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News Of The World

News Of The World

Queen

par Milner le 20 février 2007

3,5

paru le 28 octobre 1977 (Parlophone / EMI)

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Un côté dans le chic et un autre dans le choc, une attitude décalée mais pourtant tellement en phase avec le public, des albums bancaux mais qui se vendent par millions, voici le cadre à restituer lorsqu’on parle du groupe de la Reine. Malgré la fatigue due aux veilles nocturnes et aux tournées incessantes depuis ses débuts en 1973, Queen trouve chaque année le temps de s’enfermer dans un studio pour y déverser deux faces de son rock si particulier. En effet, rien n’est plus dangereux que l’habitude pour le groupe. Les cinq livraisons précédentes avaient heureusement montré un côté touche-à-tout de génie (heavy, hard-rock, pop, glam-rock, prog-rock) qui avaient décontenancé la critique. Car outre le maniérisme et le songwriting pompier de la bande à Mercury, c’est surtout l’attitude du groupe sur scène, grosso modo la même qu’en studio et ce malin plaisir à partir dans tous les sens au rythme des déhanchements coquins de son chanteur qui attira les foudres de la critique. Si bien qu’avec le George Harrison post-Bangladesh, Queen est le recordman mondial de la mauvaise presse, pas encore battu par (au hasard) Muse.

Durant l’été de la haine de l’année 1977, l’Angleterre est ravagée par le punk qui voit d’un mauvais œil tous ces groupes aux fortunes colossales, jouant des doubles albums boursouflés et s’exilant fièrement sous les tropiques pour éviter les contraintes fiscales du Royaume. Ce que veut cette jeunesse, c’est un retour à la simplicité et à la hargne. Et cela tombe bien pour le combo puisque après les deux opus surproduits que sont A Night At The Opera et son faux-jumeau A Day At The Races, il s’apprête à resserrer les boulons et à expédier un album plus concis. Ce que confirmait le batteur Roger Taylor : « J’adorais beaucoup de trucs, comme le premier Sex Pistols, qui est un de mes albums préférés. C’est la raison pour laquelle News Of The World est si agressif : je poussais ! Nous étions entourés de punks, c’était très intéressant. Et en même temps, nous faisions toujours ces trucs étranges, très orchestrés. »

News Of The World n’est définitivement pas marqué de la même sophistication qui caractérisaient les albums précédents. D’ailleurs, c’est une innovation, le groupe n’a pas confié la production à quelqu’un d’autre et a préféré la réaliser par ses propres moyens avec l’aide de l’ingénieur du son Mike Stone. Et dès les premiers morceaux, ça se ressent. L’intro de We Will Rock You, sorte de resucée de How Does It Feel To Feel de The Creation, fait son petit effet : battement de mains, texte monologue et guitare saturée en guise de final pour un titre qui sera adopté par de nombreux supporters de football américain. Suit le gros carton du groupe et également plus grosse vente de l’histoire de Elektra Records (maison de disques américaine des Anglais), la tubesque We Are The Champions. Mercury avait conçu cette chanson comme une manière de faire participer les foules ainsi que les fans qui pourraient reprendre en chœurs dans les travées des stades. La combinaison piano/rythmique que l’on retrouvait par exemple sur I Can’t Reach You de The Who ainsi que le refrain facile à mémoriser sont les points forts de ce morceau.

L’optique rock pointe le bout de son nez avec Sheer Heart Attack, morceau composé par le batteur qui joue par la même occasion de la guitare rythmique et de la basse. Pas étonnant vu qu’à la même époque, Taylor enregistre, produit et chante son premier 45 tours en single, I Wanna Testify. Sûrement dans le but de se placer sur le créneau punk, le groupe ressort ce morceau qui date probablement des séances de studio de l’album homonyme et le revitalise à coups de rythmique incessante et fruste tout du long du morceau. Queens Of The Stone Age (nom hommage ?) s’en souviendra au moment d’enregistrer Feelgood Hit Of The Summer. Dans le même esprit, Fight From The Inside et It’s Late sont deux compositions tirant le plus possible vers un son live : batterie et basses sèches, réponse de guitare en stéréo. Et lorsque le guitariste Brian May prend un solo, c’est qu’il a bien préparé son terrain auparavant. L’efficacité au service de la simplicité, pourrait-on dire.

Mais, on a bien veillé à ce que tout le monde ait une part de responsabilité dans le répertoire. Loin d’enlever de la cohérence, il semble bien qu’à travers la grande diversité des chansons Queen ait atteint un degré supérieur de cohésion. C’est que les influences du groupe se trouvent parfaitement bien assimilées, particulièrement par May qui signe avec All Dead, All Dead une somptueuse ballade aux accents McCartney, sublimé en cela par son jeu de guitare qui sonne carrément comme un orchestre symphonique. Sleeping On The Sidewalk, morceau boogie-rock enregistré en une prise à l’insu du groupe, a un parfum de Peter Green ou d’Eric Clapton mais replonge l’auditeur en 1969. Aussi discret que savoureusement efficace, le bassiste John Deacon place deux compositions bien différentes : Who Needs You, bossa-nova exotique des plus entraînantes et Spread Your Wings, ancrée dans la tradition pop du groupe (piano, guitare mordante et superbe mélodie). Pour conclure ce beau travail, comment ne pas souligner la justesse de Mercury lorsqu’il propose Get Down, Make Love et son piano offrant des petites notes aiguës en guise de riffs rageurs tandis que l’intermède guitaristique de mi-chanson évoque parfois une atmosphère de SF. Pour conclure, My Melancholy Blues et son ambiance piano-bar rappelle le goût du chanteur pour les crooners et reste une pièce plus qu’essentielle de l’ensemble de ses prestations vocales, comme pour rappeler que le disque s’achève.

Première rupture discographique pour le groupe qui entreprit de charmer l’Amérique en habillant sa musique par la fée électricité ou en s’inscrivant à l’intérieur d’un conditionnement relativement grand public. Outre les onze morceaux qui composent News Of The World, sa pochette est également des plus évocatrices : les quatre membres de Queen arrachés sur Terre par un être inter-galactique qui sème la terreur dans un monde de chaos est sans doute la meilleur métaphore de l’année 1977. Le visuel, conçu par le génial dessinateur américain de science-fiction Frank Kelly Freas qui exerçait ses talents dans la revue Astounding Science, avait plu à Taylor. C’est en tout cas la fin du maniérisme ironique du groupe de Sa Majesté qui s’efforcera par la suite de perpétuer l’esprit « tournées mondiales / albums concis, harmonieux et percutants » avant les années MTV qui verront la formation glisser dangereusement vers des sonorités synthétiques qui furent le pain quotidien d’un nombre d’artistes si conséquent que la vertu impose de ne pas dévoiler.



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Tracklisting :
 
1- We Will Rock You (2’01")
2- We Are The Champions (2’59")
3- Sheer Heart Attack (3’24")
4- All Dead, All Dead (3’09")
5- Spread Your Wings (4’32")
6- Fight From The Inside (3’03")
7- Get Down, Make Love (3’51")
8- Sleeping On The Sidewalk (3’02")
9- Who Needs You (3’07")
10- It’s Late (6’27")
11- My Melancholy Blues (3’29")
 
Durée totale : 39’28"