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par Milner le 6 avril 2010
paru le 30 octobre 2000 (Parlophone / EMI)
Pour plusieurs milliers de fans, Blur est le "meilleur groupe de rock de la planète" - une phrase relayée par quelques médias à chaque sortie d’album du groupe britannique. Cela ne veut pas dire grand-chose au niveau artistique, mais cela donne une idée de la portée commerciale de tout ce qui porte leur nom. Et pourtant, malgré ses dix-sept ans d’existence - et pour tenir dix-sept ans, il faut forcément avoir quelque chose - Blur reste peu connu en France en comparaison avec son rival historique du milieu des années 90, Oasis. La faute, sans doute, à l’absence de perles calibrées pour les radio comme Wonderwall ou Don’t Look Back In Anger et à un répertoire plus difficile à imposer à l’export. Car rappelons qu’au début des années 1990, au moment où tout le milieu de l’industrie musicale choisit de ne s’intéresser qu’au rock américain suite au carton de Nevermind de Nirvana, quelques courageux solitaires originaires de Grande-Bretagne s’en prirent à cette main-mise et décidèrent de faire revivre leur patrimoine musical le plus noble (la pop music), persuadé que leur quotidien ne se résumait pas à Bon Jovi et Pearl Jam.
Ce qui pouvait s’apparenter à une mauvaise nouvelle pour les passéistes de tous poils et autres nostalgiques trouva sans doute son meilleur écho dans la tambouille des quatre britons de Blur. Un groupe qui proposa d’abord un premier album consternant de manque d’originalité (Leisure) sous forte influence Stone Roses (LE combo phare de l’époque et du son Madchester) avant de se sentir investi d’une mission : celle d’écrire une nouvelle page dans l’histoire de la pop anglaise. Longtemps considéré comme suiveur de tendance, Blur anticipe le courant de l’époque dès 1993 et laissera sans doute, après trois années sans repos, le testament de la pop d’outre-Manche constitué de trois volumes imparables, magnifiques, un rêve de pop et de rock pour les ados qui ne l’avaient pas connu. Et c’est ainsi que vint au monde Modern Life Is Rubbish, collection de vignettes du quotidien anglais dans un traitement sonore en réaction à la vague grunge dominante, le disque fondateur de la britpop. Suivra l’année suivante Parklife, brillante synthèse de trente années de pop où se bousculent les influences de Madness, The Beatles, The Kinks, Human League et The Housemartins. La conclusion de l’ouvrage voulue avec The Great Escape de 1995 (album dans son éclat le plus sombre au moment où la bande à Albarn fait un blocage créatif sur XTC) n’eut pas l’impact qu’il aurait du recevoir, tant le mouvement britpop, au demeurant bien éphémère (comme tous les mouvements ?) commençait à agoniser sur place, lessivé de cette surenchère médiatique qui aura finalement sa peau.
C’est paradoxalement en s’inspirant de la musique underground américaine (alors qu’il le combattait véhément jusqu’alors) que Blur refit surface en 1997 avec son album homonyme, à des lieues de ce que l’on pouvait attendre d’un groupe pop. Guitares noisy, expérimentations électroniques, pianos brumeux, longues plages méditatives : l’effet est saisissant et tranche singulièrement avec les disques sortis la même année. Débarrassé de la presse à sensation qui est vite passée à autre chose, le quatuor décide de prendre son temps et sort en mars 1999, le confondant 13. Patchwork de rock expérimentaliste et de planeries éthérées, il signera la fin des sempiternelles tournées au moment où les critiques rehaussent la cote de Blur. Sans le ciment des tournées, c’est une partie importante du groupe qui s’en ira lorsque l’attente se fait trop longue et que la panoplie de joyeusetés fait son apparition (dépression, alcool, etc...). Mais, nous n’en sommes pas encore là.
Et les titres de ce best of ? J’y arrive. De l’envolée sombre de Beetlebum à Music Is My Radar (composition foutraque uniquement paru en single pour l’occasion et qui est le reflet de la musique de Blur Mark II), Rowntree, Coxon, James et Albarn dressent un portrait précis de leur dix premières années. Tous les singles ne sont pas présents, y figurent justement les titres les plus représentatifs, agencés dans un ordre aléatoire qui ne dépareille pas à l’écoute mais qui ont façonné à leur manière l’image du groupe : tentative dancefloors (There’s No Other Way, Girls And Boys), du romantique (To The End) à l’éclatant (For Tomorrow) en passant par le sautillant (Song 2), Blur montre comment en s’inspirant des vieilles recettes de grand-mères, on peut influencer une scène entière d’artistes aussi différents que Kaizer Chiefs, Franz Ferdinand et The Kooks. Comme Primal Scream ou Beastie Boys, les quatre de Colchester ont fait preuve d’une grande diversité dans les styles musicaux mais aussi et surtout d’un avant-gardisme dans le mélange des genres qui est, dans l’art, une preuve certaine d’évolution et de talent. Paru en l’an 2000, cette compilation était censée faire patienter : Blur allait revenir et la suite promettait d’être terrible...
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