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par Sylvain Golvet le 5 mai 2009
Paru en 1970 (Monument)
Vous avez très certainement croisé le visage de Kris Kritofferson dans une salle de cinéma ou sur votre écran de télévision. Dans Pat Garret & Billy The Kid de Peckinpah ou dans le magnifique La Porte du Paradis de Cimino. Ou même dans Blade ou Blade II si vous êtes plus portés sur le comics. Faut dire que le grand gaillard a du charisme. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il a derrière lui une carrière bien fournie d’auteur-compositeur interprète. Il faut dire que la country n’a pas toujours bonne presse, et sortir un album de ballades de cow-boys en 1970, ça a quelque chose de presque suicidaire. Ce qui se vérifiera assez vite d’ailleurs puisque à sa sortie cette année-là, Kristofferson, premier album éponyme de Kris, sera un échec. Mais ce disque n’avait pas dit son dernier mot.
Kristofferson, fils de militaire, effectue quelques années dans l’armée US en Allemagne, puis à son retour aux Etats Unis, il passera une bonne partie des années 60 aux quatre coins du pays, passant d’un job à un autre, comme pilote d’hélicoptère pour une compagnie pétrolière. Mais riche d’études en littérature, l’écriture de chanson est sa vraie passion. Help Me Make It Through The Night sera d’ailleurs écrite sur une plate-forme pétrolière, comme Me And Bobby McGee. A Nashville, son job d’homme de ménage aux studios Columbia lui permettra de rencontrer Johnny Cash et de lui proposer quelques chansons. Ce dernier note l’effort mais ne les chantera pas. Du moins pas tout de suite. Ce que d’autres ne refuseront pas, comme Roy Drusky, Jerry Lee Lewis ou Billy Walker & the Tennessee Walkers, qui tous rencontreront le succès avec ses titres. De fait, une bonne partie des chansons de Kristofferson a déjà été interprétée, et le sera encore après. Or quand Kristofferson sort en 1970, c’est malheureusement un échec.
Par chance, Kristofferson est à l’époque le petit ami de Janis Joplin. Forcément sensible aux chansons de son compagnon, elle chantera Me And Bobby McGee avant de passer l’arme à gauche. Inclus dans Pearl, succès posthume de la brailleuse en 1971, le titre sort même en single et devient numéro un. Un succès qui forcément rejaillira sur l’original, surtout quand la maison de disque ressortira l’album sous le nom Me And Bobby McGee, capitalisant sur le succès de Joplin et du deuxième album de Kristofferson The Silver Tongued Devil & I. Le monde est enfin mûr pour Kris Kristofferson.
Composées par un trentenaire, qui a en plus pas mal bourelingué, les chansons de l’album puent la mélancolie du cow-boy solitaire. Me And Bobby McGee laisse transparaître l’authenticité d’un Kristofferson nomade, voyageant de petits boulots en petits boulots avec ses compagnons de route, et chérissant le célèbre adage : « Freedom’s just another word for nothin left to lose ». De même la plupart des personnages boivent avant de parler comme le personnage de To Beat The Devil, chanteur affamé et assoiffé, contraint d’accepter la bière gratuite d’un barman maléfique, figure classique du pacte avec le diable. « I aint sayin I beat the Devil, but I drank his beer for nothing, and then I stole his song ». Pas que l’alcool soit un but en soi, ni une distraction, c’est juste devenu une habitude, comme les dimanches matins brumeux de Sunday Morning Coming Down, car il y a dans ces dimanches quelque chose qui rend le corps solitaire. (« Cause there is something in a sunday / That makes a body feel alone »). La perle de cet album, c’est Casey’s Last Ride. Une ballade aux accents de western urbain, crépusculaire et hantée, contant l’errance d’un homme dans l’enfer moderne des souterrains du métro, et dont la compagne se languit de le voir revenir.
Musicalement, la country de Kristofferson est dépouillée, lorgnant vers le folk, composée dans la célèbre configuration guitare-voix. Mais au fil des écoutes, on remarque les arrangements discrets qui émaillent chaque morceau, de la fanfare bastringue de Blame It On The Stones, l’harmonica de Me And Bobby McGee, jusqu’au tambour glaçant de Casey’s Last Ride. Kristofferson se permet une escapade vers la country rock’n’roll de Johnny Cash, avec The Best of Possible Worlds. Probablement écrite en hommage à Frances Beer dont il divorce en 1969, For The Good Times tente, elle, de faire passer une rupture de la manière la plus douce possible. Avec ses touches de violon et de xylophone, tout semble pardonné. L’album navigue ainsi aux côtés de l’univers de Lee Hazlewood période Cowboy in Sweden, mêlé au dépouillement des premiers Leonard Cohen . Le timbre grave de Kristofferson, également assez proche de Lee Hazlewood, achève de recouvrir le tout d’une douce tristesse.
Enfin reconnues via les versions de son auteur, les chansons de Kristofferson continueront de faire le bonheur de nouveaux interprètes, comme Waylon Jennings, Ray Price ou finalement Johnny Cash, qui fera un succès avec Sunday Morning Coming Down. Kristofferson, l’album, est de fait devenu un classique de la country. Un catalogue de chansons où les artistes vont piocher de quoi remplir leurs albums quand ils sont en manque d’inspiration. Dans ces cas-là mieux vaut choisir le meilleur. Et là l’original vaut pas mal les reprises.
Vos commentaires
# Le 19 mars 2014 à 14:17, par Muffin Man En réponse à : Kristofferson
Bonjour,
Qualifier Janis Joplin de "brailleuse" me semble relever, au mieux, du problème auditif, et au pire, d’une grande stupidité un peu méchante. Cela dit cette chronique étant la seule que j’aie trouvée (en français) sur le net à propos de "Kristofferson", j’ai quand même mis un lien y renvoyant dans cette brève sur le blog que j’anime avec des amis : http://ablogsupreme.hautetfort.com/archive/2013/01/14/1970-le-single.html. Avec un peu de chance, ce sera l’occasion pour d’autres internautes de découvrir votre avis sur Janis et d’essayer de vous ramener à la raison par une écoute apaisée de "Pearl", par exemple.
Salutations,
MM
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