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mercredi 15 avril 2015
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par Oh ! Deborah le 22 août 2006
paru en 1987 (Fire Records)
Pulp enregistre Freaks en 1986 alors que Jarvis Cocker est en chaise roulante, celui-ci étant tombé d’une fenêtre du troisième étage dans le but d’impressionner une fille. Le groupe est alors totalement inconnu mais ses compositions marquent les débuts d’une identité déjà unique, même si on décèle de sombres influences en ces temps de post-Joy Division ou Magazine [1].
Horreur, sadisme, grand-guignol et foire aux atrocités : voilà ce que nous évoque(Fairground, écrite et chantée par Russel Senior, violoniste et guitariste).
La nature parfois fait des erreursFaut-il blâmer la mère ou le père ?Vas-tu venir avec moi à la foire ?Et l’homme à mes côtés se moque d’un rire pervers ahahahahahahDu chien à deux têtes et du chat à huit pattes...Deux soeurs identiques s’asseyaientSauf celle qui était horriblement déforméeSes grotesques particularités semblaient parodier la beauté de sa soeur.
Ce deuxième album, qui débute ainsi avec cinq chansons sublimes, pleines d’audace et d’idées brillantes, s’essouffle sur la deuxième moitié. Mais déjà, les thèmes du chanteur sont dessinés. Cocker évoque sa culpabilité à profiter du chagrin d’autrui pour mieux l’amadouer (Life Must Be Wonderful), fait preuve de son indéniable talent précoce pour les slows révélant son innocent besoin d’aimer (I want You, They Suffocate At Night), malgré ses doutes sentimentaux voire existentiels (There’s No Emotion). Cet album composé d’orgue, de violon, de folie et de désespoir est en fait inclassable, avec des morceaux tout en tragédie imaginaire ou mélancolie glaciale (la superbe Being Followed Home) et parfaitement ambigus, notamment The Never-Ending Story, plage sur laquelle on torture une femme :
Les entrailles sont douces et chaudesCette fois, ce doit être la finQuelqu’un touche mais ça vit encoreIl la garde en vie pour faire partie de sa douleurEt c’est ça la compassion.
Jamais Jarvis Cocker n’a écrit des textes aussi morbides. Jamais sa voix n’a été si grave. Il dresse ici le rôle d’un manipulateur avide de pouvoir, notamment dans le theâtre déviant qu’est Master Of The Universe [2]) à l’envergure toutefois abîmée par la production.
Pulp envoie la couleur noire de son Freaks en référence aux personnes ’anormales’ dites ’normales’ par Jarvis : "Ces freaks dont nous parlons, ce sont juste des gens normaux qui ne vont pas bien, c’est tout. Quelque chose est arrivé et ils ne peuvent le surmonter". Bien avant de figurer parmi les meilleurs paroliers du monde, Jarvis Cocker avait fait le pari de bâtir une satire en musique et d’écrire ’Ten stories about Power, Claustrophobia, Suffocation and Holding Hands’ comme indiqué sur le devant de la pochette trouble, d’un sale jaune éblouissant. Un gamin décidait alors de captiver le monde en mettant la barre très (trop ?) haute. Car malheureusement, faute de moyens, la production ne donne pas suffisamment d’énergie aux chansons. Aussi le manque de maturité artistique ainsi que la voix de Jarvis lui fera quelque peu défaut. Là où beaucoup d’autres mettent le meilleur d’eux même dans leur premier album, Pulp est un groupe qui s’est forgé avec le temps. Il faut dire que le line-up a du mal à se mettre en place, que tout le monde n’est pas là. Dans l’univers de Jarvis. Au moment de la sortie du disque, le groupe se séparera de nouveau.
Avec Freaks, Pulp semble vouloir marquer la décennie 80’s, sortir du lot. Cette écartade sinistre et exclusive dans la discographie de Pulp reste mystérieuse, et peu d’informations sont disponibles au sujet de cette période. Elle a lieu au moment où le sévère et incroyable visage de Russell Senior (violoniste) se présente aux yeux enfantins de Jarvis Cocker.
[1] ces deux groupes venant de Manchester, à une quarantaine de kilomètres de Sheffield, ville natale de Pulp
[2] présente dans la compilation du même nom
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