et joueront le même répertoire : mais Change Your Mind ne sera pas hanté par la même folie.
La dernière chanson du set est Piece Of Crap, doux surnom utilisé par Young pour désigner tout ce que la société de consommation peut produire de néfaste mais dont on ne peut se passer (incluant les drogues dures). Pour ce final le groupe est rejoint sur scène par les Heartbreakers de Tom Petty et Pearl Jam. Neil young partage d’ailleurs la partie vocale avec Eddie Vedder, à la grande joie des fans.
Ce bootleg est fabuleux, tant au niveau du son que de la qualité d’interprétation des morceaux. Il m’est arrivé plusieurs fois de le copier pour des amis qui n’étaient pas intéressés par l’œuvre de Neil Young. Ils sont tombés amoureux de ce disque si tranquille, voire planant, mais aussi parfois... Etonnemment explosif.
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